54 (partie 2)

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Léo

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Je laisse mes doigts frapper le volant au rythme de ma nervosité grandissante à chaque seconde s'écoulant dans ce silence étouffant. L'habitacle baigne dans l'incertitude et la peur, et je déteste ça.

Notre plan, ne peut pas échouer.

  • Lou, parle-moi s'il te plaît.
  • Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Je crois que j'ai été assez clair hier.
  • On ne peut pas échouer. Tu le sais aussi bien que moi.

Il hausse un sourcil dubitatif, avant d'enfin darder son regard dans le mien, par le biais du rétroviseur. Ses yeux courent le long de la petite cicatrice restée visible au niveau de mon torse perforé lors de l'attaque du gala de charité.

  • Ce plan-ci non plus n'était pas censé échouer.
  • L'erreur est humaine.
  • On est plus humains.

Il inspire par le nez, en secouant la tête.

  • Si tu meurs, je meurs aussi, tu le sais ça Léo.
  • Et personne ne mourra aujourd'hui, je te le promets. Je t'ai déjà menti ?

Il grogne en retroussant sa lèvre supérieure, avant de se tourner complètement vers moi pour attraper mon col et me tirer vers lui d'un geste sec.

  • Tu as vingt minutes après le coup d'envoi.
  • Ce sera largement suffisant. Il est pris au piège mon cœur. Nos alliés monopolisent les hommes de Nodem, et j'y vais avec Jeremy, Tim et Juan. On ne risque rien.
  • Alors dépêche-toi.

Il m'offre un maigre sourire, avant que je ne m'empare de ses lèvres pour lui signifier mon départ. Enfin, je quitte la voiture en lui murmurant un « je t'aime » qu'il amorce d''un hochement de tête suivi de la réciproque, pour me diriger vers la ruelle jouxtant l'axe principal de la ville, celui où se trouve la R Tower. Officiellement, elle est occupée par des employés de bureaux tout ce qu'il y a de plus lambda. Officieusement, les derniers étages sont investies, mais pas par le même genre d'employé que ceux remplissant de la paperasse à longueur de journée. En haut de cette tour, se trouve le bureau de Nodem.

Il est intimement persuadé de se sentir intouchable, ainsi perché dans sa haute tour de verre. Cependant, nos sources n'ont eu aucun mal à retrancher quelques informations simples d'importation et d'exportation d'informations dont le seul commanditaire ne peut être que lui.

Aujourd'hui, la moitié de nos troupes sont sur le terrain, avec Mia et Elio pour assiéger la fabrique de munition ''anti-régénération''. L'autre moitié, se trouve actuellement de part et d'autre de la tour, en civils, afin de pouvoir encercler cette dernière sans attirer l'attention des gardes que j'imagine très bien regroupés en son sein. Il est quatorze heure onze. À quatorze heure trente, le coup d'envoi sera donné, et dans un mouvement parfaitement synchronisé, les différents groupes d'actions entreront dans la tour par les portes nord, sud, ainsi que par les escaliers de secours situés de chaque côté de la bâtisse. Jeremy, Tim, Juan et moi serons déjà à l'intérieur, rentrés par la porte d'entrée classique.

Ils nous localiseront dès notre entrée, je le sais. Je ne suis pas dupe au point de penser que Nodem a dépourvu son siège de détecteurs. Nos puces sont un handicap à ce niveau : elles ne peuvent être localisés à distance mais si l'on passe près d'un détecteur, on est de suite repéré.

À peine entrés, nous serons donc assaillis par la garde rapproché de Nodem, que nos troupes géreront pour nous laisser avancer. C'est lâche de notre part de les laisser s'occuper de la défense eux-même, mais voilà : chaque seconde compte.

Nous, nous pourrons monter. Tim s'occupera des différents systèmes de sécurité. Juan, ira récupérer les dossiers que nous convoitons au même titre que la mort de Nodem.

Jeremy et moi, monterons directement l'abattre, sans plus de cérémonie.

Lou, de par son handicap, ne peut pas nous suivre. Il est donc placé stratégiquement au volant de la voiture, à une rue seulement de l'affrontement, de la tour. Ainsi, si quelque chose tourne mal, nous ne serons pas loin. Il nous suffira de le rejoindre pendant qu’il allumera le moteur, et d’échanger nos places.

De la main, je pousse la porte vitrée du café dans lequel m'attendent mes trois acolytes du jour. Tous trois assis autour d'une petite table ronde, ils m'observent m'avancer jusqu'à eux avant que je ne pose ma sacoche sur la chaise restante pour leur offrir un sourire confiant.

  • M-douze, je lance avec un haussement de sourcil. Dans quarante minutes max, tout sera réglé.

Un corps heurte le mien, mais je ne m'arrête pas pour autant, continuant d'avancer malgré les cris et les coups de feu en tous sens.

Comme je l'avais prévu, les bornes à l'entrée de la tour sont pourvus de détecteurs de puce Reborn. Ce qui prouve bien, que se trame ici bien plus que de simples investigations commerciales.

Presque aussitôt les portes vitrées passés, une sirène d'alarme a retenti, alertant la majorité des employés n'ayant rien à voir avec Nodem et ses histoires.

Des hommes et femmes, tous de noirs vêtus, sont alors apparus un peu partout, pour se retrouver nez à nez avec nos troupes de civils rassemblés par Gloria et Sophie, il y a déjà un petit moment, rendus dangereux par leur soif de justice et leur colère. Les ''barrages'' comme je les appelle, se sont postés au pied de chaque sorties d'escaliers, afin d'intercepter Nodem, si la brillante idée de s'échapper lui venait à l'esprit. On peut dire qu'aujourd'hui, ces réservistes vont jouer un rôle majeur dans notre réussite, ou notre défaite.

  • Léo, plus vite !

Je gronde sur Tim, lui intimant de ne pas me donner d'ordre de la sorte, avant d'esquiver de justesse un couteau lancé dans ma direction.

  • On monte ! s'exclame Jeremy.

Nous le suivons docilement, lui laissant champs libre pour nous déblayer l'accès aux étages supérieurs.

Malgré le hurlement des sirènes, l'aveuglement des lumières d'alarme, je parviens tout de même à atteindre notre première halte sans trop d'encombres. Nous ne sommes pas discrets, au vue du bruit que nous faisons dans les marches, mais j'ai confiance dans le fait qu'en cas d'altercation, nous saurons nus défendre.

Cet étage, où nous nous arrêtons brièvement, c'est celui des salles de contrôle de la sécurité de l'immeuble.

C'est ici que nous laissons Tim.

  • Je vais aller avec lui, histoire de pas le laisser totalement seul, s'exclame Juan.
  • Et le plan ?
  • On ira chercher la paperasse après. Mec, on est en train d'attaquer une tour blindée de soldats Reborn, tu vas tout de même pas laisser un gamin de dix-sept piges aller craquer le système de sécurité sans aide ?
  • Comme vous voudrez, mais nous on continue.

Juan acquiesce, et se détache de notre groupe pour emboîter le pas à Tim dans les dédales de couloir menant à la salle de contrôle présumée repérée par nos diverses espions déjà venus sur les lieux, ainsi que par les biais du plan fourni par l'allié de Juan.

Nous sommes au huitième étage, il nous en reste encore douze.

Il me semble voler par-dessus les marches ne sentant même plus la tension de mes muscles sous l'effort considérable. La lumière m'aveugle toujours, mais je n'entends plus les sirènes : rendues muettes par les battements de mon cœur cognant de plus en plus fort dans ma poitrine, ne reste d'elle qu'un léger murmure en fond sonore.

Jeremy est devant moi : ses grandes jambes lui permettent d'aller bien plus vite.

En chemin, nous sommes amenés à repousser quelques soldats et autres gardes du corps tentant vainement de nous barrer la route, mais en soit, rien de bien méchant. Ils semblent tous oublier que leur employeur nous a créés, pour être génétiquement plus forts, plus endurants, et plus rapides.

Cependant, ce qui m'étonne, c'est surtout ces gardes, ces hommes de main, humains. Pourquoi ne pas avoir sous la main quelques Reborn a balancer en cas d'intrusion ennemi ?

C'est ce qui aurait dû me mettre la puce à l'oreille.

De la sueur me dégouline du front au menton.

Arrivés au vingtième étage, à bout de souffle, et nos muscles hurlant à la mort, je me permets de me laisser reposer quelques secondes contre un pan de mur avant de lancer dans un halètement risible :

  • Ok, maintenant il faut...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase.

Jeremy vient de s'écrouler, une terrible grimace d'agonie au visage, les mains crispées sur le tissu de son haut. Mes yeux s’écarquillent, et je fais un pas dans sa direction.

  • Jerem ?

Il ne me répond pas, ne s'élevant de sa gorge qu'un ignoble gargouillis avant-coureur de la fin qui approche.

Je me rue en avant pour découvrir avec un temps de latence, la plaie au niveau de son ventre, ouverte et suintant l'hémoglobine.

Une balle contenant du X, sans aucun doute. De la main, je tente d’amoindrir l’hémoragie, mais n’arrive qu’à lui arracher une plainte sourde. Paniqué, je regarde en tout sens à la recherche d’une aide, d’un quelconque membre de notre groupe qui pourrait m’apporter du soutien.

  • Putain, tu t'es fais ça quand ? Jerem ?

Je vois ses yeux battre des cils, avant qu'un dernier souffle plaintif ne franchisse ses lèvres.

Et alors, je repense à ce moment, il y a quelques étage, où je l'ai vu se plier après avoir écarter un ennemi de moi. Je n'étais pas vraiment conscient de ce qu'il se passait à ce moment là. Cependant, si il s'est vraiment fait toucher à ce moment précis, ce n'est pas étonnant que son corps ai cessé de se battre. Qu'il ai cessé de tenter de se régénérer, en vain.

Encore ce foutu produit anti-régénération.

J'ai envie de pleurer, les larmes aux coins des yeux, cependant je n'ai pas le temps de m'attarder d'avantage : il s'est prit ce coup pour me protéger, et me permettre d'avancer. Je ne peux me permettre de tout abandonner maintenant. De plus, il me semble que l'adrénaline, la pression et la peur, agissent comme une sorte de censure émotionnelle. Elles m'empêchent de voir la réalité, d'interpréter les faits avec cohérence et logique.

Prestement, je me relève et repars rapidement dans la direction opposée, celle où dois normalement, se trouver le bureau de ma cible. Quelques enjambées, un revers du bras pour chasser les quelques larmes rebelles, et me voici enfin devant la porte du bureau. Je sors mon arme de son emplacement contre ma hanche, avant de stopper ma main en suspend au-dessus de la poignée.

Il doit savoir que je suis ici, et a dû demander à une bonne partie de ses hommes de rester auprès de lui pour le protéger. Alors que moi désormais, je suis seul. Jeremy était ma couverture, en cas de problème lors de cette étape, et maintenant qu'il n'est plus je me retrouve sans aucune défense autre que la mienne.

Si j'agis vite peut-être que...

Non.

Je ne peux pas rentrer.

Mon cœur s'accélère encore, fait battre mon sang encore plus fort à mes oreilles, ce qui rend toute pensée chaotique. Je ne vois que cette poignée, cette foutue poignée qui pourrait à la fois me conduire à ma perte si je joues mal mes cartes, comme elle pourrait tous nous libérer.

Il me suffit de tuer Nodem, d'une balle en pleine tête.

Il a déjà bénéficié du Reboot, il ne pourra donc pas en reprendre une seconde fois au risque de voir son organisme mal réagir. Certes, il a pu en administrer en grandes quantités à Lou, à la différence près que mon petit ami lui, avait de son côté un corps encore jeune et rendu fort par sa bonne condition physique.

Longuement, je pèse le pour et le contre, avant de soudainement me rappeler que Lou est dans la voiture, et qu'il n'hésitera pas à en sortir si je ne suis pas revenu dans les temps. Violemment, je me mords la lèvre pour me débarrasser de tout ce stress qui me tenaille l'estomac, avant de saisir la poignée, et de la pousser dans un geste brusque pour bondir en avant et pointer le canon de mon arme sur Nodem, sagement assis derrière son bureau.

Cependant, au moment même où je passe le seuil de la porte pour tendre mes bras dans sa direction, je sens également un canon froid d'arme à feu se poser avec délicatesse contre mes côtes.

  • Et bien, tu en as mis du temps !

Nodem m'offre un sourire satisfait de me voir, avant de calmement faire de l'ordre dans ses papiers, pour se lever et venir s'asseoir sur le rebord de son bureau, en face de moi. Il est toujours dans ma ligne de mire, et pourtant, il ne semble absolument pas en proie à une quelconque panique.

  • Tu peux tirer, sourit-il. Cependant, au moment même où tu presseras la gâchette, mon assistant te fera sauter la cage thoracique. Ou alors, tu peux aussi gentiment poser ton arme au sol, et repartir d'où tu es venu. Ne plus jamais mettre ton nez dans mes affaires, et sauver ta peau.

Il se fout de ma gueule. Son petit sourire en coin m'horripile, et la sensation de l'arme contre mes côtes m'est insupportable.

Avec lenteur, j'inspire à pleins poumons, avant de secouer la tête.

  • Tu ne sais pas quoi faire hein ? Me tuer serait... tellement jouissif n'est-ce pas ? Mais tu sais aussi ben que moi que tu n'auras pas le temps de profiter de cette petite victoire. La suite logique de cette journée est simple : soit deux ''bam'', soit zéro. À toi de voir.

Pour appuyer ses dires, l'homme à côté de moi remue légèrement l'arme contre mes côtes.

  • J'aurais jamais pu gagner, de toute façon, hein ? je lance avec un immense sourire.

Je commence lentement à comprendre que je suis dos au mur. Que quoi que je fasse, j'aurais perdu aujourd'hui. Mon sourire trahi mon anxiété grandissante, à la façon dont Lou le fait souvent : se protéger de l'inévitable derrière un sourire immense. Quelle autre solution ai-je de toute façon ?

Notre plan était mauvais. Pas assez abouti, trop bourrin. En y réfléchissant bien, il était même complètement stupide, en ne consistant qu'à foncer dans le tas tels des animaux sauvages attaquant une gazelle armée d'une mitraillette et entourée de braconniers.

Mes épaules s'affaissent, mais je garde toujours mon arme braquée sur lui.

  • J'aurais été à votre place, j'aurais fait sauter la tour. Vous étiez sûrs de m'avoir comme ça.
  • Et les civils ?
  • Oh, mais quels héros ! Oui les civils, et bien quoi ? Je me mets à votre place, Léo. Votre but ultime est de me faire disparaître de la surface du globe. Sauf que l'on sait tous les deux que je suis un homme influent, possédant au minima la moitié des troupes de l'état, et largement informés de vos petites visites inopportunes. À moins de faire sauter ces braves gens avec moi, vous n'aviez clairement aucune chances. Tu crois que les autres Reborn alertés ce matin-même par ton ridicule ami feront comment pour se débarrasser des sous-directeurs qui les encadre ? Je me suis trompé en demandant à Criada de vous récupérer : vous n'avez jamais été assez forts, ni assez intelligents.

Les larmes reviennent, brûlantes, et je sens ma gorge se nouer avec une violence insupportable. Tout ce qu'il dit, est vrai.

Nous ne pouvions pas gagner. Mais, aveuglés par ces stupides plans de l'endroit, nos troupes de civils de plus en plus nombreuses, nous nous sommes crus au-dessus de tout ça, au même niveau de Nodem, alors qu'en réalité, il n'en était rien. Putain, on a merdé.

Je me déteste en sentant deux perles chaudes couler le long de mes joues, tout en sentant un sanglot remonter le long de ma gorge.

On ne pourra jamais gagner. On a vendu à la population un besoin de justice et de révolte face à Reborn et leurs méthodes, mais nous avons oubliés que nous sommes les fruits de cette organisation. Elle nous connaît, et aura toujours uen longueur d'avance sur nous. Si ça se trouve, il savait que nous viendrions aujourd'hui.

… mais...

Un instant, je redresse la tête, me rendant compte d'une chose aussi simple et véridique que « La terre tourne autour du soleil » ou bien « Il y a vingt-quatre heures dans une journée ».

Certes, l'homme de Nodem m'a en joue. Cependant, j'ai aussi son patron dans ma ligne de mire. Si je tire je le tue forcément, qu'importe ce qu'il m'arrivera ensuite. Peut-être même que j'aurais le temps de me retourner ou d'esquiver le coup.

  • Léo, tu veux un verre d'eau ?

C'est ça, rigole.

Si j'agis vite et bien, je peux encore faire la différence. Le problème, c'est lui, Nodem. Une fois qu'il sera mort, Reborn s'éteindra avec lui. Il est un homme influent et charismatique, malgré tout ce que nous pouvons lui reprocher. La structure qu'il a construit se maintient uniquement car il la soutient. Si il n'est plus, Reborn mourra avec lui. C'est aussi simple que ça.

Avec lenteur, je ferme les yeux pour en chasser les quelques larmes restantes, avant de retirer le cran d'arrêt, et de tirer dans en une fraction de seconde.

Mon doigt presse la gâchette, et la balle part, dans une détonation assourdissante.

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