Infirmières
Des voix. Des discussions dans le couloir.
– Allez Selma, on enchaine avec la 317, notre petit miraculé… Bonjour, monsieur Blanchard !
– Bonjour, monsieur Blanchard !
– Bonjour...
Carole, l’infirmière en chef et Selma, la Néfertiti de l’Orthopédie.
– Hé bien, vous en faites une tête… C’est pas Isabelle qui vous a traumatisé, j’espère… Elle m’a pourtant dit que vous gambadiez déjà comme un lapin.
– Heu, comme un lapin, il ne faut pas exagérer non, plus, répliqué-je, en enfilant à la hâte le masque des convenances.
– Ah, je préfère quand vous souriez un peu… Bon, comment allez-vous aujourd’hui ? Votre nuit a été agitée à ce qu’on m’a dit, mais Elsa m’a indiqué que votre toilette s’était bien passée.
– Oui, je commence tout doucement à retrouver de l’autonomie et ça fait du bien.
– Je me doute… Et le petit déjeuner, rien à redire ?
– Heu, non… Ou plutôt si, je dirais que c’est de loin le meilleur repas de la journée chez vous…
– Au moins vous n’avez pas perdu votre sens de l’humour, monsieur Blanchard. Bon, en tout cas on est content de vous voir un peu plus en forme chaque jour. Vos analyses d’urine sont conformes, vos constantes également… Vous êtes allé à la selle depuis votre réveil ?
– Non… pas encore.
Pas trop vite, Carole. Je commence à peine à m’habituer à ma nouvelle queue… J’apprivoiserai mon trou de balle bien assez tôt, comme ça.
– C’est pas étonnant, le transit va se remettre en route lentement, mais il faudra nous signaler si vous ressentez des douleurs anormales ou si quelque chose ne se passe pas comme prévu…
Je me demande si Carole a des images spécifiques dans la tête lorsqu’elle évoque mes contractions intestinales et la teneur de mes selles. À côté d’elle, la reine d’Égypte reste silencieuse. Embarrassé, je baisse les yeux devant son regard.
– Sinon, Isabelle a mentionné que vous pourriez sortir dès demain… Je ne vous cache pas que ce serait un record pour nous, mais après tout, si vous y tenez, vous libérerez une place pour le suivant comme on dit… Vous en discuterez avec le docteur Frankin en fin de journée, mais cela dépendra malgré tout des résultats de votre scanner prévu pour cet après-midi.
– Cet après-midi ?
– Oui, oui. Mais ne vous inquiétez pas, c’est rien du tout, le scanner ! Y’en a pour cinq minutes à peine. Et on ne voudrait quand même pas vous laissez partir avec un risque d’hémorragie… Selma viendra vous préparer et un brancardier viendra vous chercher et vous ramener… Voilà. Sinon, vous avez des questions ?
– Non, pas vraiment.
– Hé bien c’est parfait. À plus tard, monsieur Blanchard et n’oubliez pas vos exercices du genou.
– Oui, merci.
– À tout à l’heure, ajoute Selma dans un papillonnement de paupières bleuté.
Les deux infirmières disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues. Je retrouve la solitude de ma chambre. Quelle heure est-il ? 11 h 30. Le déjeuner ne va pas tarder à être servi. Tant mieux, j’ai déjà faim, malgré l’inévitable conséquence qu’il faudra bien évacuer un jour. J’entame une nouvelle série de contractions statiques du quadriceps… Combien de temps avant de pouvoir courir pour de vrai ?
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