Rythme des choses
Nul besoin de tracer les yeux au fusain, nulle nécessité d’ombrer au graphite la pulpe des lèvres, nulle précipitation à cerner d’une huile lourde l’éperon du nez, à faire se détacher dans le blanc la falaise du cou. Une simple logique de soi dans l’évidence d’être. Tout ceci naissait de l’ombre, de son inclination à chuchoter, à faire savoir dans la pente du silence. Tout s’ouvrait de soi, sans effort, sans tumulte, sans souffrance qui se fût métamorphosée en déchirure. Tout était dans tout sans limite qui eût tranché au scalpel l’unité déjà atteinte que rien, désormais, ne pourrait entamer. Une fleur, dans un voile bleu, laissait paraître son lent dépliement ; la lumière d’un bras que traversait la buée brune des cheveux laissait s’écouler vers l’aval du temps le luxe de l’heure ; la lanière verte d’une bretelle disait la persistance de la vêture à enclore la grâce du corps. Et pourtant, dans ce qui paraissait n’être qu’un oubli - Doline était sans doute seule au monde -, il y avait infiniment de présence, infiniment à connaître. Il suffisait d’être là, dans l’abri primitif, lovée au centre de soi, écoutant les battements de son cœur, éprouvant la dilatation du torse, suivant les rivières de sang, la pliure blanche des ligaments, le réseau serré des nerfs et plus rien ne comptait que cet infini poème s’ouvrant sur la certitude que rien ne pouvait arriver que d’heureux, de souple, d’accordé au rythme des choses.
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