Lettre à X.
Dès que le jour se termine, je regarde le soleil se coucher comme un enfant attendrait la fin d’une leçon. Le brouhaha d’un monde aveuglant s’apaise et les étoiles s’éveillent sur le linceul nocturne.
Il fait froid, je sens la brise glaciale qui souffle sur ma nuque. Bientôt, ce sera ta voix près de mon oreille, qui m’emportera sur le plus merveilleux des vaisseaux, vers les plus exquises contrées.
Parfois, la journée, je ferme les volets et m’allonge, dans le noir, immobile comme un gisant, je respire lentement et mon cœur s’arrête. Je t’imagine venir me chercher pour m’emmener, m’enlever de ce monde et m’offrir le plus fabuleux des trésors.
Les plaisirs de ma vie humaine m’indiffèrent, les sourires sont grossiers, les femmes quelconques. Tu es l’absolu, la perfection. Tes cheveux glaciaux sont divins, ta peau d’albâtre est plus pure que la glace immortelle du plus haut sommet. Lorsque tu me touches, mon corps électrifié se tend comme un ressort, et j’ouvre la bouche pour recevoir le nectar écarlate que tu verses de tes veines.
À genoux, je te prie, je t’adore comme une divinité ancienne et toute-puissante, je loue la grâce que tu m’accordes et te voue mon existence entière. Lorsque, de tes lèvres rouges et glacées, tu effleures mon cou, le monde se pare de promesses d’infini et d’avenirs idylliques.
À tes côtés.
Parfois, avant que ne tombe la nuit, je pense aux autres artères que ta bouche a goûté, et j’ai peur que cette fois tu ne viennes plus. Peut-être as-tu trouvé un serviteur plus dévoué, une âme plus amoureuse ? Je crie, pleure, mais je me réfrène ensuite : je sais que tu n’aimes pas ça.
Hier, tu n’es pas venu. Il pleuvait, sans discontinuer depuis le matin jusque tard dans la nuit. Je suis sorti, je t’ai cherché, j’ai marché jusqu’au bois et je t’ai appelé. J’avais un couteau avec moi, j’ai menacé de me trancher les poignets. Mais tu n’es pas venu.
Un loup a hurlé, je suis rentré. La pluie s’est calmée et la lune est apparue. Quand je me suis couché, j’ai senti ton odeur de tombeau frais et d’obscurcine cueillie. Comment ai-je pu douter ? Tes yeux me suivent dès que je ferme les miens, et le moindre murmure de tes lèvres vient à mes oreilles.
Mon cœur bat pour toi. Dévore-le selon tes désirs.
Ce soir, lorsque tu franchiras ma porte, je me jetterai à mes pieds et renouvellerai mes serments. Je t’offrirai mon sang, ma vie, ma chair et mes os, mon âme immortelle, pour que tu la dérobes et m’emmène, enfin, sur les flots de l’éternité, où je serai tien à jamais. Tu es mon existence ténébreuse, la beauté inchangée de la mort, le secret de mes nuits silencieuses.
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