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Dans la cuisine, la radio crachait le refrain de la chanson I was made for lovin' you, de Kiss. Parfaitement énergisée à seulement 9h du matin, Kayla était en train de se préparer des pancakes pour le petit-déjeûner. Elle chantait à tue-tête. Au Diable les voisins ! De toute manière, Mr. et Mrs. Leary étaient tout à fait sourds, ou du moins, suffisament pour ne pas trop entendre à travers le mur en tapisserie jaune-orangé.

Il faisait chaud, ce matin-là. Au saut du lit, Kayla s'était vêtue de sa salopette-short rouge en jean, ainsi que ses mitaines en dentelles rouges, après s'être un peu coiffée en passant ses mains aux ongles vernis en rose flashy et en jaune flashy (un doigt sur deux, comme un échiquier). Elle avait regardé son visage dans le miroir de sa salle de bain lumineuse et s'était dit que, pour une fois, sa coloration n'avait pas vraiment terni. Elle adorait se teindre les cheveux. Surtout les couleurs "originales" : elle s'était déjà coloré les cheveux en vert, en bleu turquoise, en rose, en rouge, en orange fluo, mais la teinture qu'elle avait le plus aimé et qu'elle avait conservé depuis, c'était le jaune fluo. On aurait dit une crinière de lion. Pour être tout à fait honête, Kayla en était très fière.

Elle fit glisser les pancakes enfin préparés dans une assiette beige au rebord fendu et s'assit à sa table en bois deux-places à nappe jaune et rouge et se demanda comment elle allait se vêtir, ce soir, pour le concert. Bon, ce n'était pas comme si c'était un concert important d'une grande star de la musique rock, mais c'était tout de même son ami, et qui plus est, elle appréciait particulièrement être complimentée sur son bon goût et son originalité. C'était le groupe Thibaud Is Dead qui se produisait cette nuit, de 21h à 23h, dans une petite salle réservée généralement aux pièces de théâtre de la Maison des Jeunes ou de la Maison de Retraite de la Rue Janivier. C'était une salle très peu insonnorisée, le maire souhaitant garder son argent pour lui et pour d'autres "meilleures raisons", avait-il dit. Le souci, c'était qu'à chaque fois qu'un évennement culturel avait lieu, les voisins râlaient. S'ils ne sont pas contents, qu'ils dégagent, pensa Kayla, tout en déversant un peu de sirop d'érable sur ses pancakes épais.

Elle décida d'aller allumer la télévision, afin d'avoir un bruit de fond pendant qu'elle dégustait ses pancakes et buvait son café noir dans un mug beige foncé à points brun clair et à la texture rugueuse. Elle éteignit la radio au passage (à présent, c'était une chanson pop sans saveur qui passait) et se dirigea vers le poste, qui était une petite télévision dernière génération qui fonctionnait encore, même si elle en avait fait l'acquisition en 1992, à ses 19 ans, lorsqu'elle avait quitté la maison familiale afin de s'installer seule ici.

Elle retourna s'asseoir à table et recommença à siroter son mug. En bruit de fond, c'était Le Journal du Matin. C'était le sommaire : une inondation à Liverpool, cinq morts et trente-six blessés dans un accident de train provoqué par un chauffeur ivre, un incendie à Toulon... Kayla soupira et se demanda si de bonnes nouvelles allaient tomber à un moment ou non.

Soudain, le téléphone sonna. En voyant le nom qui s'affichait sur l'écran de son Huawei à coque rose à paillettes, elle rangea directement l'engin dans sa poche. Pas question que je réponde à ce type, mais quel pot de colle alors, se dit Kayla. Il allait sans doute encore une fois lui proposer un rendez-vous ce soir. Mais ce type, c'est pas ma came, pensa la jeune fille, moi j'aime les mecs grands avec des cheveux longs, si possible avec une couleur originale, et ce gars est au antipodes de ça ! Peut-être que si je ne réponds plus ni à ses SMS, ni à ses appels téléphoniques, il va me lâcher, non ? Il va bien finir par se lasser, le pauvre !

[A SUIVRE]