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Elle s’appelait Hebi. Il se souvient parfaitement de son nom, car elle l’a épelé pour qu’il l’écrive sans faute. Il l’a connue à la librairie Le Divan à l’occasion de la promotion de son dernier roman.
— Je le dédicace à qui ? demanda-t-il, sans lever la tête.
Le stylo entre les doigts, il attendait un nom. Personne ne répondait. Il leva la tête. Il fut d’abord ébloui par la blancheur du visage. Des yeux bridés prolongés par une ligne noire et des pupilles fines et verticales donnaient à la femme un air menaçant. Ses lèvres qui formaient un petit rond s’étendirent et dévoilèrent un large sourire. Ses yeux se plissèrent. Elle dirigea une main vers le livre et tourna les pages jusqu’à celle de la dédicace. Elle posa son doigt sur cette page.
— Hebi.
Il la regarda en attendant qu’elle l’aide à l’écrire.
— "h", "e", "b", "i", dit-elle en prononçant les lettres en anglais. Speak english ?
— Non, dit-il d’un ton sec.
Il ne voulait surtout pas se lancer dans un dialogue pénible et ridicule avec son horrible anglais. Elle demanda :
— Vous écrire haïku ?
— Haïku ? Non.
— Vous écrire un ?
— C'est pas mon genre, les poèmes, dit-il en hochant la tête.
Elle lui tendit promptement un morceau de papier comme si elle savait déjà sa réponse.
— Écrire, dit-elle en inclinant la tête comme les Japonais le font constamment.
Il copia le petit texte. Il n’était pas vraiment étonné. Il avait fait des dédicaces beaucoup plus étranges. Ce poème n’était pas vraiment un haïku traditionnel. Il y avait une référence à la nature, mais le reste était plutôt introspectif. Il lui tendit le livre. Elle posa sa main blanche sur la sienne. Il voulait lâcher le livre, mais elle ne l’avait pas pris. Ils se regardaient les yeux dans les yeux. Ils restèrent ainsi de longues secondes. Puis elle se courba pour lui souffler quelque chose à l’oreille.
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