La porte. La lumière. Deux silhouettes. Barrez-vous !

– Monsieur, Blanchard ! Qu’est-ce que vous avez ? Calmez-vous !

Laissez-moi crever, je ne veux pas vous voir.

– Monsieur Blanchard ! Vous avez mal quelque part ?

– Arrêtez de pleurer comme ça, répondez-nous.

– C’est un cauchemar… Vous ne pouvez rien faire…

– Un cauchemar ? Mais c’est fini, là. Vous êtes réveillé.

– Non, vous ne comprenez pas !

Elles ne peuvent pas comprendre. Elles ne peuvent pas savoir. Et elles ne doivent pas savoir, Stan !

– Je crois qu’il va falloir lui donner quelque chose.

– Oui, il a l’air très angoissé. Benzodia en voie orale si on peut lui faire avaler. Sinon on passe en intra.

– Monsieur Blanchard, écoutez-moi. Nous allons vous donner quelque chose pour calmer votre angoisse. Vous m’entendez ?

Du fond de ma réalité démente j’entends l’infirmière. Je hoche la tête. J’en crève de chagrin, mais je ne peux pas lutter… J’essaye de contrôler mes sanglots. Il ne faut pas finir chez les dingos, Stan.

« Supporter l’insupportable, accepter l’inacceptable ».

Je m’accroche à cette pensée qui résonne sur le champ de ruines de ma conscience. Qui a dit cela déjà ?

– Voilà, monsieur Blanchard. Ces comprimés vont vous aider à dormir. Prenez-les. Là… Je vais vous donner un peu d’eau.

Je mets les comprimés dans ma bouche. Je vois l’infirmière approcher un gobelet d’eau. Je coopère. Je bois. J’avale.

« Supporter l’insupportable »…

– C’est très bien, monsieur Blanchard. Vous allez pouvoir dormir, maintenant.

– Merci, murmuré-je.

« Accepter l’inacceptable ».

C’est le discours de l’empereur Hiro Hito, août 1945, la capitulation du Japon… Le souvenir de cette citation a quelque chose d’apaisant, un rayon de rationalité qui pénètre mon âme. Le Japon… Je sens mes pensées ralentir. Je retiens le souvenir. Je m’agrippe à cette idée… J’aime le Japon... Tu parles un peu japonais, Stan… pas Rémi… Je suis Stanislas… Je parle japonais… « Watashi wa Stanislas desu ». Le monde s’évanouit.