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6 minutes de lecture

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Léo

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   Non mais sincèrement, quelle connerie ce test. Ça doit bien faire cinq minutes que je tourne en rond dans ce gymnase miteux, à la recherche de mon binôme. Si le test dure quinze minutes, il va être vite torché. Le silence m'étourdit, à tel point que je me force à taper des pieds afin de meubler ce manque sonore étouffant.

  • Lou ? Mia ? ... euh, le nouveau ? Y'a quelqu'un ? Non parce que je commence à m'ennuyer sévère là.

Aucune réponse, seulement le vide. Je fais encore quelques pas, et m'arrête face au miroir longeant l'entièreté de l'un des murs. Rien d'anormal, seulement moi, devant le miroir, et derrière, le gymnase vide. Des fenêtres en hauteur me renvoient une lumière tamisée de fin de journée, et à première vue, le matériel sportif semble ancien, rouillé à certains endroits, ne donnant aucune envie de s'en approcher.

  • Léo, je suis là !

Je me retourne, et considère Mia, habillée d'une tenue de danse que nous avions utilisée lors de l'une de nos représentations au lycée. Une chorégraphie que nous dansions ensemble, en duo, sur Unconditionnally de Katty Perry.

  • Tu m'expliques ?
  • J'en sais rien figure-toi ! Et toi, tu es torse nu, alors moufte-la ok ?

Je hausse les épaules, et recommence à arpenter le gymnase de long en large. Rien, toujours rien, le vide total.

  • Tu étais caché où jusqu'à maintenant ?
  • J'en sais rien, il y avait une salle à côté, mais une fois que j'ai passé la porte, elle a disparu.
  • Ouais donc on est bloqué là quoi, génial.
  • Peut-être pas, il doit forcément y avoir une autre issue, rétorque t-elle.
  • Bah tu vois, ça fait cinq fois que je fais le tour, et il n'y a aucune porte.

Elle ouvre la bouche pour protester, mais son regard se fixe alors quelque part derrière moi, et le temps que je me retourne pour voir ce qui l'intrigue, d'immenses flammes me barrent la vue. Elles dansent face à moi dans de longues volutes orangées et rougeoyantes semblent me narguer et, paniqué, je me retourne face à Mia. La fumée a commencé à emplir la salle, et à la place du silence bourdonne désormais un crépitement plus angoissant encore. La peau de ma meilleure amie a pris des teintes orangées, lui donnant un air de torche humaine qui ne me plaît guère.

  • Panique pas, c'est fictif, je m’empresse de lancer.

Mia est terrorisée par le feu. Pas étonnant, lorsque l'on sait que son père, soldat, a eu le visage brûlé au troisième degré. Il aurait même pu y rester, selon ses collègues, si il n'avait pas reçu de soin assez rapidement. Pour avoir côtoyé Hector, le père de Mia, je peux assurer que même sans avoir peur des flammes, la vue de sa peau détruite par le feu, de ses nombreuses cicatrices au visage, est assez impressionnante. Le traumatisme, est celui d’avoir manqué perdre un être cher dans l’étreinte des flammes. Mia, a cru tout perdre ce jour-là, où sa mère est venue la chercher en urgence à l’école. Depuis, Mia a peur du feu. Ça peut paraître puéril, mais en réalité pour elle, il s'agit d'un véritable handicap. La vue du feu, la sensation de chaleur produite par un briquet, tout la fait frissonner, allant parfois même jusqu'à la faire pleurer d‘effroi. Alors, de voir ces immenses flammes face à elle, je me doute qu'elle ne doit pas se sentir bien.

  • Mia ?
  • M'approche pas !

Elle recule, tombe sur les fesses, et son regard effrayé à ma simple vue me donne un coup de poignard au cœur. Même par terre, elle pousse sur ses jambes afin de m'échapper, tandis que je fais un pas vers elle. Ses yeux sont exorbités, ses lèvres tremblent, et de légères larmes commencent à perler au bout de ses longs cils.

  • Mais quoi putain ? On dirait que tu as vu un fantôme !

Sa respiration s'accélère, et tandis que je tente à nouveau de parler, je croise mon reflet dans le miroir. Et je me fige à mon tour, mon cœur ayant cessé de battre.

  • Mia, c'est fictif, rien de tout ça n'est réel, s'il te plaît regarde-moi !

Elle me hurle de m'éloigner, et mon torse se serre à son tour. Rejet.

Elle hurle, encore et encore qu'il ne faut pas que je l'approche, que je vais la brûler à son tour, qu'il faut que j'aille voir un médecin.

Mon reflet, dans le miroir, est totalement brûlé.

  • C'est moi Mia, je te jure. Regarde moi mon chat.

Mon chat. On s'appelait tout le temps comme ça lorsque nous étions enfant, parce que, apparemment, je ressemblais à un chat. Et de ce fait, par pur désir réciprocité, je l'appelais comme ça aussi.

Aujourd'hui, ce surnom ne nous sert qu'en temps de crise.

  • Dégage ! Dégage ! Dégage ! Vas t-en ! Ne m'approche pas ! Dégage !

Je sais que c'est fictif et pourtant...

Je rouvre brutalement les yeux, en hurlant, tandis que la visière de mon casque se relève d'un coup. J'entends le monitoring s'affoler à côté de moi, et je tire de toutes mes forces sur les sangles qui m'enserrent les poignets.

  • Mia ! je hurle. Mia, me laisse pas, Mi...

Je n'ai le temps que de sentir une aiguille s'enfoncer dans mon bras, avant que le noir ne me reprenne à nouveau, et que je ne retombe dans une sorte de flou, impuissant.

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Mia

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Face à moi, Léo, complètement brûlé, s'approche, centimètre par centimètre. Je ne veux pas qu'il m'approche, ni qu'il me touche. Je ne veux pas être brûlée moi aussi.

  • Dégage ! Dégage ! Dégage ! Va t-en ! Ne m'approche pas ! Dégage !

Et alors, il disparaît, d'un coup. Le feu s'éteint, Léo disparaît, et je me retrouve à nouveau assise sur mon siège à Reborn. Mon corps me revient petit à petit, et doucement, je reprends conscience de mon environnement, bien que toujours vaseuse.

Je sens des mains me retirer les électrodes, et perçoit, au loin, quelqu'un crier mon nom.

  • Léo... ? je murmure.
  • Il va bien ma chérie, votre simulation a peut-être été un peu rude pour vous deux...
  • Je veux voir Léo...
  • Après. Pour le moment, il doit se calmer. Mais ne t'en fais pas, il va bien.

Je reprends peu à peu mes esprits, et arrive à discerner en face de moi, Elio, toujours sanglé sur son siège, et dont le corps me semble convulser. Ou du moins être secoué par de violents spasmes.

  • Je crois qu‘Elio ne va pas bien..., je souffle.
  • Mes collègues y sont peut-être allés un peu fort sur vos premières simulations. Je vais aller couper celle de tes amis.

Elle finit de me libérer et s'éloigne au pas de course vers le siège d‘Elio, avant de relever sa visière avec précipitation.

Il pleure. De longues larmes dévalent ses joues, et une expression de douleur intense fend son visage. À cette simple vue, je sens mes propres larmes revenir.

Mon cœur se serre, et je me lève pour le rejoindre.

  • Elio, est-ce qu...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase, qu'il attrape ma main, ses poignets venant d'être libérés, et qu'il la serre de toutes ses forces. Ses larmes coulent plus abondement, et je ne sais pas quoi faire. Je n'ai jamais été douée pour soutenir les gens lorsqu'ils pleurent. Je perds mes moyens et ne sers alors plus à rien. Il arrive même que je pleure à mon tour, ce qui n'aide en rien.

  • Tout va bien, je me contente de murmurer en serrant sa main en retour. Tout va bien.

Sa détresse me tord l'estomac, et sans m'en rendre compte, je laisse mes larmes couler.

Tout refait surface d'un coup : l'attentat, l'hôpital, Reborn, mes parents que je ne reverrai plus, et maintenant Elio ravagé par les larmes. C'est trop, beaucoup trop.

  • Tout va bien les enfants, nous rassure Judith.

Non, tout ne va pas bien, mais je n'arrive pas à le lui dire.

Je me sens juste à me sentir inutile face à Elio, face à Léo qui est inconscient sur son fauteuil, et face à Lou qui vient d'émerger à son tour.

Quelle imbécile. Je me déteste

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