Le chant du vent glissait sur la mer d’arbres et la forêt siffla une mélopée enchanteresse.

Mes yeux s’ouvrirent. L’épaisse canopée dissimulait le ciel ombragé. Des gouttes de pluie vinrent lécher mon visage fatigué. Assoiffé, j’ouvris la bouche et accueillis les flots divins. Mon corps, jusque-là algide et las, retrouva chaleur et vigueur.

Les lierres enserrant mes membres se détachèrent et le coussin d’humus sous mon corps s’effaça.

Je me levai. Mes doigts frémirent. Mes jambes tremblotèrent. Mais je restai debout.

Pas à pas, je marchais sur la terre tapissée de feuilles duveteuses. Puis, je me mis à courir. Revigoré, je humais les effluves environnants, j’inspectais les animaux paissants et trottinants. Ils me fixèrent et baissèrent la tête.

Pourquoi ?

Je ne suis que …

Qui suis-je d’ailleurs ?

Un simple homme qui court vers …

Où vais-je ?

Le nom m’échappe.

Dans quel état j’erre ?

Usé et fort. Triste et heureux...

J’avalais les lieues à une cadence insoupçonnée. Sapins, ifs et tant d’autres arbres composaient la sylve majestueuse. Mon regard capta les insectes grimpant les troncs ridés et la bruine effleurant la frondaison. Puis un immense arbre scintilla comme un phare dans un océan oublié, sa lumière vacillante embaumant mon cœur égaré.

Un chêne. Si grand. Si beau.

Une inscription. Des lettres gravées dans l’écorce.

Ràfla.

Des images éclatèrent dans mon esprit, des pensées gazouillèrent à la lisière de ma raison.

Ràfla.

Mon nom.

Ràfla.

Non ! Le nom que les Hommes me donnent.

Ràfla, le Créateur, l’Éternel, le Démiurge.

Je suis le Dieu Ràfla ! Mon nom sculpté sur l’Immuable Chêne. Vénéré par des glands. Il est logique d'avoir voulu oublier.

Je me rendormis et la végétation m’accompagna.