Je me rappelle du jour où j’ai rencontré ma chère et tendre Magalie. Mes yeux humides se replongent dans ce souvenir vieux de soixante-sept ans. Ils affichent des images qui ont traversé les âges.

Une époque révolue. Mais une époque inoubliable.

Je me rappelle du moment où je suis sorti du travail, un jour de froid glacial.

Les températures avaient chuté d’au moins quinze degrés ! De la neige tombait drue. Les cheminées des maisons voisines relâchaient une fumée épaisse.

Et puis, dans les derniers rayons d’un soleil d’hiver, je l’ai aperçu, un bonnet vissé sur sa tête. Elle tremblait devant l’arrêt de bus.

Je n’ai pas réfléchi et j’ai fixé ses joues rosies par le froid mordant. Avec le courage qu’il me restait, j’ai entamé la conversation :

— Bonjour, vous allez bien ? Vous aurez peut-être moins froid si je vous tiens compagnie !

Au début, j’ai cru que ma blague était mal passée, puis un sourire dessiné sur ses lèvres tremblotantes était apparu. De là, une discussion de vingt minutes s’en est suivie.

Plus rien n’avait d’importance. Le climat n’était plus en mesure de nous atteindre.

Un cocon s’était ficelé entre nos deux corps.

Et puis, quand la réalité est revenue et que la nuit tombait, j’ai proposé à Magalie de la ramener chez elle, près d’une Seine endormie.

Le rituel s’est répété pendant deux longs mois, chaque jour.

Les soirs sans la voir devenaient des supplices. Puis mon cœur a parlé lorsque les sentiments ont grandi.

Je lui ai proposé de venir au restaurant avec moi.

À la fin du dîner, dans une ambiance calme et tamisée, je lui ai balancé tout ce que j’éprouvais pour elle.

Mes mains tremblaient. Mon cœur sursautait et faisait perler des gouttes de sueur le long de mon front.

Sa réponse fut sans équivoque, m’embrassant de ses yeux verts pétillants :

— Il était temps !

Sans faire attention au serveur qui approchait, j’ai pris les mains de Magalie et l’ai embrassé langoureusement pendant de longues secondes, nos visages éclairés par des bougies aux effluves de la nature.