Chapitre 12.1 : Astrid

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Des réveils en fanfare, Astrid en avait connu pléthores depuis qu’elle avait mystérieusement débarqué à Onyrik. Mais manquer de mourir pendant son sommeil… Cette situation cocasse ne lui était pas encore arrivée ! Et ce ne fut que lorsqu’elle toussa à presque en perdre ses poumons que la jeune fille trouva cela d’ailleurs étrange que ce réveil précipité et désagréable ne lui soit survenu que maintenant !

Quand elle avait rouvert les paupières, Astrid avait fait la désagréable expérience de poumons remplis de fumée. La brune ne savait pas depuis combien de temps elle gisait sur ce sol cendré, mais les émanations des brasiers avaient eu quand même bien le loisir de s’infiltrer dans son système respiratoire, si bien qu’elle avait l’horrible impression d’être une octogénaire qui avait passé sa vie à abuser des bienfaits du tabac !

Une quinte de toux plus violente que les précédentes lui fit réaliser qu’elle ferait mieux de se redresser si elle ne souhaitait pas voir son épreuve s’achever aussi rapidement qu’elle avait commencé. Tandis qu’elle essayait de se remettre tant bien que mal sur ses pieds tremblants, un bras sur sa bouche pour empêcher l’air pollué de s’insinuer dans ses poumons avec plus d’insistance, Astrid, malgré sa vue brouillée de larmes de douleur, tenta d’analyser les environs. Les flammes autour d’elle étaient lourdes, écrasantes, et produisaient une chaleur insoutenable, comme si elles étaient une parfaite représentation du poids que représentait le titre d’Enfant aux Yeux Rouges. La Déesse avait-elle concocté une sorte d’épreuve métaphorique, projection illusoire de ses doutes et de ses craintes ? Connaissant le penchant sadique de la petite fille blonde, cette hypothèse ne surprendrait même pas Astrid !

Déjà épuisée avant même d’avoir réellement commencé, la jeune fille essuya son front perlé de sueur d’un revers de manche. Mais à peine eut-elle retiré son bras que la transpiration revint par grosses gouttes. Il faisait tellement chaud, ici, une parfaite représentation des Enfers comme Astrid se les représentait depuis son jeune âge ! Mais quel serait l’intérêt de la Déesse de lui faire endurer pareille chaleur ? Qu’essayait-elle de lui dire par là ? Qu’elle allait être confrontée à une épreuve du feu, plus tard dans sa quête ? Un vrai incendie, de ceux qui peuvent vous tuer, pas ces espèces d’illusions fortement ressemblantes qui — Astrid ne tenterait même pas l’expérience, juste au cas où — s’estompaient en y passant simplement le petit doigt.

Malgré la chaleur des flammes qui l’étouffait de seconde en seconde, Astrid frissonna. Non pas de froid, bien qu’elle l’aurait préféré — la Flèche de Cristal lui manquait presque —, mais de terreur. Des cris effroyables, affolés, paniqués, trahis, résonnaient tout autour d’elle telles les lamentations des âmes en peine brûlant pour l’éternité dans le fleuve de feu des Enfers. Parmi ces râles déchirants, la jeune fille parvint à distinguer quelques craquements, comme si de grosses fissures s’élargissaient et menaçaient de perturber l’équilibre terrestre. Ce ne fut que lorsqu’elle leva les yeux vers les cieux incendiés que la brune comprit que ces crissements étaient en réalité des bâtiments qui s’effondraient, abattus par les flammes dévastatrices.

« Tiens donc… rumina Astrid, tout en reniflant bruyamment. Pourquoi est-ce que ça me dit vaguement quelque chose… ? »

La jeune fille ne se décida pas encore à remuer le petit doigt. Pour le moment, elle préféra demeurer un instant statique, pour mieux scruter les environs, les moindres signes de mouvements, les moindres sons, dans l’espoir d’identifier plus clairement l’endroit où elle se trouvait. Mais mis à part les lamentations de terreur, Astrid ne parvint pas à parvenir à une quelconque conclusion. Elle ignorait où elle pouvait être, bien que cet endroit lui paraisse singulièrement familier.

Les cris, cependant, finirent par se faire plus distincts. C’était une impression dérangeante, comme si les râles s’étaient déplacés jusqu’à elle, pour lui guider le chemin. Cette unique constatation lui laissa un arrière-goût amer dans la bouche. Toute cette scène relevait tout bonnement d’un cauchemar ! De ceux qui vous font vous réveiller en sursaut, au beau milieu de la nuit, le cœur battant jusque dans les tempes, l’esprit embrouillé, et qui vous empêche de vous recoucher car les images vous trottaient en tête pour le reste de la journée ! Astrid doutait qu’en sortant de son épreuve, elle soit capable, comme Yume et Fileya, de piquer un instant du nez pour se reposer.

Suivant la provenance des cris qui se faisaient de plus en plus distincts, Astrid, guidée par ces voix stridentes, dénicha son chemin jusqu’à un bâtiment à moitié effondré. Construit de pierres brutes, un large pan du mur avant était tombé, tout près de la double porte, ce qui rendait celle-ci complètement inutile. De toute façon, les flammes qui la rongeaient la rendaient déjà totalement inutile. Au-dessus des portes se trouvait un vitrail encore miraculeusement intact, brillant d’un éclat violine inquiétant.

« Je vois, comprit immédiatement la jeune fille devant l’église. Le second rêve. Je sais pas quelle sera la finalité à tout ça, mais… Je sais au moins ce que je dois faire. C’est presque trop simple, comme épreuve. »

Quel était l’intérêt de la Déesse de lui faire revivre son second rêve ? Astrid savait d’avance la tournure qu’allaient prendre les événements. Elle devait sauver l’enfant coincé dans l’église, le sortir du bâtiment qui menaçait de s’écrouler tout entier sur lui, puis le confier au vaillant chevalier à l’armure d’argent sur son cheval à la robe tout aussi soyeuse…

« Et si… commença à raisonner la jeune fille dans son for intérieur, tandis qu’elle enjambait les débris du mur effondré du vieux bâtiment de pierre. Et si c’était ça, le but ? De changer le cours des choses ? Je peux pas laisser l’enfant tout seul. Mais je peux au moins l’emmener avec moi, et ne pas le confier à ce chevalier ? Après tout, je sais pas qui il est vraiment… »

Astrid, qui avait déjà vécu pareils événements, ne réitéra pas l’une des fautes qu’elle avait autrefois commises, à savoir trébucher sur le banc de bois abandonné au beau milieu de l’allée silencieuse. Malgré les pleurs stridents du nourrisson, la jeune fille, qui savait ce qui était attendu de sa part, sourit une fois au-dessus du panier d’osier dans lequel il reposait. Sans se poser davantage de questions quant à la réalisation de sa tâche, la brune cueillit directement l’enfant dans ses bras, car le transporter ainsi serait plus aisé, notamment si elle devait, par la suite, courir à toutes jambes pour éviter le Chevalier d’Argent.

Cependant, son esprit d’analyse — développé grâce à sa proximité avec Fileya, du reste — reprit bien rapidement le dessus. Pourquoi la Déesse lui faisait-elle revivre ce rêve-là en particulier ? Le troisième, qu’elle avait prétendu être en lien avec son passé, n’aurait pas été un choix plus judicieux ? Astrid savait la petite déité plus fine qu’elle ne paraissait. Elle n’avait certainement pas choisi ce songe-ci pour rien. Il devait avoir un lien avec sa quête. Peut-être même le découvrirait-elle une fois le cours des événements changé ?

Astrid ne se sentit véritablement en sécurité qu’une fois à l’extérieur de l’église. Pendant tout le temps qu’avait duré sa pénible ascension jusqu’à la sortie, la jeune fille avait dû faire preuve de délicatesse pour veiller à ne pas étouffer l’enfant dans ses bras ou le faire tomber par inattention, tout en pressant le pas pour promptement sortir de l’édifice dont les craquements de tous les diables indiquaient qu’il n’allait pas tarder à s’effondrer sur lui-même !

Se sachant plus ou moins en sécurité une fois à l’extérieur, Astrid s’autorisa à expirer un large coup. Elle n’avait pas fait attention à l’air qu’elle avait machinalement bloqué dans ses poumons depuis qu’elle avait cueilli le poupon dans ses bras. Par ailleurs, celui-ci était incroyablement silencieux ! Ses pleurs avaient cessé quand la jeune fille l’avait love contre elle ! Était-ce simplement un contact humain dont il avait besoin pour se sentir lui aussi en sûreté ?

Astrid baissa les yeux sur le nourrisson pour s’assurer que tout allait bien. Son cœur affolé se calma quand elle comprit que l’enfant s’était tout simplement assoupi, sans doute harassé par les nombreux cris de détresse qu’il avait dû pousser pendant de longues, très longues minutes. Tout de même… Qui était assez fou pour abandonner un si jeune bébé sur l’autel d’une église en passe d’imploser sur elle-même ?

Un détail tout particulier sur l’enfant, cependant, parvint à tirer Astrid de ses songes. Quelque chose, enserré autour du poignet tout boudiné du poupon, attira son attention. Une gourmette en argent. Avec une délicatesse maternelle, la jeune fille fit pivoter le bijou pour faire apparaître la plaque métallique sur lequel était gravé de drôles d’inscriptions, qu’elle put identifier cette fois-ci comme étant en runes elfiques, pour en avoir rencontré par le passé. Astrid écarquilla les yeux à leur paroxysme. Ce bijou… elle l’avait déjà vu, elle en était plus que certaine !

Alors… C’est vraiment Fileya ?! s’étrangla-t-elle avec sa propre salive. Mais… ça n’a pas de sens ! Pourquoi elle est ici ? Et BÉBÉ avec ça ?!

Tout à coup, la jeune fille se figea dans ses propres réflexions à voix haute, tandis qu’elle se souvint avec clarté de cette discussion avec un certain garçon aux cheveux blonds sur le porche de Thandon et Khomas, à Buxih. Cela semblait lui remonter à si loin dans ses souvenirs, alors que pas plus de trois jours séparaient l’instant T et cette réminiscence !

Yume m’a dit… se souvint-elle avec difficulté, que cet endroit était probablement la Cité des Invoqueurs. Or, j’ai appris en même temps par le Roi de Cristal que la Cité est tombée deux cents ans auparavant, alors… Fileya devrait pas être ici.

Son regard se baissa instinctivement sur la version miniature de la magicienne. Elle semblait apaisée, et loin des doutes et des interrogations farfelues qui fusaient à la vitesse de l’éclair dans l’esprit de sa sauveuse.

Qu’est-ce qui se passe ? murmura Astrid, perdue. J’y comprends plus rien. Certes, tout ça est une épreuve, mais la Déesse aurait jamais mis Fileya bébé sans aucune raison. Est-ce qu’elle est peut-être plus vieille qu’on le pense ? Non, je me souviens pas que Yume m’ait dit quoi que ce soit sur la durée de vie plus grande des Invoqueurs. Alors… je comprends pas !

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