Je ne dois plus penser, je dois m’occuper. Je dois rebâtir mon corps pour reconstruire ma vie… Je saisis l’attelle que je fixe à mon genou. Je bascule mes jambes sur le côté du lit et j’attrape les béquilles. Je pose les pieds sur le lino. Je vais marcher. Pour moi. Pour mon corps. Pour Rémi.

J’arpente le sol de ma chambre, un pas après l’autre, en traînant le pied du goutte à goutte. Je serre, je pousse, j’avance, j’évalue, je teste mes muscles, mes articulations. Je soulève une béquille. Je fais un pas. Je soulève les deux béquilles. Je fais un pas. Puis un autre, sans aucun support. Je reste quelques secondes à savourer cette minuscule victoire. Mes muscles rachitiques tremblotent. Je repose les cannes avant qu’ils ne cèdent complètement. Je sens que mon corps transpire. Je sens que cet exercice le revigore, comme un animal trop longtemps gardé en cage qui retrouve peu à peu ses instincts sauvages.

Je m’accorde une pause pour boire. Le liquide glisse en vagues rafraichissantes le long de mon œsophage. J’aime ça. Je reprends les béquilles et je marche vers le mur. Je m’adosse contre la paroi et je commence une série de mini-squats comme Isabelle me l’a indiqué. Je lutte. Je serre les dents. Mes muscles gémissent, manquent de se dérober. Je me redresse. Et encore. Et à nouveau. J’halète. J’essuie la sueur sur mon front. Dehors la nuit est déjà tombée. Je reste debout à la contempler.

Je bois copieusement et je m’installe de nouveau sur le lit. C’est l’heure des contractions statiques des quadriceps. J’enchaine les séries en me concentrant sur le décompte des secondes.