Chapitre 4

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« -Et celle-là ? Elle est belle non ?

Magnifique. Mais je crois que mes bras n’en supporteront pas plus.

Je suis chargé de sacs remplis de vêtements. La robe que me montre Anna est certes très jolie, mais comme je viens de le dire, mes bras sont épuisés… Tout comme ma carte bleue.

S’il te plaît, Aiden ! implore-t-elle en faisant les yeux doux.

Comment résister ?

Bon, d’accord, mais c’est la dernière ! Après, on rentre !

Super, merci beaucoup ! s’exclame-t-elle en m’embrassant.

Je vais payer, attends-moi dehors.

Elle sort du magasin avec un sourire jusqu’aux oreilles. Un frais vent d’été en profite pour s’engouffrer à l’intérieur, en faisant frémir les tissus accrochés dans les rayons. Après avoir attendu quelques minutes dans la file, je peux enfin payer.

Je sors du magasin et cherche Anna des yeux. Je ne la trouve pas, j’imagine qu’elle est partie acheter des glaces – elle adore les glaces. Soudain, un hurlement résonne dans la ruelle à ma droite. Je m’y précipite aussitôt.

Anna ? »


— Sabre ? Hého, Sabre !


Ombre m’attrape par les épaules et me secoue sans ménagement. Je peux vous dire que j’ai aussitôt retrouvé mes esprits. Je l’arrête et la repousse avant qu’elle détache ma tête de mes épaules.

Nous sommes de retour devant la demeure de Dame Élise, et Ombre s’apprêtait à frapper à la porte avant que je me perde dans ce souvenir. Il a dû revenir à la surface à cause de ma crise de tout à l’heure, il faut dire que ça m’a bien secoué. Mais j’aurais préféré un autre souvenir, même le plus insignifiant ; pourquoi a-t-il fallu que ce soit celui-là ?


— Mets ta capuche et ton foulard. Et n’oublie pas de montrer ton anneau.

— Oui, oui.


Je ne peux m’empêcher de soupirer, mais je m’exécute. Ombre frappe à la porte et Arthur nous ouvre immédiatement. Nous montrons nos anneaux avant même qu’il ouvre la bouche, et il se décale aussitôt pour nous laisser passer. Nous montons les marches du grand escalier quatre à quatre et arrivons au bureau de Dame Élise. Cette dernière est assise derrière son bureau en train d’écrire quelque chose. Elle lève les yeux vers nous et nous indique l’unique chaise en face d’elle. Encore une fois, je laisse Ombre s’asseoir.


— Alors ? demande Dame Élise.

— Nous avons les plans, répond Ombre.

— Donnez-les-moi. Rien d’anormal ? continue-t-elle tandis qu’Ombre lui donne les plans par-dessus le bureau.

— Rien à signaler, dit Ombre.

— En fait… J’ai aperçu quelqu’un, dis-je.


Elles se tournent toutes les deux vers moi, l’air surpris. J’aurais sûrement dû en parler à Ombre avant.


— Juste avant de partir en descendant du toit, j’ai vu un homme sur le toit d’en face. Il avait un manteau noir avec… Avec une croix rouge sur le dos.

— Un templier ? s’exclame Ombre. Tu as vu un templier, et tu ne m’as rien dit ?

— Je ne savais pas que ça serait important ! répliquais-je.

— T’es vraiment con, ma parole ! crie Ombre en se levant de sa chaise. Évidemment, que c’est important ! Si ce templier nous a vus, il a facilement pu avertir Darier, ou pire, nous suivre !

— Et je ne tiens pas à voir les templiers débarquer ici, enchérit Dame Élise.

— Si jamais il nous arrive quelque chose, ce sera de ta faute ! Je ne manquerais pas d’avertir le Chef, menace Ombre en me fusillant du regard.


Je m’apprête à répliquer, mais je me retiens. Inutile d’envenimer la situation. Je sais que j’ai fais une erreur, et que les conséquences risquent d’être graves. Mais comment aurais-je pu savoir ? Je ne suis un véritable Assassin que depuis deux jours ! Ombre est plus expérimentée, elle aurait pu faire attention elle aussi. D’ailleurs, si elle n’était pas partie si vite, elle aurait vu le templier !

L’atmosphère dans la pièce est devenue lourde. Ombre me regarde longuement, ses yeux lançant les éclairs, avant de détourner le regard en croisant les bras. Dame Élise, elle, nous regarde alternativement d’un air sévère, mais ne dit rien. On entend le « tic-tac » de la pendule résonner tandis que les secondes passent et défilent tout en amplifiant l’ambiance pesante qui s’est installée. Dame Élise finit par dire lentement :


— Maintenant que vous m’avez ramené les plans, j’ai besoin que l’un d’entre vous retrouve un membre de la BAR et… L’interroge.

— À quel sujet ? demande Ombre un peu trop brusquement.

— Je crains que l’usine de DGC ne soit surveillée par une unité d’élite. Il nous faudrait plus d’informations là-dessus.

— Je m’en occupe, dis-je aussitôt. Où dois-je le retrouver ?

— Pas très loin, à deux rues d’ici. Vous le reconnaîtrez facilement, c’est le seul garde dans cette partie du quartier. Une fois que vous avez les informations que nous voulons, tuez-le. Pour le reste, faites comme vous voulez.

— Et, Sabre, commence Ombre alors que je me dirige vers la porte. Pas d’autre erreur, compris ? Rapporte-moi tout ce que tu vois ou fait, et évite de te faire repérer.

— Oui, Ombre, répondis-je en articulant bien les deux mots avec toute la colère dont je suis capable.


Je sors en claquant les portes violemment. Je marche à grandes enjambées sous la pluie pour me calmer. Je sens le sang qui bouillonne dans mes tempes, et ma respiration ne ralentit pas. Au moins, interroger ce type va me défouler.

J’arrive beaucoup trop vite à mon goût dans la rue indiquée par Dame Élise. J’aperçois le type qui arrive. Difficile de passer inaperçu, il n’y a que nous deux dans la rue. Je ressers mon foulard et avance le plus normalement possible. Il approche, me jette un regard curieux, mais nous nous croisons sans qu’il dise quoi que ce soit. Dès qu’il est passé, je m’adosse contre un mur et attends qu’il tourne dans une autre rue, ce qu’il ne tarde pas à faire. La chance me sourit. Je marche en accélérant, me plaque contre le coin du mur et jette un coup d’œil dans la ruelle, au cas où il essayait de me tendre un piège. Mais non, il se trouve quelques pas plus loin.

C’est le moment. Je m’approche silencieusement – bien que ce soit inutile vu ce que je m’apprête à faire. Je pose la main sur son épaule, le retourne et lui donne immédiatement un uppercut. Il titube en plaquant les mains à son visage. Je lui donne un coup de pied dans les genoux, il tombe d’un côté. Je l’attrape par les cheveux et l’envoie contre le mur. Il glisse et se retrouve assis par terre, du sang sur le visage. Je m’agenouille près de lui et tiens ma lame secrète prête.


— Q… Qui êtes-vous ? souffle-t-il.

— Fermez-la, c’est moi qui pose les questions. La BAR a une unité d’élite postée dans son usine de DGC. Dites-moi tout ce que vous savez à propos d’elle.

— Vous croyez vraiment que je vais parler à un Assassin ?

Je pose ma main sur la sienne. A priori, rien de dangereux. Excepté ma lame secrète au-dessus de son index. Il doit sentir le métal contre sa peau car ses yeux trahissent de la peur pendant une seconde.


— J’en suis même sûr, répondis-je.


Un sourire sadique s’étale sur ma bouche. Dommage qu’il soit caché sous mon foulard.


— Vous croyez vraiment me faire peur ? Vous, les Assassins, vous croyez sûrement être mieux que nous, mais vos méthodes sont pires. Le peuple que vous êtes censé protéger vous craint, alors que nous… Il nous adore. Il nous adule car nous le protégeons de v…


Il ne termine pas sa phrase. J’ai enclenché ma lame secrète et il a relevé sa main à quatre doigts à ses yeux. Il hurle face au flot de sang, mais un vigoureux coup de poing le fait taire. Je l’attrape par le col pour le ramener dos au mur.


— Je me moque de ce que tu penses de nous. Je t’ai demandé des renseignements, et tu as intérêt à me les donner.

— Non… S’il vous plaît ! Je… Je ne sais rien !

— Ah, vraiment ?


J’attrape son majeur et le relève dans un horrible craquement. S’il n’avait pas sursauté de douleur, j’aurais sans doute pu plaquer son doigt sur le dos de sa main. Une nouvelle fois, un coup de poing pour le faire taire, puis je le fais revenir contre le mur.


— Je te donne une dernière chance. Sinon… Eh bien, j’espère que tu ne voulais pas avoir de gosses.
Ses yeux comprennent tout de suite ce que je veux dire. Menacer l’entrejambe, ça marche toujours. Je vois qu’il se retient de vomir de douleur.


— Attendez… Non… L’unité d’élite… Ce sont des templiers… Ils ont suivi un entraînement exprès contre les Assassins. Ils surveillent le contremaître Lairn… Pour qu’il ne lui arrive rien… Et… Ils ont une bonne armure… et sont bien équipés…

— Quel genre d’équipement ? Ils ont quoi comme armes ? Réponds !

— Je ne sais pas… je vous ai dit tout ce que je savais !


Je place ma main sur sa mâchoire et le force à ouvrir sa bouche. Je pose ma lame secrète contre sa langue.


— Tu es sûr de toi ?

— Des lames comme vous ! arrive-t-il à articuler. Ils ont… Des lames aux poignets… et un bouton pour donner l’alerte…

— Eh bien tu vois, ce n’était pas si difficile.


J’enlève ma main de sa mâchoire. Je lui fais un vague signe qu’il pourrait interpréter comme un « Maintenant, tu peux y aller. » et attends qu’il esquisse un mouvement pour s’enfuir.


— Nous savons que vous êtes de mèche avec l’aristocrate Élise de Lys… Mais elle sera bientôt supprimée, me dit-il avec un sourire narquois.

— Ah, vraiment ? Vous lui avez envoyé un assassin, vous, les templiers ? Voilà qui est assez ironique. Nous saurons accueillir votre tueur comme il se doit, ne t’inquiète pas. Maintenant, tu m’excuseras, mais tu te doutes bien que je ne peux pas te laisser repartir en vie.

— Quoi ?


Je pose lentement une main sur son épaule avant de lui transpercer le cœur. Ce n’est pas aussi propre qu’Ombre avec ses aiguilles, mais tant pis. Je prends le temps pour me relever, et constate avec surprise que je suis incroyablement calme. Je jette un coup d’œil de chaque côté de la ruelle : personne. En haut, sur les toits, rien non plus. J’en conclus que je suis seul. Je reviens rapidement sur mes pas et me dirige vers la demeure de Dame Élise en courant. Pourvu que j’arrive à temps !

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