Retour
Lorsqu’ils parviennent entre les bâtiments de leur cité, seuls leurs noms retentissent encore aux fenêtres des immeubles. Le ton agacé des adultes présage de longues explications avec leurs parents.
Ils se séparent rapidement et courent dans les escaliers. Ils comptent ainsi assouplir la réprimande qu’ils s’attendent à recevoir.
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Silvio entrouvre doucement sa porte, passe la tête par le battant et constate que sa mère est encore à la fenêtre, occupée à l’appeler. Le garçon entend les prénoms de ses amis résonner dans la cour. Il se faufile discrètement dans sa chambre, dépose la boîte sous son lit, puis rentre dans la cuisine où l’attendent les autres membres de la famille. Son père le fusille du regard alors que son grand frère fait semblant de l’ignorer, un léger rictus sur ses lèvres révèle au nouvel arrivant que ça risque de chauffer pour son grade.
Silvio toussote doucement pour signaler son arrivée à sa mère. Elle se retourne, en colère.
— Silvio ! Ça fait une demi-heure que je t’appelle ! Regarde-toi ! Tu as vu dans quel état tu t’es mis ? Va te laver ! Et, pour t’apprendre à être à l’heure, tu vas au lit sans manger !
Silvio cherche un moyen d’éviter la punition, mais la sanction est déjà prononcée. Les larmes aux yeux, il tourne un visage implorant vers son père. En guise de soutien, il ne récolte qu’un regard où se mêlent colère et compassion. Silvio comprend qu’il n’obtiendra aucun secours de ce côté. Il se retient de pleurer, se rend dans la salle de bain, se lave les mains et jette ses habits dans le bac à linge sale. Une fois dans sa chambre, il dévore avidement les biscuits emportés pour l’expédition de l’après-midi.
Toujours peiné par la punition, il prend son carnet secret et y inscrit le récit de sa journée. Arrivé à l’épisode de la découverte des photos, il pose son stylo, sort la boîte de métal de sa cachette, l’ouvre et repasse les images en revue.
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Livia s’introduit dans le petit appartement. Son grand frère, Alceo, l’attend à la porte. Un sourire déplaisant s’affiche sur son visage. Derrière lui, leur mère s’affaire dans la cuisine.
— Livia ! Va te laver les mains et viens à table ! Allez ! Dépêche-toi ! dit-elle en l’apercevant.
Livia se dirige vers la salle de bain, mais son grand frère lui barre le passage, la bouche déformée par un rictus moqueur.
— Mais ma petite sœur est une vraie souillon. Tu as traîné avec des cochons ?
— C’est pas tes affaires ! proteste Livia en tentant de le contourner.
— C’est quoi ça ? demande-t-il en lui retirant une boulette piquante des cheveux. Il en profite pour les lui tirer.
— Aïe !
— Non, ce n’est pas de l’ail. On dirait plutôt une herbe folle.
— Alceo ! Laisse ta sœur tranquille et viens te mettre à table.
Livia sent que c’est le moment d’agir, peut-être évitera-t-elle d’être disputée pour son retard.
— Maman ! Alceo m’empêche d’entrer dans la salle de bain !
— Alceo ! gronde leur mère. Viens mettre la table !
Alceo cède, non sans bousculer Livia, il lui lance des insultes muettes au passage.
— Je sais ce que tu fabriques avec tes copains…
— Alceo, qu’est-ce que j’ai dit ?
— Pourquoi moi ? C’est pas un travail d’homme !
— Ta sœur se lave les mains, tu mets la table, s’il te plaît.
Le garçon entre dans la cuisine, ouvre le placard, en sort les assiettes et les pose avec fracas.
— Tu peux faire attention quand même, reprend sa mère en prenant le plat dans le four.
— Ouais, c’est ça.
Depuis la salle de bain, Livia entend le début de dispute, ses mains sont désormais propres, mais elle prolonge un peu sa toilette pour échapper à l’orage qui gronde.
Alors que son fils jette bruyamment les couverts sur le bois de la table. Antonella, lève les yeux au ciel. Elle n’a jamais su comment fonctionnaient les hommes, à commencer par son père qui se tuait à la tâche et n’avait rien fait lorsque sa femme était tombée malade. Puis son mari dont le merveilleux travail l’obligeait à voyager par monts et par vaux, toujours loin, longtemps. Tellement loin qu’elle ne s’était pas aperçu qu’il avait fini par ne plus rentrer. Elle soupire à nouveau en pensant à son fils, persuadé d’être le chef de famille et impossible à gérer. En plus, ce garçon lui rappelle son père ou son grand-père à chaque fois qu’elle le regarde… Antonella étouffe un nouveau soupir. Elle ne retrouve le sourire qu’en voyant Livia quand elle s’assied pour le dîner.
Lasse, Antonella vient juste lui déposer un bisou sur le front avant de servir le repas.
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Agostino entre et salue à la cantonade. Son père lui lance un regard empli de reproches, sa mère l’inspecte en prenant ses yeux de gardiens de la propreté et constate avec dégoût les dégâts d’un après-midi d’exploration.
— Va te nettoyer et n’apparaît pas ici avant d’être propre comme un sou neuf.
Agostino se précipite dans la salle de bain, il pense que s’il se montre obéissant, aucune punition ne l’attend.
— Qu’as-tu fabriqué cet après-midi ? lui demande son père lorsque le garçon s’attable.
— Rien de spécial.
— Montre tes mains, ordonne sa mère alors qu’elle pose le plat de lasagnes sur la table.
Agostino s’exécute en adoptant sa figure de petit ange. Il sait l’importance que revêt la propreté à ses yeux, aussi n’a-t-il pas lésiné sur la brosse à ongles et le savon. Elle l’observe à nouveau, puis, satisfaite, sert une généreuse portion pour ses deux ventres affamés.
Alors que le garçon mange avidement, son père le regarde avec fierté, et la conversation tourne autour des sujets habituels.
À la fin du repas, le pater familias s’apprête à rejoindre les autres hommes du quartier, Agostino s’approche de ses chaussures pour les enfiler.
— Non, Agostino. Ce soir, tu vas te coucher, ça t’apprendra à te faire attendre pour le repas.
Son fils tente bien de l’apitoyer en lui lançant un regard peiné, mais l’homme n’y prête aucune attention, il connaît toutes ses ruses. Agostino comprend que la partie est perdue. Il va dans sa chambre, sans rien ajouter, pioche un vieux numéro de Topolino[1] sur une pile près de son lit et allume sa lampe de chevet. Au bout de quelques pages, il s’endort sur une histoire dans laquelle les trois petits-neveux de Picsou aident des mousquetaires à trouver les ferrets de la reine.
[1] Topolino est le nom de Mickey en italien.
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