17
Corentin était encore de service. Lucas avait eu la tentation de l’attendre toute la soirée dans le vestiaire. Corentin avait refusé d’un ton ferme. Lucas n’avait pas insisté, ressentant de son côté le besoin d’un temps calme. Il passa sa soirée devant un film d’action, oubliant sa vie présente, pris dans l’enchaînement des rebondissements. Il rentra paisiblement, la tête vide, ka remplissant au fur et à mesure du rapprochement de son nirvana.
Il pénétra dans le minuscule studio, pris immédiatement par les odeurs et l’ambiance. Il se dévêtit, se glissa dans les draps imprégnés de leurs folies passées. Il attendait son dieu, jouant sur son téléphone.
Corentin le trouva assoupi, livrant sa candeur et sa beauté innocemment. Corentin le regarda longuement, ne pouvant abandonner ce spectacle. Une immense félicité le baignait. C’était donc possible !
Il se glissa dans la douce chaleur de son amant, le réveillant. L’immense sourire de soulagement effaça sa soirée : sa solitude avait rendu les caresses des clients insupportables.
Lucas se mit à parcourir le corps de Corentin, le couvrant de baisers, disant sur chaque centimètre de peau ce qui l’enthousiasmait. Corentin n’avait jamais reçu un tel hommage admiratif depuis ceux de Thomas, plus de dix ans auparavant. Que Lucas était doux avec lui ! Il n’y avait plus de danger, uniquement s’abandonner à cette vénération.
Lucas descendait du nombril au pubis. Quand il sentit la main amoureuse saisir son pénis, un sourire de joie se dessina sur ses lèvres. Il ne pouvait plus résister aux lents mouvements de friction, alors qu’il sentait une langue exploratrice tourner autour de son gland. Il allongea le bras pour la passer dans la soie des cheveux de Lucas. Il ne s’était jamais senti aussi détendu, aussi offert à un autre. Il ressentait cette offrande par une dureté presque douloureuse, son sexe entièrement dévolu aux caresses.
Ce n’était pas ce que Corentin voulait. Ce n’était pas ce que Corentin avait décidé. C’était au-delà de son attente la plus secrète. Son plaisir en était décuplé.
La bouche de Lucas engloba son pénis. Dans sa pulsion infinie, Lucas trouvait chaque geste, chaque position pour satisfaire son amant. Il ressentait dans sa propre chair le plaisir qu’il était en train d’apporter. Pourtant, il ne sentit pas la montée de sève et fut surpris de la force et de l’abondance qui lui remplissait la bouche. Un doux parfum chatouillait ses narines. Il entendait les gémissements de Corentin, emporté par une force similaire à celle de sa première fois. Il redécouvrait l’amour. Il aperçut le visage rayonnant de Lucas, finissant d’avaler, se passant la langue sur la lèvre pour rattraper d’un air gourmand une goutte de liqueur. Corentin lui tendit les bras. Lucas se releva, l’entoura, alors qu’il se laissait aller dans des larmes de bonheur. Cette étreinte, cette odeur, cette force, il venait de trouver un havre dans les bras de ce jeune garçon. Il s’endormit paisiblement, serré par son compagnon qui n’avait jamais ressenti un tel bonheur à tenir dans ses bras un corps adoré.
Ils se réveillèrent, pris par des crampes. Ils se repositionnèrent plus confortablement. Surtout ne pas se détacher. Surtout ne plus jamais se séparer.
Le lendemain, le réveil ne fut que petits baisers, tendres caresses. Leurs yeux ne pouvaient se quitter, tant chacun y lisait un amour sans limite, un amour infini. Le monde extérieur n’existait pas. Seule leur communion parfaite importait.
Des contingences de fin de nuit les obligèrent à se défaire, les ramenant dans une réalité transformée. Ils ne se connaissaient que si peu, alors qu’ils se remplissaient leur vie. Chacun était assommé par cette évidence survenue si rapidement. Ils n’arrêtaient pas de se regarder, avec un regard d’une niaiserie immense, rendus à la pureté du sentiment primordial.
Tous les deux dépassés par l’événement, ils étaient incapables d’échanger la moindre parole.
Ils se séparèrent pour leur journée respective, sachant qu’ils resteraient ensemble par l’esprit.
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