Premier acte. Béatitudes
Un jour, le soleil donna naissance à la mer
et la mer enfanta une terre en son sein
comme jadis nous enfantions tout un monde de rêveries.
Toute recouverte de mousse verte
elle était tout en pli
en collines
en plaines colorées de fleurs
aux senteurs édéniques…
et aucune montagne ne venait assombrir l’horizon.
Au milieu de l’archipel fraîchement né
un grand lac s’étendait
l’eau y était cristalline
on pouvait en boire et s’y baigner
elle était douce et chaude comme une embrasse aimante.
Les nymphes tout d’abord y élurent domicile
et le lac devint comme l’étendue d’un miel limpide…
———— Tout sucré !
Attirés par le divin nectar,
et plus encore par les filles délassées,
tout un peuple de faunes y fit son foyer :
des garçons aux pieds de biches
… à la pose fine et élégante,
des hommes au corps de cheval ou de taureau
… à la peau douce et soyeuse, comme un fin duvet,
des êtres ambivalents
… qui parsemaient les cieux
à la manière de papillons,
d’abeilles velues,
ou de fines libellules.
Tout un peuple de faunes en somme
… que l’on appelait « les Heureux ».
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Au milieu du lac
il y a une petite île surmontée d’un jeune bois
fait de pins
de bouleaux
d’un ou deux chênes qui gardent le troupeau
et quelques saules qui murmurent près de l’eau.
Tout emmêlée de mousse et de clairs liquides
l’île entière est le havre des Heureux en pâmoison.
Cheminant avec joies dans ses veines languides
et s’aimant dans le secret des bosquets silencieux…
C’est la Saison des amours
et tous les Heureux sont venus d’un bout à l’autre de l’archipel
pour se retrouver enfin dans les chaudes embrassades.
On y mange
on y boit…
on y passe des jours et des nuits
à s’aimer dans les entrelacs
à contempler le reflet de la lune au creux de leurs reins
et l’on affiche à qui veut le voir
comme les jours sont heureux à qui sait aimer.
Tout un peuple de faunes en somme…
qui est la parfaite image d’un bonheur délicat.
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