Le jour suivant, à seize heures, une fois tous mes cours terminés, je me rends à nouveau au club de littérature. En y entrant, je remarque aussitôt Naoki, assis dans un coin de la pièce, un peu à l'écart des autres. Je lance donc un joyeux "Bonjour !" dans la salle afin de saluer tous les autres membres du club avant de me diriger vers le jeune brun. Je m'assieds sur une chaise juste à côté de lui et lui demande, avec un large sourire :

- Comment vas-tu Naoki ?

Il lève ses yeux bleus vers moi et me regarde quelques secondes à travers les verres de ses lunettes noires avant de me répondre, tout en se remettant à écrire :

- Ça va.

- Super !

Après quelques secondes à l'observer travailler, je lui demande :

- Qu'est-ce que tu écris ?

- Le nouveau chapitre de mon livre.

- Et de quoi est-ce qu'il parle ?

- Tu le sauras quand je l'aurai terminé.

- D'accord.

Je reste cependant près de lui, contemplant le mouvement de sa main blanche qui fait danser le stylo sur le papier.

Au bout de quelques minutes, il relève la tête et plonge ses pupilles noires dans mes yeux marrons. Ses sourcils froncés indiquent son mécontentement. Il me dit alors d'une voix ferme et sévère :

- J'ai besoin de concentration pour écrire. Ta présence la trouble. Tu veux bien t'éloigner ?

- Oh, excuse-moi, lui répondé-je, un sourire bienveillant aux lèvres. C'est vrai que c'est très malpoli de fixer les gens. Je ferai mieux de me mettre au travail moi aussi, je dois finir mon histoire.

- C'est ça, va travailler.

Je pose mon cartable sur mes genoux pour en sortir des feuilles et un stylo, mais je ne change pas de place. Je veux écrire aux côtés de Naoki. Je pose mes feuilles sur la table et commence à les noircir de mots.

J'entends le soupir agacé de l'adolescent, mais ne relève pas.

*

"Tu me déranges"

"Pot de colle"

"Tu n'as rien de mieux à faire que de me suivre comme un bon petit toutou ?"

C'est le genre de réflexions que me fait Naoki depuis deux semaines maintenant. À chaque fois que je reste trop longtemps auprès de lui à son gout, il me lance un commentaire vexant du genre, mais à chaque fois, mon chaleureux sourire est la seule réponse qu'il reçoit.

Aujourd'hui encore, en arrivant au club à seize heures, je le cherche des yeux. Je le trouve aussitôt. Il est assis dos à moi, en train de lire un livre. Je m'approche discrètement de lui, sur la pointe des pieds, et une fois juste derrière le jeune homme, je couvre ses yeux de mes mains.

Il a un sursaut de surprise et je lui dis alors :

- Devine qui c'est . . .

- Yoko, répond-t-il aussitôt.

- Ah, comment as-tu deviné aussi vite ?

- Ce n'est pas compliqué de reconnaitre ta maudite voix quand tu me l'imposes tous les jours.

- Une idée m'est venue hier soir, dis-je en ignorant son reproche une fois de plus, et si ensemble nous . . .

- Non !

Il crie ce mot en me repoussant si brutalement que je tombe au sol ! Il se lève alors pour me faire face, en serrant ses poings, et me hurle dessus, furieux :

- Tu ne comprends donc pas ? ! J'en ai marre de toi ! Je n'ai pas besoin de toi ! Tu m'énèrves ! Je te déteste ! Fiche-moi la paix !

Mes yeux s'écarquillent sous l'effet du choc et de la douleur ! Oui, ses mots me font mal . . . Depuis le début en fait, mais là, c'est plus que je ne peux en supporter.

Je me relève calmement, redresse la jupe bleue de mon uniforme scolaire et lui dit, en m'efforçant de lui sourire encore :

- D'accord, merci d'avoir été franc avec moi. Je suis vraiment désolée, je ne voulais pas t'importuner . . .

Ne sachant plus quoi dire et craignant de ne plus pouvoir retenir mes larmes plus longtemps, je tourne les talons et quitte la salle, le coeur serré . . .