10. Alexia

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Je m’engouffrais dans la ruelle en face du lycée, les mains dans les poches de mon sweat. Mon fournisseur m’y attendait, la capuche rabattue sur la tête.

- Salut Nath’, tu l’as ?

- Bien sûr Alex, pour qui tu me prends ? répondit-il en me souriant.

Je sortis un billet de cinquante euros de ma poche et le lui tendis, en échange il me présenta un petit sac d’herbes.

- Merci Nath’, tu gères.

- Je ne vais quand même pas laisser tomber ma meilleure cliente, dit-il avant de repartir à l’opposé du lycée.

Je rangeais la drogue dans mon sac et me retournais, quand je la vis.

- Alors Colbert, tu replonges on dirait, ou bien, tu n’as jamais arrêté ?

- Fous moi la paix, ce ne sont pas tes affaires !

- Comment penses-tu que Pauline et Emilie réagiraient si elles apprenaient que malgré tous leurs efforts, tu te droguais encore ? Et tes parents ?

- Pourquoi tu fais ça ? Tu te sens plus forte quand tu t’en prends au plus faible ?

- Tu viens clairement d’avouer que je suis meilleure que toi.

- Non, je ne parlais pas de moi, mais de Lilas, de Pauline et Emilie, de Maëlle, et de tous ceux que tu as harcelés ! Tu es une meurtrière Lucie, tu l’as tuée !

- Non, la ferme ! Ne parle pas d’elle, je n’ai jamais voulu sa mort, d’accord ! Je ne voulais pas qu’elle meure !!

- Mais elle s’est quand même donné la mort, parce que tu la harcelais !

- Tu ne sais rien de moi !

- Ah oui ! Et de moi, tu en sais quoi, hein ?!

- Tu es une droguée !

- Et une enfant battue et maltraitée, et une fille qui doit se débrouiller seule pour subvenir à ses besoins, et une mère pour son frère et sa sœur, et une ado qui souhaitait juste vivre une vie normale, avoir des amis, une vie sociale, des bonnes notes aussi, mais je n’ai rien de tout ça ! Je n’ai même pas de famille digne de ce nom ! Alors non, tu ne sais rien de moi, pour la simple et bonne raison que tu ne me connais pas, tu ne sais pas ce que je vis tous les jours ! Tu n’as pas peur de rentrer chez toi. Si je n’avais pas Camille et Nolan, j’aurais déjà quitté ma maison, mais je me bats pour eux, parce qu’ils comptent sur moi, et que je ne veux pas les décevoir ! Alors non, Mademoiselle la princesse, tu ne peux pas comprendre que la drogue est une échappatoire pour moi, quand je fume c’est le seul moment où je me sens bien, libre. Tu ne peux pas comprendre tout ça, parce que tu as des parents riches, des frères qui t'aiment et t’admirent, des bonnes notes, des amis, une famille, moi je n’ai rien de tout ça. Toi, si tu veux quelque chose, tu n’as qu’à claquer des doigts, moi, je dois me battre. Oui Lucie, j’ai volé, racketté, je me suis battue, j’ai fini en garde à vue, à l’hôpital, et j’ai échappé de justesse au centre de détention et à la désintox, mais je suis fière de ce que je suis, parce que je m’en suis sortie seule, contrairement à toi, qui ne te salis jamais les mains, tu fais tout faire aux autres. Tu es la chouchoute des profs et moi leur bête noire, mais, entre nous, je suis une battante et toi une lâche ! m’écriais-je hors de moi, avant de tourner les talons et de commencer à marcher.

Je m’arrêtai en sentant mon vieux Wiko vibrer dans ma poche. J’avais un message de Nath’ : « Salut, c’est Nathanaël Courdec, je me demandais si vous étiez partant pour fêter Halloween avec moi ? Je vous rassure, je ne fais pas ça par amitié, je sais que comme moi vous avez quelque chose à reprocher à Lucie Baschet. Je vous propose donc une vengeance, on doit préparer une fête pendant laquelle on lui fera la peur de sa vie. Alors c’est bon pour vous ? Rdv devant le lycée à 18h demain. ». Sans aucune hésitation, je lui répondis que je serais là. Je me remis à marcher quand j’entendis :

- Je ne dirai rien, tu as ma parole, déclara Lucie.

Je ne pus m’empêcher de rire, pas un petit rire, non, j’éclatai de rire. Sa parole. Sa parole. Quelle parole ?

- Ta parole, Lucie ? Elle ne vaut rien ta parole ! De toute façon, vas-y, raconte ça à qui tu veux. Au moins si on m’envoie en désintox, je ne me soucierai de rien, j’aurai un toit, de la nourriture, des soins. Je n’aurai plus à me préoccuper de faire en sorte que Camille et Nolan restent dans leur chambre quand mon père se défoule sur moi parce qu’il est bourré. Je n’aurai plus à retarder l’heure de mon retour chez moi, parce que je sais d’avance que mon père aura bu et qu’il me frappera, pendant que ma mère tout aussi éméchée le regardera faire en rigolant. Alors sous mes airs de rebelle, je ne suis rien, juste une fille perdue et brisée. Tu sais, peut-être que ça t’amuse de faire du mal aux autres, mais crois-moi, l’humiliation que tu fais vivre au quotidien à tes victimes, c’est vraiment horrible. Tu n’imagines pas parce que tu n’as pas peur, parce que ta vie ne tient pas à un seul et unique petit fil, parce que tu n’es pas au bord du gouffre, parce que tu n’es pas mal dans ta peau, parce que personne ne t’humilie. Alors ta parole tu peux te la garder Lucie, parce que je ne veux rien d’une fille comme toi, qui ne vaut pas plus que mes chers géniteurs, lui répondis-je, avant de baisser la tête puis de me passer la main sur les yeux pour empêcher mes larmes de couler.

- Je suis désolée, je ne me rendais pas compte du mal que je faisais. Je ne savais pas !

- Tu ne savais pas, bordel ?! Mais tu te fous de ma gueule ou quoi ?!?

- Non, je te jure.

- Va au diable Lucie ! m’exclamai-je avant de partir pour de bon, la plantant au milieu de la ruelle. J’avais des envies de meurtre et je devais au plus vite m’éloigner d’elle, sous peine de faire demi-tour et de l’égorger.

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