Chapitre 12
J’ai beau être crevé, je n’arrive pas à m’endormir une fois dans mon lit. Je reste fixer le plafond et, aux premières lueurs de l’aube, j’abandonne. Je lance un jeu vidéo et passe quelques heures la manette entre les mains, mais mes yeux n’arrêtent pas de glisser sur mon téléphone. Je dois me retenir d’envoyer un message à Lista pour savoir comment elle va.
Sans doute elle non-plus ne trouve pas le sommeil.
Je n’arrive pas à croire que Jérémy ait pu se montrer aussi con ! Ce mec avait tout pour plaire, de prime abord. Tout le long de ma première semaine de cours, je n’ai vu chez lui qu’un petit-ami confiant, protecteur et honnête, bien qu’un brin prétentieux.
J’ai beau essayer de résister, je n’arrête pas de l’imaginer en train d’essayer de forcer la main à Lista. Ça me donne envie de gerber.
Vers le milieu de la mâtinée, après une bonne vingtaine de morts, j’éteins la console et fais le tour des plantes de la dépendance. Puis je sors mon matériel de jardinage et vais profiter de la chaleur du soleil pour plonger les mains dans la terre. J’espère que cette nouvelle activité aura plus de succès.
Après environ un quart d’heure à m’occuper de nos nouvelles pousses, Périne sort par la baie vitrée pour venir me voir.
— Salut, fait-elle en me tendant un verre de jus de pomme.
J’avale d’un trait, déshydraté.
— Comment c’était, la fête ?
— Comme d’hab.
— Tu as rencontré du monde ?
Je repense à Audra, Déborah et Tim, et j’espère qu’ils ne verront pas de problème à ce que je traîne avec eux au lycée. Manger à la cafèt avec Charlie et la bande de Jérémy me semble trop difficile.
— Avec ta mère, on voulait savoir pourquoi tu as pris la voiture, cette nuit.
Je m’interromps, mes gants à moitié enfouis dans la terre. Sans réfléchir, je réponds qu’une amie m’a demandé de venir la chercher parce que plus personne n’était sobre pour la ramener. Ce n’est pas entièrement un mensonge, et c’est sans doute pourquoi maman ne doute pas de ma sincérité.
La mâtinée passe beaucoup trop lentement. Il est presque l’heure de manger lorsque je sors du jardin et vais prendre une douche. En sortant de la salle de bain, je cède et décide d’envoyer un texto à Lista. Elle me répond tout de suite, mais sa réponse, qui se veut rassurante, ne me convainc pas vraiment.
Je mange avec mes mères. Je tombe de sommeil, mais j’essaie d’être le plus actif possible dans la conversation, pour donner le change. Je vois bien qu’elle s’inquiètent, mais je sais qu’elles vont mettre ça sur la soirée d’hier. Je ramène mon assiette dans la cuisine lorsque la sonnette de l’entrée résonne dans le couloir. Je vais ouvrir.
J’ai un blocage lorsque je vois Lista, qui jette des regards inquiets dans son dos.
— Salut, Lista.
Elle lève les yeux vers moi. Ils ne sont plus rouges, mais elle a l’air embarrassée.
— Est-ce que on peut parler ?
Je hoche la tête. Dans le jardin de devant, on a installé un banc et une petite table de jardin. On s’assoit tous les deux côtes à côtes. Le soleil illumine ses cheveux blonds, et leurs reflets m’éblouissent quand j’essaie de tourner le regard vers elle.
— Tu as réussi à gérer tes parents ? Je demande pour mettre fin au silence.
— Ouais, ils ont pas beaucoup insisté.
De nouveau, on reste silencieux.
— Merci, pour cette nuit, finit-elle par dire. Je sais que tu as dû beaucoup t’inquiéter, et je suis désolée de t’avoir mis ça sur les épaules.
— Y a pas de soucis, je suis là si tu as besoin d’aide. Pour quoique ce soit.
Ça ne fait qu’une semaine qu’on se connaît, mais je sens déjà qu’on peut avoir une confiance mutuelle extraordinaire. Lista n’est pas seulement ma première amie à Larmore-baie, elle est aussi une personne formidable, et je ne peux pas imaginer la laisser tomber.
— Jérémy m’a appelé, tout à l’heure.
Elle lâche la bombe, et je sens mes joues se décolorer.
— Il voulait s’excuser.
— Qu’est-ce que tu vas faire ?
Malgré-moi, je sens la colère rouler dans chacun de mes mots. Lista hausse les épaules.
— Je vais y réfléchir. Peut-être l’écouter. Mais pas aujourd’hui.
Je lui jette un coup d’œil. Cette idée ne me plaît pas beaucoup, mais j’imagine que ce n’est pas mon problème. Je lui répète que, quoiqu’elle décide, je serais là pour la soutenir, et je me contente de la voir sourire.
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