Chapitre 2

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Pendant une semaine, je suivis le programme imposé par mon corps et par le Directeur : des heures de sport intensives, quelques remises à niveau dans différentes matières, et surtout les cours de maniement de nos nouveaux pouvoirs. La plupart du temps, je me laissais contrôler, et je ne réfléchissais plus à ce qui m’arrivait. Les temps où nous pouvions utiliser nos pouvoirs étaient les seuls moments où j’étais vraiment attentif.

Par exemple, je pouvais m’entraîner à lancer des boules de feu, créer de petites tornades, accélérer la croissance des arbres, provoquer la foudre, contrôler la terre ou l’eau. Je sentais souvent le regard du Directeur, quelque part, m’observant à mon insu. Les scientifiques étaient très attentif envers moi, ressentant un mélange de curiosité et de crainte.

Quelques souvenirs me revenaient, parfois, fugaces, et disparaissaient aussitôt. Je m’étais vite rendu compte que je n’avais aucun souvenir de l’histoire ou de la géographie de notre monde, mais qu’en revanche certaines notions mathématiques, ou tout simplement le fait d’écrire ou de lire, venaient naturellement. Je ne parlais jamais à mes compagnons d’infortune ; à vrai dire, nous ne le pouvions pas.

Le complexe où nous vivions était une véritable forteresse. Une immense muraille carrée entourait les bâtiments, protégés par des dizaines de militaires qui patrouillaient régulièrement. Au centre se trouvait une immense cour où se déroulaient la plupart de nos entraînements. Je ne savais absolument pas ce qu’il y avait à l’extérieur, et l’envie de découvrir le monde me dévorait. Malheureusement, même si j’avais eu le contrôle de mon corps, je n’aurais pas eu l’occasion de voir ce qu’il y avait au-delà de la muraille ; elle était bien trop protégée, et je n’aurais pu la forcer même avec mes pouvoirs.

Un soir, alors que j’étais couché dans mon lit, tâchant de m’endormir, j’entendis à nouveau la voix à l’intérieure de moi :

  • Je ne vais pas rester comme cela indéfiniment ! J’ai soif de sang… j’ai faim de chair… Cela ne peut plus durer !

La tête me tourna soudain, je fermai les yeux, et soudain je sentis tous mes muscles, je pus à nouveau contrôler mon corps. Je me redressai en sursaut, en m’écriant :

  • Qui est là ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
  • Tu n’as pas besoin de parler, contente-toi de penser, cela vaut mieux pour toi.

Alors, dans l’obscurité de la chambre, je vis une immense ombre noire, ayant une forme vaguement humaine, qui semblait me regarder intensément.

  • Ah ! Tu m’as enfin vu… Il est temps de se présenter, tu ne crois pas ? Je commence : je suis la Mort.
  • Impossible ! m’écriai-je. Jamais la Mort ne pourrait avoir forme humaine.
  • Et pourtant, c’est bien le cas. Lorsqu’on t’a fait subir cette expérience, on a enfermé en toi, en plus de tes merveilleux pouvoirs, une partie de moi. Bien sûr, cela ne veut pas dire que tant que je suis toi, personne ne mourra. Je suis la partie consciente de la Mort…
  • Pourquoi moi ? gémis-je. Il y a à peine une semaine, je ne savais même pas qui je suis, et j’apprends que j’ai en moi la Mort. Je ne comprends rien.
  • Ne t’inquiète pas, nous allons faire de grandes choses, ensemble… Mais pour l’instant, je pense que tu devrais t’enfuir… Apparemment, il y avait des caméras dans ta chambre. Des soldats arrivent, et pas pour te faire des câlins !
  • Pourquoi ne resterais-je pas ici ? Ainsi, tout serait plus simple, et…
  • Crois-moi, mieux vaut t’enfuir.
  • Pourquoi vous ferais-je confiance ?
  • Parce que tu n’as pas le choix ?

J’entendis à ce moment des pas précipités dans le couloir. Ma décision fut vite prise. Dès lors que la porte fut défoncée brusquement, et que j’aperçus le bout des canons, je sus que la mort n’était pas une solution. J’envoyai immédiatement quelques boules de feu sur les soldats, qui furent contraints de reculer. Cela me donna suffisamment de temps pour défoncer le mur avec un éclair.

Je n’hésitai pas à sauter, même si j’étais au quatrième étage. Ma maîtrise de l’air n’était pas suffisante pour me permettre de voler, mais je pus tout de même ralentir ma chute pour me rétablir en douceur. A ce moment, une alarme horriblement stridente résonna dans tout le complexe. La Mort commenta en ricanant :

  • Tiens, ça se complique. Tout le monde est réveillé, à présent. Même tes petits copains, qui ne vont pas tarder à débouler.
  • Tais-toi, grinçai-je.

J’évaluai rapidement les chances de m’en sortir. Plus question de se rendre, les soldats me tueraient sur le coup. Les murailles étaient trop hautes ; quant à passer au travers, je craignais qu’elles soient trop épaisses. La seule solution, même si elle était risquée, était de passer par le dessous…

  • En voilà un qui sait se servir de sa tête. Ça me changera des précédents…
  • Tu ne pourrais pas m’aider ?
  • Tu n’as pas encore compris que tu ne peux pas compter sur moi ? Pour l’instant, tu n’as rien fait qui puisse justifier mon aide. Débrouille-toi.

Appelant à moi le pouvoir de la terre, je creusai un trou dans le sol, de plus en plus profond, tandis que les balles commençaient à pleuvoir autour de moi. Une fois descendu suffisamment bas, je décidai d’avancer en ligne droite, aussi vite que mes pouvoirs me le permettaient. Au-dessus de moi, des cris me parvenaient, mais sans que je puisse les comprendre. Je sentais petit à petit mes forces décliner, et l’air me manquer. J’allais perdre espoir lorsque la terre autour de moi devint plus molle.

  • De l’eau ?
  • Tu es loin des murailles, m’indiqua la Mort. Sans doute au niveau de la mer.

Reprenant soudain espoir, je creusai en direction de la surface, et après une couche de sable, je pus goûter de nouveau à l’air frais. Je m’extirpai difficilement du sol, puis examinai les environs. Au loin, à une centaine de mètres environ, je voyais les hautes murailles se découper dans la nuit, agrémentées de points lumineux. Entre moi et la muraille, il y avait une forêt dense.

  • Nous sommes donc sur une île ?
  • Désolé d’interrompre ta découverte du monde, mais tu ferais mieux de décamper. Tes compagnons arrivent en masse, et ils ne sont pas contents.

Je m’arrachai difficilement à la contemplation du paysage, et entrai peu à peu dans l’eau. Je laissai les vagues m’éloigner du rivage, tandis que je regardais le ciel étoilé au-dessus de moi.

  • C’est magnifique, murmurai-je.

Je sentis malgré moi mes yeux se fermer doucement. J’avais trop dépensé d’énergie, et le contre-coup de mon escapade me revenait soudainement.

  • Préviens-moi si quelqu’un arrive, pensai-je avant de m’endormir, bercé par le rythme des vagues.

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