Super !
Mon coup de gueule a fait son effet.
Mon coéquipier semble régénéré par cette boutade. Aujourd’hui, nous sommes montés dans une voiture aux vitres teintées, parsemée ici et là de lumière artificielle.
Je n’ai plus besoin de lui demander de se calmer, il s’exécute et me mène droit vers la station-service.
Entre-temps, je lâche mes mots comme des balles perdues au fin fond de l’univers. Sauf que cette fois, d’autres en sont témoins. Un coup de gueule aux conséquences silencieuses : tout le monde se tait, et les secondes qui séparent nos voyages restent équivoques.
Pour moi, pas de blabla, pas de chichis inutiles…
Autonome, moi ? Mon cœur a ses raisons que la raison ignore.
— Non, ça, c’était moi, avant… n’est-ce pas ? ai-je envie de crier à celui qui, maintenant, attend d’avoir fait le plein, scrutant le compteur.
Et à la table ronde de l’atelier d’écriture, qui ne moufte pas.
— Aujourd’hui, je ressemble à ma plante, qui pousse désormais dans un terreau fertile et se complaît à me laisser de nouvelles pousses chaque jour.
Épanouie. Pourtant, cela m’a coûté un lourd combat.
Prise dans les filets de ces araignées, je n’ai eu d’autre choix que d’abandonner mon innocence pour les cendres d’un amour pur.
Puis, les extrêmes m’ont rappelée à l’ordre. Ils ont repris le dessus, comme les aléas de ces armures… Tout comme ces gens qui franchissent le pas de leur dépendance affective, jusqu’à ce qu’elle se transforme en murs infranchissables.
Je vis dans un bunker, en attendant la fin du monde.
De mon monde.
La vie, tout simplement.
Aimer s’apprend. Mais le temps, lui, s’oublie vite.
Alors je navigue à travers les eaux d’une encre silencieuse, mais qui lève les tabous.
La folie de ne pas se sentir "assez" quand on est seul est un phénomène de société banalisé. Et tout le monde ne parle que de ça.
Tu es seul dans la vie ? Alors tu n’es rien. Ou un bon à rien.
Un incapable.
Tu n’es pas digne d’être aimé(e).
Tout, absolument tout, semble prouver à l’univers entier que tu es une merde sans valeur.
Le comble ?
Il faut des mots, des claques, des tempêtes pour comprendre que notre besoin d’amour est un puits sans fond.
Et pourtant… Comme toutes les richesses invisibles du monde, l’amour est intarissable.
À condition de savoir qui l’on est, vraiment, pour trouver sa moitié.
Avec ses forces et ses faiblesses.
Et en faisant de ses faiblesses une force.
Les quelques habitués du lieu regardent leurs pieds.
J’essaie de reprendre mon souffle avant le coup de massue qui va suivre.
— Aujourd’hui ? Je ne suis plus une sangsue pour personne.
J’ai compris que l’amour est partout, pour peu qu’on daigne le chercher.
Je me l’accorde à 2000 % à moi-même, parce qu’après tout, c’est ça, la vie :
Placer ses attentes en fonction de soi, et non des autres.
Pas besoin de faire comme tout le monde.
Pas besoin de croire au bonheur factice de ceux qui affichent fièrement leur entourage, leur couple, leur "équilibre".
Comme je l’ai déjà dit… Chacun sa merde.
Tout le monde, sans exception, a des problèmes.
La vérité réside dans l’art de choisir ses propres batailles. Pas celles du voisin.
Alors mon attente repose sur ce que la dépendance affective m’a appris :
Le respect de soi.
Commencer par se faire confiance.
Rester intègre.
Être franc avec les autres tout en respectant sa réalité.
Même si le monde entier nous assène le contraire.
Je m’aime.
Point barre.
Visiblement, mon chauffeur a déjà levé le frein à main...
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