Trafic dans la forêt
Notre première randonnée n'a pas été bien longue. Au bout d'une ou deux heures de marche tout au plus, Naoki s'arrête, observe le ciel, puis se retourne et déclare :
- Il faut rentrer, maintenant.
- Déjà ?
- Oui, il faut toujours rentrer avant la tombée de la nuit. C'est une règle de sécurité de la plus haute importance.
- Sage décision, affirme Imaé, rentrons.
Naoki siffle et appelle :
- Aka ! Viens-là, nous rentrons !
Le Golden retriver obtempère et suit son maître. Nous leur emboitons le pas. Pendant le trajet du retour, je dis avec déception :
- J'espérais voir des animaux sauvages comme des cerfs, des biches et pourquoi pas des loups ? Il parait qu'ils ne sont pas si dangereux.
- Oui, mais ces animaux restent à l'écart des habitations. Il faut pénétrer profondément dans la forêt pour avoir une chance de les apercevoir.
- Et bien, nous n'avons qu'à faire cela le week-end prochain. Nous commencerons notre randonnée très tôt, ce qui nous laissera le temps d'aller assez loin pour voir ces bêtes et de rentrer à la maison avant la tombée de la nuit. Vous êtes d'accord ?
- Ce sera sans moi, dit Imaé.
- Pourquoi cela ?
- Je dois commencer mes révisions dès maintenant si je veux être prête pour le bac. Je ne pourrai donc pas vous accompagner les week-end prochains. Cependant, nous continuerons à nous voir au club de littérature, comme d'habitude.
- Quel dommage !
- Ce n'est pas grave, je suis sûre que vous vous amuserez tout autant sans moi. Je vous demande juste de faire attention à vous, d'accord ?
- Promis !
- Bone chance pour tes révisions et ton bac, lui souhaite Naoki. Et surtout, n'hésite pas à me prévenir si tu as des difficultés avec les mathématiques, d'accord ?
- Tu n'es qu'en seconde, Naoki.
- Oui, mais j'aime tant les maths que j'ai pris de l'avance sur le programme et que je travaille déjà sur les sujets de baccalauréat.
- Bon, d'accord, je te promets de faire appel à toi si je galère en maths.
- Parfait !
Mon amie et moi nous lançons un regard amusé avant d'éclater de rire, au grand étonnement de Naoki.
*
Une semaine entière s'écoule et nous sommes déjà samedi. Je me réveille très tôt, aujourd'hui. Après avoir pris une douche, je m'habille d'un short bleu marine et d'un T-shirt rouge cerise. Je peigne ensuite mes cheveux châtains mi-longs que j'attache en queue de cheval.
Je m'empare ensuite d'un sac à dos noir, dans lequel je glisse des provisions pour la journée ainsi qu'une lampe de poche, juste au cas où. Il ne me reste plus qu'à me rendre dans le hall d'entrée pour enfiler mes chaussettes blanches et mes baskets avant de quitter l'appartement.
Lorsqu'après plusieurs minutes de marche, j'atteinds enfin l'entrée de la forêt, je constate que Naoki et Aka y sont déjà. Après avoir offert une caresse au chien, qui tourne joyeusement autour de moi pour m'accueillir, je salue mon ami :
- Bonjour, Naoki. Comment vas-tu ?
- Ça va et toi ?
- Je suis en pleine forme !
- Tant mieux, parce qu'il va t'en falloir aujourd'hui, pour parcourir les nombreux kilomètres que nous devons faire avant d'atteindre les zones habitées par des cerfs.
- Je suis prête, on peut partir quand tu veux.
- Alors allons-y, dit-il en pénétrant dans la forêt, Aka sur ses talons.
Il fait frais ce matin. Le vent joue entre les branches des arbres, agitant leurs feuilles vertes. On peut encore sentir l'humidité de la rosée. Nous marchons en silence, profitant du calme des bois, qui n'est brisé que par le chant des oiseaux. J'aime cette ambiance si paisible !
*
Le soleil est déjà haut dans le ciel lorsque Naoki s'arrête enfin pour m'annoncer, en chuchotant :
- Nous y sommes. Si je ne me trompe pas, il y a troupeau de biches et de cerfs juste derrière ces buissons.
Il marche très doucement, sur la pointe des pieds, afin de s'approcher le plus silencieusement possible des buissons. Une fois qu'il les a atteints, il s'accroupit et me fait signe d'approcher. Je l'imite donc pour le rejoindre. Il écarte alors légérement les feuillages avant de me dire :
- Ils sont bien là, regarde.
En effet, de l'autre côté de ces buissons se trouve une grande clairière. Il y a des dizaines de biches et de cerfs, accompagnés de quelques faons, qui pâturent tranquillement l'herbe verte.
C'est la première fois que j'en vois pour de vrai, j'en ai le souffle coupé !
Nous les observons pendant de longues minutes, jusqu'à ce que le plus grand d'entre eux, qui est sans doute leur chef, redresse la tête. Il remue ses oreilles avant de détaler, entrainant tous les autres à sa suite. Leurs sabots font trembler le sol et provoquent un boucan infernal !
Lorqu'enfin le calme revient, je discerne un bruit que je n'avais pas entendu jusque là. Je demande à Naoki, en chuchotant :
- Est-ce que tu entends ? On dirait une conversation.
- Oui.
- Allons voir de quoi il s'agit.
- Pourquoi est-ce qu'on irait voir ?
- Juste parce que la curiosité me rongera à tout jamais si je n'en ai pas le coeur net.
Je ne lui laisse pas le temps de rétorquer : je me lève et me dirige à pas de loup vers l'orgine du son. J'entends cependant Naoki soupirer et se lever à son tour pour m'emboiter le pas.
Le bruit provient de derrière des buissons, situés à quelques mètres. Je m'accroupis derrière et en écarte les feuillages. Je peux alors voir, près d'un ruisseau, deux hommes au gabarit imposant, faisant face à un troisième individu. L'un d'eux demande à ce dernier :
- Alors ? Tu as la marchandise ?
- Oui, mais je veux l'argent d'abord.
- Montre-nous au moins que c'est bien ce que nous avons demandé.
Pour toute réponse, le troisième homme sort de la poche interne de sa veste un sachet de taille moyenne, contenant une poudre blanche.
Les deux hommes l'observent quelques secondes, puis l'un deux déclare :
- C'est bien cela. Tiens, voilà ton argent.
Il sort de sa sacoche une énorme liasse de billets ! J'ignore quelle est la some exacte, mais elle doit être considérable !
Leur interlocuteur récupère l'argent, donne le sachet aux deux individus et s'éloigne bien vite.
Les deux compères restants discutent entre eux :
- Les affaires marchent de mieux en mieux ! Bientôt, nous serons les hommes les plus riches et puissants de la ville !
- Calme-toi un peu. Les plus puissants, peut-être pas, mais les plus riches, c'est sûr et certain ! Après tout, le commerce de la drogue porte toujours ses fruits . . .
- Chut ! Ne parle pas si fort. Quelqu'un pourrait nous entendre.
- Nous sommes à plusieurs kilomètres de la ville, personne n'est là pour nous entendre.
- Restons tout de même prudents, on ne sait jamais.
- Oui, tu as raison . . . Quoiqu'il en soit, retournons en ville, je te rappelle que nous devons encore revendre notre belle marchandise . . .
Naoki et moi échangeons un regard inquiet. Ce dernier me fait un discret signe de main pour m'indiquer que nous devons bouger d'ici le plus rapidement possible.
Nous commençons alors à reculer, aussi doucement que possible, mais je marche accidentellement sur une brindille. Elle craque sous mon poids.
Les deux hommes se retournent alors en sursaut et avancent dans notre direction ! Naoki se redresse et me crie :
- Cours !
Je m'exécute aussitôt, mais il est trop tard : les trafiquants sont déjà à notre hauteur et l'un d'eux se jette sur moi pour m'attraper par le col !
Je pousse un cri de panique ! Naoki n'hésite pas une seconde : il se précipite vers mon agresseur, mais le deuxième homme l'attrape par le bras ! Les deux malfrats se regardent alors quelques secondes avant de hocher la tête. Celui qui me retient déclare :
- Je crains pour vous que vous n'en sachiez beaucoup trop. Nous ne pouvons donc pas vous laisser repartir vivants . . .
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