Lettre à mon épouse
Chère épouse,
Cela ferait 66 ans que nous serions mariés aujourd’hui si la vieillesse ne t’avait pas emportée au-dessus des nuages.
Comme tous les ans, je me recueille sur ta tombe pour te lire cette lettre que j’actualise à chaque lecture.
Seulement deux années complètes que tu es partie et le vide est déjà énorme. Je me sens dépérir sans tes mots doux pour m’emmener loin et me ramener sur le rivage d’une eau trop claire.
J’ai besoin de toi.
Heureusement qu’il me reste encore un lien vivant avec toi ; Jack, notre berger allemand, commence à se faire vieux lui aussi. Il semble suivre ses maîtres !
Aujourd’hui, je m’appuie sur son existence pour m’accrocher au bout de la corde.
Ses yeux me rappellent les tiens lorsque tu avais fait une bêtise !
Non, je blague bien entendu. C’est de bonne guerre, comme nous disions sans arrêt à nos petits enfants.
Je sais que pour Jack et pour moi, la fin gagne du terrain. Parfois, nous nous regardons dans les yeux sans réellement savoir pourquoi. Simplement pour être sûr que l’autre est là.
Et, comme tu me l’as si souvent dit, ce chien est exceptionnel. C’est toi qui avais raison. J’ai l’impression de le comprendre, qu’il a vécu des moments similaires aux nôtres.
Alors, en pensant à toi, Magalie, je me replonge dans ses yeux noisette, à défaut de pouvoir le faire dans les tiens, et analyse chaque parcelle de ses traits.
Il me parle, je le sais.
Il a une histoire, un vécu. Je pense qu’il est temps qu’on s’offre notre passé avant l’ultime soupir. Celui qui nous ralliera tous les trois.
La réminiscence d’une famille unie.
Je t’aime ma chère épouse.
À bientôt, ton mari, François
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