29 (partie 1)
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Elio
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Mon portable à peine raccroché, je sens la fatigue me gagner. Mia est partie depuis à peine quarante minutes, et voilà qu'elle nous demande déjà de la rejoindre à la pharmacie de Lydia. Je ne sais pas encore de quoi il retourne, mais la connaissant, il ne doit pas s'agir d'une broutille pour qu'elle prenne la peine de me contacter : s’il avait simplement s'agit d'un criminel notoire, elle s'en serait occupée elle-même.
Durant l'appel, j'ai pu voir qu'elle contactait en même temps que moi, Tim, Jelena, Alexia et Jeremy.
Autant dire qu'elle vient de rameuter la cavalerie la plus lourde de cet immeuble.
Rapidement, je passe ma tenue d'intervention, laissant derrière moi le rapport à peine entamé concernant la purification de ce matin, et chausse mes bottes de cuir noir parfaitement cirées, avant de prendre dans notre armoire mon arme d'assaut, et de quitter l'appartement.
A peine ai-je descendu un étage, que je croise Jeremy et Jelena, tous deux en pleine discussion sur le motif de l'appel de Mia, et remarque que mon ancien camarade de classe affiche une belle trace de brûlure dans le cou. Sa peau chocolat au lait a prit une teinte plus sombre, à l'aspect plus abîmé, plus désagréable au toucher. Ça part de son épaule, pour remonter jusqu'à son oreille. Une mauvaise blessure, qui doit être grave étant donné que la régénération n'a pas encore agi.
- Tu t'es fais quoi ?
- Un coup de lance-flamme. Ils savent plus quoi inventer pour se protéger ces malades.
Un sourire trahit mon amusement face à son ton détaché, tandis que je reprends ma longue descente jusqu'au rez-de-chaussée.
Les gens, la population, savent qui nous sommes. Pas nous en particulier, mais la ''nouvelle race'', comme ils nous nomment. Certains Reborn n'ont pas été assez discrets, et des humains ont pu assister à la régénération de leurs corps meurtris, ainsi qu'à une démonstration de nos capacités augmentées. De plus, à notre sortie du centre, nous avons été tatoués en-dessous de l'omoplate, comme ''propriété de Reborn''. Un peu comme du bétail, il est vrai. Mais le problème n'est pas là, il se trouve dans le fait que les gens ayant assisté à la régénération ou autre, ont également pu constater la présence de ce fameux tatouage, et ont donc commencé à se poser des questions : extraterrestres, reptiliens, secte étrange, démons, chacun y est allé bon train pour tenter de trouver une explication à ces jeunes tous de noir vêtus qui éliminent les criminels notoires, les meurtriers ou autres déchets que ce bas monde peut porter. Et avec cela, la peur. Celle de ne plus se sentir en sécurité, car au-delà de la criminalité ordinaire se trouve désormais des personnes – nous – capables de tuer avec une facilité déconcertante, et appliquant leur propre justice. Une justice sans morale pour beaucoup, car officiellement, la peine de mort n'est plus au goût du jour. Voir un homme se faire abattre dans la rue peut certes être traumatisant. Mais, ces personnes que nous abattons, l'ont mérité. Nous ne tuons jamais sans raison.
Je me mords la lèvre en passant les portes de notre immeuble, sous le regard du surveillant de l'endroit, derrière son comptoir dans le hall d'entré.
- Ta copine est passée il y a une heure à peu près. Tu pourras lui transmettre qu'elle serait bien aimable de faire moins de bruit en descendant les escaliers ?
- T'as qu'à lui dire, je rétorque avec mauvaise humeur. Je suis pas médiateur.
Il grogne, et me tourne le dos, me laissant passer la porte d'entrée sans plus de jérémiades.
Ça me fait bien rire : tous, autant qu'ils sont, qu'il s'agisse de surveillants, d'intervenants ou tout autre personne rattachée de près ou de loin à Reborn, ils ont peur de Mia. Ils ont peur de ses sautes d'humeur, de ses crises de colère, de la façon qu'elle a de ne jamais rater sa cible lorsqu'elle tire dans la rue depuis notre appartement. Ils frissonnent à sa simple vue, et passent toujours par moi pour lui faire passer un message. Quelle bande d'imbéciles. Ne savaient-ils pas, qu'en séparant Mia de Léo et Lou, cela aurait comme répercussions sur elle, un manque, une colère, une tristesse que seule la fureur pourrait apaiser ? Et puis, essayez donc de couper les deux bras d'une personne déjà instable, on verra si par la suite, elle n'a pas envie de vous arracher la tête.
Sans le savoir, ils ont créé ce Reborn dont ils ont si peur : à la manière d'un monstre de Frankenstein se retournant contre son créateur, Mia arrive à leur insuffler une terreur qu'elle-même n'explique pas. Elle n'a jamais attaqué aucun membre du personnel de Reborn, n'a jamais prodigué de menace contre eux, alors pourquoi cette vague de frayeur sur son passage ?
Ses yeux sans doute. Plus sombres depuis l'examen de détachement, ils sont le reflet de ses pensées, et j'imagine que lorsqu'elle les pose sur un surveillant ou tout autre personne lui rappelant la perte de ses deux amis d'enfance, ils ne doivent pas y lire que de la colère. Plutôt une haine farouche, indomptable, et baignant dans les flammes. Le seul moyen d'éteindre l'incendie ? Rameuter les pompiers, j'ai nommé Lou Kampa et Léo Pogbal.
Lorsque nous arrivons enfin à hauteur de la pharmacie, je constate directement que quelque chose ne va pas. Les portes coulissantes sont ouvertes, de l'intérieur, s'échappent des éclats de voix rauque, couverts par les seules réflexions salées de ma petite amie et les supplications de Lydia.
- Alexia avec moi on va passer par l'arrière-boutique, je dicte rapidement. Vous trois, prenez-les à revers par l'entrée principale : qu'importe qui ils sont, si Mia nous a appelés, c'est qu'ils doivent être dangereux, alors soyez prudents.
- Oh le rouquin, qui t'a permis de me donner des ordres ?
Je ne tiens pas compte de la remarque de Jelena, et entraîne Alexia avec moi, dans la ruelle longeant le mur de la pharmacie, pour gagner une petite porte en métal camouflée derrière un panneau de bois : Lydia préfère ne ps attirer l'attention sur cette seconde entrée qui serait fort pratique pour une embuscade.
Alexia passe la première, une fois que j'ai retiré l'épaisse planche en bois, et pousse la porte en métal sans douceur, avant de débouler dans l'arrière-boutique pour se figer, face à un véritable carnage : des boîtes de médicaments éventrées au sol, un bureau aux tiroirs ouverts, laissant à la vue de tous les différents dossiers de notre amie pharmacienne.
- Putain mais ils sont combien ces fils de putes ? s'écrie une voix au loin.
Comprenant que Tim, Jelena et Jeremy sont entrés, je pousse Alexia en avant, pour entrer dans la boutique, sous les regards éberlués des six hommes présent entre nos deux groupes.
- Vous en avez mis du temps, marmonne Mia, assise sur le comptoir. J'ai failli commencer sans vous.
À peine a t-elle terminé sa phrase qu'elle sort de sa ceinture un cran d'arrêt, qui ainsi exhibé, fait frémir l'homme se trouvant le plus près d'elle. Un individu pourtant imposant, mais dont la carrure n'est due qu‘à la graisse. Un mauvais combattant, ça se voit. Il se donne un genre de mauvais garçon avec un semblant de dragon tatoué sur son bras, mais ne trompe personne : cet homme n'a de criminel que son mauvais goût.
- Non mais attendez là, s'écrie l'un d'eux. Nous on veut juste notre part du marché, c'est tout.
- Et qui te dit que tu es en droit de demander quoi que ce soit boule de graisse ?
Dans la petite équipe que nous formons, tous les six, si il y en a bien deux à qui ne pas se frotter, ce sont Mia et Jelena. Cette dernière, une main sur la hanche, vient de saisir l'homme le plus proche d'elle au cou, pour le soulever au-dessus du sol sans aucun mal. Les regards se braquent sur eux, tandis que les baskets de l'homme traînent au sol avant de s'en envoler dans un grognement de ce dernier. Il se débat, agite les bras, en avisant Jelena d'un air effaré.
- Mais vous êtes quoi... ?
Les paroles, à peine soufflées du criminel le plus proche de moi, me font doucement sourire.
- Disons juste, qu'on est des policiers améliorés. Et la formule correcte serait : ''vous êtes qui''. Pas ''vous êtes quoi''.
- Les policiers ils dézinguent pas les gars comme nous.
- Et qui a dit qu'on allait te dézinguer pauvre tache ?
Mia, son cran d'arrêt toujours serré au creux de sa paume, s'approche désormais d'un nouvel individu, sous la gorge duquel elle s'amuse à agiter sa lame.
- Redhead, un des plus gros gangs de Cristal. Vous devez avoir un chef sacrément influent.
- Et alors, qu'est ce que ça peut te faire sale pute ?
La première balle est décochée par Tim, directement dans la hanche de celui ayant cru bon d'insulter Mia. Dans un râle suivi d'un gargouillis ignoble, l'homme s'écroule par terre, sous les regards consternés de ses cinq comparses. Je crois qu'ils ont enfin compris que nous ne rigolions pas dans nos menaces.
- On peut parler sans s'insulter ? soupire Jeremy.
Aucun membre de Redhead ne répond, tous focalisés sur leur partenaire gesticulant désormais dans une petite flaque carmin en braillant comme un ridicule goret. À force de trop bouger, il va s'épuiser, et augmenter son flot sanguin, ce qui ne fera qu'accélérer sa mort. Lorsque l'on saigne, mieux vaut ne pas trop bouger, vraiment.
- Je disais donc, reprend Mia, que votre chef doit avoir un sacré poids, non ?
- Ouais, bien sûr qu'il en impose, vous croyez quoi bande de merdeux ?
- T-t-t, pas d'insultes, rappelle Jelena en défaisant la sécurité de son revolver.
Je pouffe de rire dans mon coin, préférant être acteur et non spectateur de cette scène grotesque, ils sont pris en tenaille, ne peuvent pas s'enfuir. Alors autant qu'ils parlent, on perdra moins de temps, car il me semble que Mia a une idée derrière la tête, à voir cette petite lueur au fond des yeux. Elle prépare visiblement quelque chose, et lorsqu'elle est dans cet état d'esprit, celui d'aller jusqu'au bout de son idée, mieux vaut ne pas trop la chercher.
- Ok, vous savez ce que l'on va faire ? Cinq d'entre vous vont suivre mes collègues jusqu'auposte de police le plus proche. Le dernier, va me conduire à votre chef, pour qu'on puisse discuter, lui et moi. Bien sûr, je garde mes armes, et si vous vous avisez d'essayer de nous la mettre à l'envers, bam.
Elle mime un coup de pistolet de ses doigts, avant de lâcher un sourire satisfait de son laïus. Puis, peu adapté à la situation, un petit rire s'élève de sa gorge, tétanisant nos six homme sur place.
- Et tu crois que notre chef acceptera de te parler ? s'étonne faussement un membre deRedhead.
- Il a plutôt intérêt. Voyez-vous, j'ai sur lui un petit dossier croustillant, qui l'enverrai directement en taule, lui, et vous bien sûr. Je consens à ne pas tout divulguer, s‘il accepte de s'entretenir avec moi. Oh et, ce n'est pas une proposition.
Son sourire se décuple, tandis que de mon côté l'appréhension commence à me gagner : qu'importe son plan, se lancer ainsi dans la gueule du loup est bien trop dangereux. Surtout si elle s'y jette seule.
- Elio, m'apostrophe t-elle en saisissant un des membres les plus jeunes, si à quinze heures tu n'as pas de nouvelles de moi, vous savez où attaquer, et quoi faire sauter. Pas de pitié pour les traîtres qui ne respecteraient pas leur part du marché. Allez à tout à l'heure, bisous, bisous.
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