01er mars 1923

Bordeaux

Mon amour, mon ami,

Voici maintenant quelques temps que vous ne m'avez pas écrit. Que me vaut cette absence ? Mon coeur se meurt de vous. Ne le ressentez-vous pas également ? Je vous aime. De tout mon être. Au-delà de moi-même, au-delà de mon âme, au-delà de mon amour lui-même ! Je voudrais m'envoler vers vous, vous sauver de tous ces maux, vous donner ma force pour ne plus jamais vous quitter. Je me languis de vous, de vos bons mots, de votre douceur pour moi.

Mes missives ne seront hélas jamais assez puissantes pour vous exprimer tout mon émoi. Comme je voudrais que le vent vous fasse ressentir tout mon transport ! Qu'il le porte plus loin que ces montagnes qui nous séparent, plus haut que mes prières, plus longtemps que mon existence ! Vous êtes mon inspiration, mon cadeau, mon présent douloureux, mon futur adoré, mon Tout ! Pourquoi ce silence ?

Une autre que moi vous aurait-elle séduit par des atours plus flatteurs que les miens ? Je meurs de vous revoir. Sachez, Monsieur, que les sentiments d'une femme éprise comme je le suis dépassent tous les mots, terrassent toute mort, et demeurent à jamais présents dans les esprits, dans l'air que nous respirons, dans les murs de toute maison, dans la peau de toute demoiselle... Mon ami, mon amour, ai-je encore une place dans votre coeur ?

Suis-je toujours votre promise ? Votre muse ? Votre favorite ? Il est trop tard pour moi ! Je vous aimerai jusqu'à mon dernier souffle, dans ma tombe, et bien après encore ! Je vous resterai dévouée et j'espère ardemment votre retour providentiel. Il signera enfin mon salut. Notre union sera une évidence aux yeux du ciel et concrétisera ma rédemption. Je vous adresse toutes mes pensées. Je vis pour vous.

Je pleure pour vous. Ma vie consacrée ne voit que vous. Voici en ces mots tous mes baisers amoureux, toute ma tendresse contenue, tous mes espoirs en Nous. Je dépose mon coeur à vos pieds, ma châsteté éperdue, ma persévérance à vous attendre. Votre élégance à me faire tournoyer dans les airs lors de notre dernier bal me manque. Mon coeur saigne au souvenir de votre regard bienveillant sur l'ingénue que je suis.

Vous aviez avoué être épris de moi... Revenez-moi ! Valsons ensemble jusqu'à nous rendre ivres d'amour ! Je vous offrirai alors le Monde... Je vous donnerai ma vie. Je vous aimerai jusqu'à la folie.

Mon amour, mon ami, reviens-moi en vie et je te donnerai mon éternité...