Je réalise soudain qu'il me faut éclater en sanglots pour recharger la batterie.

L'eau de mes larmes se confond désormais avec l'encre de mon stylo quatre couleurs.

Bleu pour le calme, rouge pour la colère, noir pour les mots capitonnés.

Et lorsqu'elle ne me laisse plus le choix elle se rapproche de la nature. Autant de vérités à écrire qu'à enfouir au fond du puits. Ou l'inverse.

C'est que j'en ai vu passer, dans mes histoires, des arrêts au bord de la route. Des relais-restaurants, des motels, des bouis-bouis,.. et ça va vite, très vite.

Ce matin fut marqué par une pause sur une aire de pique-nique.

- Je te nique la pique, suis-je en train de proclamer à mon chauffeur. Et elle est pour moi, cette fois.

- Mais tu n'es qu'une enfant...

- Alors ça, non ! Arrête de me traiter comme une gamine !

- Comme tu voudras. Tu veux que je te passe le volant ?

- Je ne sais pas conduire.

- Il va bien falloir que t'apprennes, un jour.

- Je fais ce que je peux, OK ?!

- "Mais vous avez quel âge..."

- Non, mais j'ai dit arrête ! Je ne veux plus l'entendre ce détraqué.

- Alors écris en rouge, maintenant. Et en majuscules.

- Oui mais si je t'écoute, ça bave.

- D'accord mon escargot.

- Oh non, encore...

Il m'aura fallu près de quarante ans pour oser vérifier les dires de ma mère. Mon carnet de santé est la preuve vivante qu'elle s'est foutue de moi depuis le début, à savoir que je n'ai jamais été en retard dans ma croissance ni dans ma capacité à parler.

C'est à croire que certains témoignent une affection toute particulière aux enfants autistes et aux personnes lentes, mais je ne relève pas.

- C'est vrai il t'en faut plus pour te perturber... en plus t'as bien marché à un âge normal, vrai ou pas ? Mais sais-tu réellement marcher ? Dans une combine ?

- Ta gueule. Au moins je sais écrire.