Acculé au mur immaculé, l’homme regarda tout de même en arrière, ne pouvant se résoudre à affronter l’immense silhouette brumeuse qui l’attendait. Peur se tenait devant lui, drapée de son manteau d’effroi. Ses pas rythmés par la mélodie scabreuse des craintes les plus intimes de celui qu’elle venait chercher.

Aujourd’hui elle allait emporter cet individu au visage rubicond et aux cheveux hirsutes. Tétanisé, celui-ci évitait son regard jusqu’à ce que Peur rive son regard spectral dans les yeux affolés de sa prochaine victime.

Et elle vit l’inquiétude à son paroxysme, le trouble au summum de l’intensité.

L’homme redoutait l’inconnu. Et pourtant la vie était un danger permanent.

L’homme avait peur de tourner la page de son passé. Et pourtant il le devait pour faire avancer son histoire.

L’homme tremblait devant le mystère. Et pourtant, tâtonner dans l’ombre du doute amenait la lumière.

Le Verbe le terrorisait. Et pourtant, sans les mots les affres des phrases restaient tout de même un supplice.

Tant de panique et d’appréhension. Peur s’en délectait à outrance.

L’homme courba l’échine et tomba à genoux. Il n’en pouvait plus. Peur murmura.

Lève-toi.

Je ne puis. J’ai peur.

Affronte-moi.

J’ai peur.

Le monde fait peur. Tu dois avancer.

J’ai si peur.

Plus tranchante qu’une dague est la peur. Tu dois la manier, l’aiguiser et la chérir. Fais de ta peur une arme. Ton arme. Être effrayé n’est point une faiblesse.

Mais …

C’est une force que d’être conscient que j’existe. M’accepter est ce que tu peux faire de mieux. Me renier ne signifiera que ta fin précoce.

Pourquoi m’aides-tu ? Si je t’accepte, tu disparais.

Si tu m’accueilles, je resterais à tes côtés. Là, et seulement là, tu avanceras. Sois libre d’avoir peur et évolues.

L’homme marche vers Peur. Contre toute attente, une sérénité sans pareille s’empare de lui. Les Anciens lui avaient dit que Peur était redoutable, qu’il fallait l’affronter pour ne pas mourir de ses mains décharnées.

Ils avaient torts.

Laisser Peur marcher à ses côtés était ce qu’il fallait faire.