La cour du roi Roux Premier
L’odeur de végétation laisse la place à celle du béton chauffé et celle plus animale des chats. Le vent siffle dans les poutres métalliques et les enfants peuvent entendre des miaulements, le bruit des moteurs de bateaux leur rappelle la proximité de la Lagune et de leurs maisons.
Éblouis par la lumière réfléchie par le ciment, les trois amis se retournent et observent la structure d’acier rouillé, perchée sur une enceinte de ciment gris d’où leur parviennent les cris des animaux. Ils s’interrogent du regard sur l’attitude à adopter.
— On y va ? propose Silvio.
En guise de réponse, Livia commence à avancer, Agostino reste à l’ombre des fourrés.
— Je suis pas sûr, dit-il.
— T’es pas sûr de quoi ? lui demande Silvio.
— Bah, tout ça quoi…
— Tout ça quoi ? s’agace son ami.
Un peu plus loin, au soleil, Livia s’arrête et se tourne vers les garçons, impatiente.
— Bah, tu sais bien, on a pas vraiment le droit d’être ici.
— Depuis quand ça te gêne ?
— Peut-être que c’est un piège, insiste Agostino.
— N’importe quoi ! Des chats qui tendent des pièges ! intervient Livia, moqueuse.
Piqué au vif, Agostino a soudain peur de passer pour un lâche auprès de la fillette, alors, il se résigne et commence à avancer avec les deux autres.
Ils découvrent bientôt un escalier qui monte en direction de la structure de métal. En haut de la dizaine de marches, ils débouchent sur une étendue circulaire dont le ciment irradie une chaleur sèche. Les chats sont là, ils les ont retrouvés.
Le gros rouquin marche lentement entre les siens. Il miaule sur l’un, souffle sur l’autre ou donne à l’occasion un coup de patte à un sujet peu respectueux. Dès qu’il aperçoit les enfants sur le bord de la plate-forme, il s’avance et vient se frotter sur les jambes de Livia.
Il lui adresse un discret bonjour puis s’écarte en direction d’une cabane faite de planches de bois et de morceaux de tôles appuyés sur un mât métallique. Après quelques hésitations, Livia finit par le rejoindre. Silvio tente de l’accompagner, mais le félin ouvre sa gueule et lui lance un feulement sauvage qui met un terme à toute envie de les suivre.
Livia approche doucement de la baraque d’où lui parviennent des petits cris aigus. Quatre boules de poils apparaissent à son entrée. Les chatons tournent leurs grands yeux bleus vers la fillette. En la voyant, chacun d’eux réagit différemment : l’un se retourne et court se réfugier dans la cahute, un autre, souhaitant chahuter, essaye de le rattraper en partant à sa poursuite. Le troisième se hérisse et sautille en crabe vers la petite fille, sifflant de façon menaçante. Le dernier, quant à lui, marche paisiblement dans sa direction. Il ouvre ses grands yeux, la queue levée. Elle s’accroupit devant le chaton qui saute sur ses genoux en ronronnant. Il se blottit contre elle et s’abandonne.
Annotations
Versions