Prologue

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Nouvoitou, 1820

Mon arrière grand-mère était une personne extraordinaire.

Elle s’appelait Perrine Leray. Elle vécut jusqu’à 90 ans après avoir donné naissance à seize enfants. Né en 1730, elle vécut presqu’un siècle à une époque où les évènements s’enchainaient tous plus meurtriers les uns que les autres. Epidémies, famines, guerres, révolution : elle vécut tout cela. Elle n’était pourtant pas une force de la nature au premier regard : petite, toute recroquevillée, maigrichonne. La vieillesse ne l’arrangeait pas bien sûr. Elle ne marchait quasiment plus, tremblait au point d’avoir du mal à porter la nourriture à sa bouche, laquelle était complètement édentée, et son regard vide d’aveugle faisait peur. Mais comment une personne si visiblement frêle pouvait-elle vivre aussi longtemps ? C’était bien la question que je me posais lors de mon enfance quand je la voyais apparemment si fragile. Du plus lointain de mes souvenirs, je la vois ainsi et pourtant elle vécut encore de longues années. Sans doute, mon regard d’enfant ne vit-il pas la dégradation qui s’opérait en elle, assez peu exercé à voir des degrés dans la vieillesse : vieille, elle le fut du début où remonte mes souvenirs jusqu’au moment où nous la mîmes en terre.

Quand je pense à elle, j’ai des images instantanées qui me viennent à l’esprit. Elle, marchant avec difficultés ; elle, riant à gorge déployée, nous montrant la cavité désespérément vide de sa bouche ; elle, tassée sur une chaise où on aurait pu y asseoir trois comme elle ; elle, cherchant de son regard éteint l’endroit d’où venait un bruit ; elle encore, silencieuse au bout de la grande table où il était si facile de l’oublier…

Mais ce qui me revient le plus, c’est elle, mon arrière grand-mère, si souvent sollicitée pour raconter une histoire : « une histoire, une histoire ! » criions-nous en chœur le plus fort possible pour être sûr d’être entendu car, bien évidemment, elle était aussi fort sourde. Bien souvent, elle refusait en faisant mine de ne rien entendre. Notre déception était alors tellement grande qu’un lourd silence s’installait dans la pièce. Mais elle faisait aussi semblant de ne pas s’en rendre compte. Chacun vaquait alors à ses occupations et nous, les enfants, nous allions nous coucher dans l’immense lit unique qui nous servait de couchage. Serrés les uns contre les autres, nous ruminions notre ressentiment contre l’aïeule qui refusait, allez savoir pourquoi, de nous distraire à si bon compte.

Mais parfois, Perrine acceptait de nous faire revivre l’ancien temps et nous relatait une histoire qui nous tenait en haleine toute la soirée. L’un de ses récits me marqua profondément…

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