Sixième acte. En attendant l’aurore

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Au milieu du lac

il y a une petite île surmontée d’un jeune bois

fait de pins

de bouleaux

d’un ou deux chênes qui gardent le troupeau

et quelques saules qui murmurent près de l’eau.

Tout emmêlée de mousse et de clairs liquides

l’île entière est le refuge des Heureux en fuite.

Cheminant avec peine dans ses veines intranquilles

et se mussant dans le secret des bosquets silencieux…

C’est à l’approche de l’Hiver, c’est quand l’âme se replonge en elle-même pour d’annuelles retrouvailles, pour ce conciliabule vital, pour cette douce mort qu’apporte avec elle les froides saisons qu’on y pense le plus… qu’on se souvient une nouvelle fois.

Et comme il y a à se souvenir !

À l’approche de l’Hiver, en attendant l’Aurore, on se remémore. On s’abandonne au souvenir. Alors les anciens amours et les plaisirs antiques, les premières joies et les primes chagrins, les soleils d’hier et les pluies d’autrefois, tous ceux-là nous reviennent en trombes. Tous ceux-là nous saluent du lointain.

La douleur est d’autan plus intense que les souvenirs sont mourants ! Et comme ils meurent ! Et comme eux-mêmes souffrent de nous voir nous en aller ! Car s’ils nous saluent pour sûr, de notre côté nous ne les saluons souvent plus que par politesse. Et la nuit ils reviennent hanter nos songes…

En définitive, c’est toujours courbaturé qu’on se lève le matin.

Éreinté par ces pugilats nocturnes.

Car ils nous en veulent.

Et pourtant ils nous manquent.

Et pourtant on les aime ! On les aime de les avoir tant aimés autrefois !

La force nous élude et il faut bien se rendre à l’évidence. La béatitude elle-même n’est plus cantonnée qu’au souvenir.

Nous avions quitté le monde, nous avions fui l’Émeute.

Pour bâtir dans la nuit des palais merveilleux.

Et les habiter.

Et les ressasser.

Et les ruminer.

Et les détruire.

Pour les voir renaître.

Comme mille et mille fois, pendant mille et mille ans, on les a vus renaître.

Comme mille et mille fois, pendant mille et mille ans, ils nous ont vus renaître.

Et nous ont habités.

Et nous ont ressassés.

Et nous ont ruminés.

Et nous ont détruits.

Et nous ont vus renaître.

Lorsqu’à l’ombre de ces palais merveilleux,

Nous avons vu le jour… bien loin de l’Émeute… et encore assez éloigné du monde.

Au cœur des grandes nefs, dans la tranquillité des bois… qui furent notre Béatitude… à jamais nous nous souviendrons.

Des yeux perdus dans le ciel…

Ne voient plus ce qui sommeille en dedans.

Des yeux qui ne voient plus que l’azur…

Ne voient plus comme la terre est pourpre.


Une âme qui se perd dans les cieux…

Ne sait plus comment chercher Dieu.


Et L’imposer.

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