Epilogue
Pierre marchait à travers le champ de bataille qui était à présent bien calme. Silencieux, comme la mort qui avait sévi et qui continuait à emporter la vie des quelques mourants aux quatre coins des plaines d’Ablancourt.
Le silence était uniquement coupé par les bruits épars que faisaient les groupes de corbeaux qui tournaient dans le ciel. Le festin de charognards était ouvert et l’odeur nauséabonde qui régnait ne manquait pas de donner des haut-le-cœur au jeune seigneur.
Mais même pour ça il était trop fatigué, trop blessé.
Il portait à présent son casque à la main et avait abandonné toute arme. Il n’en avait plus besoin à ce stade.
Quelques bandes d’hommes sillonnaient eux aussi le champ de bataille, mais contrairement au jeune seigneur, ils étaient armés, comme il se doit. Ils mettaient fin aux souffrances des guerriers du Nord encore en vie qui avaient la malchance de croiser leur chemin. D’autres formes quant à elle se portaient de cadavre en cadavre pour récolter un butin tandis que de rares religieux se portaient au chevet des hommes d’Anaïs. Ceux condamnés à la mort auxquels on accordait là quelque réconfort en les recommandant aux Sauveurs.
Voguant à travers ce champ de bataille, dans ce tableau des grandes calamités humaines. Pierre essayait de retrouver son ami.
Charles était mort, seul, et Pierre désirait au moins offrir à son corps un lieu de repos car c’étaient les fosses communes qui attendaient les combattants morts pour le roi Léonard. Les fosses communes et bûchers pour les plus chanceux.
Au bout d’un périple qui lui avait semblé durer une éternité, Pierre se trouva à nouveau sur le lieu qui l’avait vu croiser le fer avec ses anciens frères du Haut Corvin.
Le royaume était fissuré après cette guerre et la cicatrice allait être difficile à soigner. Seuls les morts étaient à présent réunis en silence. Entre frères du même royaume. S’il existait bien une vie après la mort, Pierre se réconfortait en pensant à son père et son ami à nouveau réunis.
Observant un monceau de cadavres, il comprit que l’endroit où il s’était arrêté devait être le lieu où les guerriers du Nord avaient donné leur vie pour leurs couleurs et honneurs. Progressant quelque peu à côté de ces corps, il tomba bien vite face à celui qu’il cherchait.
Le corps de Charles gisait au sol, immobile, telle une statue des temps impériaux dans sa lourde armure de plate. Il était aussi grand qu’eux aux yeux de Pierre.
Lâchant son casque qui vint s’écraser dans la boue du sol, Pierre s’agenouilla aux côtés du corps de Charles en serrant l’épaulière de son armure.
Il resta ainsi quelques instants, retardant sa prochaine action qu’il fit après avoir dû trouver tout son courage.
Il défit les attaches du casque à Charles libérant ainsi la tête de cette prison d’acier.
Il y avait quelque chose d’apaisé dans ses traits. Ses cheveux étaient encore ébouriffés par la sueur, sa peau recouverte de boue et son menton, lui, couvert de sang.
Reniflant péniblement pour refréner ses larmes, Pierre écarta les cheveux et la boue du front de son ami avant de fermer les yeux en pleurant.
C’était là des larmes douloureuses que le jeune seigneur tentait de refréner avec la plus grande des difficultés.
— Laisse-toi aller, fit alors un homme qui s’approchait de lui. Toutes les larmes ne sont pas un mal.
Tentant de faire bonne figure face à Cothyard qui s'assit en face de lui et Charles, Pierre respira un grand coup en essuyant ses joues.
Le regard de Cothyard était fixe, comme perdu face à tant de douleurs, face à tant de vies éteintes. Amis ou ennemis.
— Il est mort avec honneur, articula enfin le pravien pour réconforter de quelque manière son seigneur.
— Non Cothyard, il est juste mort… le coupa sèchement Pierre
— S’il était un homme de bien comme toi, le royaume a perdu un grand chevalier.
— Il l’était…
— Si tu veux, je peux demander aux jumeaux d’amener son corps aux prêtres.
Fixant à présent le ciel, Pierre continua.
— Il aimait la nature, les arbres. Il aurait aimé reposer au-dessous d’un solide chêne de notre royaume.
— Et il lui sera donné cet honneur.
Acquiesçant, Pierre reporta alors son regard vers Cothyard.
— J’ai besoin d’être seul.
Sachant la douleur qu’endurait le jeune seigneur, Cothyard n’insista pas et quitta les lieux en serrant l’épaule de Pierre lors de son passage.
Fixant le visage de son ami, Pierre s’exprima silencieusement en s’adressant à Charles.
Tu as sacrifié ta vie pour un roi que tu ne connaissais même pas… Pour l’une de ces maudites têtes couronnées à qui tu ne devais rien. Pauvre fou. Si je peux te jurer une chose, mon ami, c'est que jamais je ne donnerais ma vie pour un monarque, quel qu’il soit. Repose-toi donc, tu l'as bien mérité.
Tapant le plastron en une accolade qu’il aurait aimé donner à son ami. Pierre se releva et quitta une fois pour toutes ce champ de bataille. Le cœur à nouveau alourdi par la mort d’un de ses proches et ses idées, elles, plus claires que jamais.
Fin du tome I
Note de l’auteur :
Voilà l’histoire de ce livre fini. Ce fut une bonne aventure rendue possible par les bonnes âmes qui m’ont lu et corrigé. Et pour ça, je vous en remercie, mais la fin de l'histoire ne veut pas dire la fin du travail. Je dois encore faire un prologue, corriger tout le texte, modifier la religion et enfin faire une vraie partie annexe.
Merci encore pour tout et n'hésitez pas à me faire part de votre retour sur le récit.
À bientôt pour le second tome.
Annotations