Chapitre 4.2 : cette haine [Iris]
Dès que j’avais mis un pied dans le club, la haine de cette fille m’était retombée dessus. Je ne pouvais rien faire à part encaisser.
– Exprimer ses sentiments est une forme de faiblesse. Les Hector ne sont pas des faibles.
Il faut que je continue de jouer la comédie quoiqu’il arrive. Personne ne doit voire qui je suis réellement.
Personne.
– S’il y a une flaque d’eau, les gars se jettent dessus pour te servir de pont !
Pour s’attirer mes bonnes faveurs.
– Léanne, commence Kara, personne de censée ne ferait…
– Tu n’es jamais au courant de grand-chose donc tu ne le sais pas mais il y en a qui le font vraiment, intervient Nathalie.
– Ah ouais quand même…, murmure-t-elle sous le choc.
– C’est un dû mériter par les gens de mon statut, répliqué-je.
Toujours rester juste dans son rôle.
Je suis Iris Hector, un héritière des Hector. Le monde entier m’ait dû à ma naissance. Je ne suis pas comme le bas peuple. Les sentiments sont pour les faibles.
Je sens le regard de choque de Kara et Nathalie sur moi.
Maintiens ce masque d’indifférence et de condescendance !
– Bien sûr ! Les gens comme toi pense que l’univers entier leur est dû ! Être adulée…
– Léanne, laisse-la, intervient Nathalie.
Oui, laisse-moi.
– … Idolée est légitime pour vous ! Les gens ne sont que des jouets pour toi, n’est-ce pas ? Tous ces mecs avec qui tu es sortis pour finalement les jetés comme des ordures. Le pire c’est qu’ils reviennent comme des toutous vers toi !
Puis dans un marmonnement à peine audible elle rajoute :
– Ces gens stupides qui te considèrent comme une déesse…
– Qu’est-ce que j’ai bien pu faire ?
Je me retiens de me mordre la lèvre inférieure. Je prie intérieurement pour que cette incartade ne sonne pas trop faux.
La seule personne à réagir est Léanne. Ses poings se serrent et son regard enflammé vient rencontrer le mien.
Garde ce masque.
– Je te haie tellement !
Ces mots me percutent avec violence.
Garde-le Iris !
– Léanne ! intervient Sandra.
Arrêtes-là s’il te plaît.
– Toi et ta foutu vie parfaite !
Ma vie n’est pas parfaite !
Garde ce masque Iris ! Garde-le !
– Retourne à ton club de tennis…
J’ai pris un risque immense en prenant celui-là ! Je veux juste me rebeller ! Jouer sur les failles de ce système familial de merde !
Exprimer ses sentiments est une forme de faiblesse. Les Hector ne sont pas des faibles.
Dix coups de ceinture pour la faiblesse.
Inspire. Tu dois rester impassible.
– Toi et tes cheveux blonds immondes !
Exprimer ces sentiments est une forme de fai…
VA TE FAIRE FOUTRE !
Mes pieds contournent la table et je l’agrippe par le col. Mes poings se renferment sur le tissu, mes doigts si serrés que je sens mes ongles contre mes paumes. Je la soulève pour avoir son visage en face du mien.
Ma raison tente en vain de me raisonner. De poser cette pauvre fille, de reprendre mon rôle et de partir d'ici.
– Emprisonnée dans un manoir, réduit au silence tant que cette SALOPE de grand-mère n’a pas décidé que je suis une adulte, surveillée, privée de tout, obligée de rentrer dans un moule !
Comment peut-elle me juger sans me connaître ? Sans connaître la vraie Iris ? ! COMMENT ? !
Ma tête se baisse.
– Je n’ai pas une vie parfaite !
Je renforce un peu plus ma poigne.
– Si je suis venue ici…
Mes yeux se perdent dans les siens. Elle a l’air surprise. Je ne peux m’empêcher de maudire cette voix qui tremble.
– …, c’est pour échapper un peu au contrôle de cette famille de merde !
Je ne peux pas retenir plus longtemps mes sanglots. Je la lâche et cours. J’entends mon prénom, mes pas résonner dans ce vieux bâtiment.
Puis mon nom de famille et ça me donne encore plus envie de fuir.
J’ouvre la porte menant à l’extérieur et une main m’attrape alors que je me dirige vers les escaliers menant à la cour. Je n’ai pas le temps de me retourner qu’une vive douleur me prends à la joue.
– Une Hector n’exprime jamais ses sentiments, me gronde Tristan en me lâchant pour se placer en face de moi. C’est pour les faibles !
Ce qui aurait dû me calmer ne fait qu’alimenter un peu plus ma haine. Mon poings se serre et vient rencontrer son nez. Le coup le fait tituber, son pied s’approche du bord et avant que je ne puisse réagir, il a déjà dévalé les quelques marches nous séparant de la cour. Des cris paniqués m’entourent alors que nos camarades de classe sortent telle un troupeau de bovin. Dans ce flou, je vois des regards de travers qui me sont adressés, entends de vague murmures qui me juge.
•○•○•○•
Recroquevillée dans les anciennes toilettes de l’aile abandonnée, je continue de sangloter.
Tout ce que je voulais c’était profiter de ce club pour m’échapper un peu. Mon esprit débile s’imaginait que, peut-être, je pourrais me faire de vraies amies. Goûter un peu à la vie d’une lycéenne lambda.
Qu’est-ce que j’ai fais pour mériter ça ?
– Tu es une honte !
Je sens déjà une brûlure sur mon épaule puis sur tout mon corps. Je ressens son regard mauvais, réentends sa voix acide.
Je ressens… Je ressens encore cette peur. Cette peur du coup en trop.
Je revois ma peau rougie, mutilée par les coups.
Bravo Iris, tu viens de te mettre le lycée à dos, blesser ton cousin et signer ton arrêt de mort.
Bravo.
Annotations
Versions