Poubelle de mes émotions
Trois jours sans écrire.
Je suis aujourd'hui à bout de force et dois me forcer pour écrire, comme si ça n'avait jamais été naturel.
Je suis tombée en panne et une douleur implacable m'achève et me cloue sur place.
Le premier jour pourtant consacré à mon repos hebdomadaire a été gâché par un rhume. Les jours suivants, le bas du dos s'est pris dans un étau à force d'accumuler les tensions, comme les fumées s'échappant de la voiture qui n'en finit jamais de brûler.
Il paraît que l'on somatise et que le corps parle à notre place quand on reste dans le silence. Alors je tape des lettres sur un clavier, laissant mon égo pianoter les touches du tableau de bord.
Seulement il est fatigué, aujourd'hui. Las, dégoûté, en colère et dépité, se sentant impuissant face à la route, un chemin tout cabossé où les mauvaises herbes ont poussé depuis déjà fort longtemps.
Puis, la sécheresse du voyage s'est mêlée à la poubelle de mes émotions, qui s'est remplie à un point critique. L'endroit où nous sommes arrêtés tous deux est barricadée de grilles de fer et électriques, pas moyen d'en sortir, à moins d'attendre. Toujours attendre pour que le paysage change, pour que les grillons se transforment en escargots, ou pour que mon coeur se soigne de lui-même.
Les relais-étapes ont disparu. Depuis l'habitacle les étoiles sont masquées, seule reste un visage nocturne : ce rond blanc qui s'étonne toujours de la mesure que peuvent prendre les événements dès que j'essaie d'avancer de quelques mètres, le bruit du moteur fumant lui aussi, laissant un râle inaudible dans l'univers.
Il ne me reste plus qu'à balancer cette poubelle, l'envoyer valser par la fenêtre comme un mégot pressé de s'envoler.
Le mégot de ces non-dits et de ces blessures traduites par des émotions refoulées.
Je me sens en prison pour l'éternité. Les tentatives de sortie restent momifiées et les remises de peine sont factices, mais apparemment il faut jouer le jeu jusqu'au bout.
Mais ma souffrance est éternelle et mon chauffeur le sait, même s'il a envie d'aller au bout du monde, lui.
Alors je jette tout par-dessus bord car à partir d'aujourd'hui, j'ai envie de prendre les voiles.
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