Il est seize heures quand Silvio et Agostino se retrouvent dans la cour après la sieste. Le dallage chauffé pendant les plus fortes chaleurs de la journée brûle leurs pieds à travers les chaussures. Livia les rejoint, elle a abandonné sa robe d’été pour lui préférer une tenue plus adaptée à l’aventure, et semble prête à partir à la découverte du monde. Les deux garçons portent des bermudas avec des grandes poches. Pour se donner encore plus l’apparence d’aventuriers, ils les ont remplies d’objets utiles : des cordelettes, des biscuits, une gourde chacun et des pansements. Agostino a même emprunté une boussole trouvé dans un tiroir de son père.

— Bah, à quoi ça va te servir ? lui demande Livia en désignant l’objet qu’il tient fièrement dans ses mains.

— Au cas où on se perdrait, pardi ! rétorque Agostino, pour qui la réponse semble évidente.

— On va pas non plus dans la jungle, reprend la petite fille.

— Qu’est-ce t’en sais ? D’abord ! On sait pas où les chats vont nous amener, réplique le garçon, agacé.

— Je sais pas si t’es au courant, mais y a pas de jungle à Venise, contre-attaque Livia, moqueuse.

— N’empêche que si on se perd dans des souterrains, tu seras bien contente que j’aie un moyen de retrouver notre chemin.

— Y’a pas de souterrains non plus !

— Si on se mettait en route, les coupe Silvio. Ce n’est pas en se chamaillant qu’on va trouver les chats.

De mauvaise grâce, Livia et Agostino sont bien obligés de se rendre à la raison de leur ami. Ils abandonnent leur querelle et tous trois se mettent en quête.

Ils commencent par les ruelles autour de leurs immeubles, puis vont au Campo de la Celestia, regardent sur les quais du Rio San Francesco de la Vigna. Ils les cherchent dans tous les recoins sans les apercevoir.