Lettre 2
Lettre de dramseq à bylud : 15/11/20 – 23h
Mon cher promeneur,
Ne serait-ce pas dangereusement flatteur de vous confier que j’ai guetté l’arrivée du coursier ? Vos mots, avaient réussi à déjà manquer à mes yeux et imaginer votre voix les prononcer, encore davantage. Je vois, maintenant, mes pas me diriger autoritairement vers cette pente glissante, ce lac périlleux, dont nul n’a jamais vu le fond ; cette abyssale montagne que l’on nomme sentiment. Ne vous alertez pas de la brutalité de cette révélation, qui n’en est d’ailleurs pas une. Je pressens simplement que ce voyage graphique n’en est qu’à son aurore.
Bien que la nécessité des promenades ne soit pas rare, je ne puis qu’admettre ma joie de partager cette passion avec vous.
J’aime votre choix de mot, ‘‘affection’’, qui représente à lui seul la dualité de notre psyché. Nul être, cherchant à être éclairé, ne pourrait se vanter d’honnêteté en proclamant n’avoir jamais souffert de la force tortueuse de l’esprit. Enfin, ne détenant aucune vérité, je ne peux que supposer. Vous-même évoquez ces « méandres tourmentés », les affrontez-vous souvent ? A ce sujet, saviez-vous que le Méandre est un fleuve d’Anatolie qui, tout comme notre cerveau, se dessine en circonvolutions (votre référence à mon prénom m’a donné l’envie de poursuivre chez les grecs).
Le flegme, cruel, éteint les braises de l’encre. Gracieusement, la vôtre rougeoie et je ne peux que m’en réjouir, par pitié ne tentez pas de la tarir (faisons fi, je vous en prie, de l’avis de nos ancêtres).
A mon grand regret, je ne viens pas de Navarre, mais d’un Paris bien grisonnant. Êtes-vous dans les contrées Vasconnes ?
Il me plaît d’observer les animaux, de constater à quel point ils nous sont proches, et avec quelle justesse ils s’éloignent de nos comportements absurdes. Pour autant, je ne saurais me résoudre à m’en approprier un, je n’aurais l’envie ni la patience de domestiquer qui que ce soit. Qu’en est-il de vous, votre question laissait entendre que vous avez effectivement des animaux, me trompé-je ?
J’ai choisi, pour vous répondre, les Nocturnes de Chopin, mais ne vous formalisez pas, mes écoutes sont très hétéroclites. Auriez-vous quelque chose de votre goût à me conseiller ?
Je suis dans l’Ethique, scientifique pour être encore plus précise, et la charge, quelle qu’elle soit, ne m’empêcherait pas de sortir quand bon me semble. Mettez-vous votre métier avant tout ?
Mes réponses vous paraîtront peut-être d’un ennui certain, mais tout comme pour les animaux, je préfère admirer les fleurs dans leur environnement naturel.
N’avez-vous pas cette impression que les couleurs se mêlent aux émotions, ou peut-être est-ce l’inverse, une symbiose sûrement ? Je ne puis donc pas me limiter à une unique, devant tant de fluctuations émotionnelles. Le rouge me plaît bien, tout de même. En avez-vous une majeure ?
Votre curiosité légitime la mienne, je ne peux, par conséquent, que vous en remercier.
La place vient à me manquer, je me vois contrainte d’arrêter-là votre interrogatoire… Mais ce n’est que partie remise.
En derniers mots, il semblerait que mon envie de vous répondre m’aie convertie en oiseau nocturne, moi qui étais, tout comme vous, une habituée de l’aube. Nous pourrons explorer plus en amont cette nuit qui nous est encore étrangère…
Nocturnement vôtre,
Aglaé
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