Jack
Je me rappelle de tous ces moments à gambader par-delà l’herbe enneigée. Les montagnes où résonnait presque le bruit de nos pas près des collines escarpées. Les forêts silencieuses paraissaient être imperméables.
Mais un jour, alors que mon début d’existence se déroulait merveilleusement bien, un cri a surgi au fin fond des Alpes.
J’ai couru. Un frisson m’a parcouru. Il ne s’agissait pas du froid mordant qui hérissait mes poils, mais bien d’un mugissement familier. Une alerte que j’aurais reconnue entre mille. Mon maître en proie au danger.
Seulement, à peine avais-je commencé ma course que son destin était scellé. En dessous des arbres, la neige épongeant l’afflux de sang qui irriguait la plaine, il était là. Juste devant moi.
Mon maître venait de s’écraser contre le sol pour mieux rejoindre les étoiles. Je ne saurais dire encore aujourd’hui s’il s’agissait d’un accident ou d’un suicide prémédité, mais ma vie s’était achevée à ce moment précis.
Derrière les larmes, mon cœur de chien s’est fendu. L’organe principal de mon corps s’est transformé en pierre. Les sentiments ne passaient plus. J’avais l’impression d’être abandonné. Une âme insignifiante noyée dans un océan qui nous balance où bon lui semble.
J’ai erré pendant plusieurs jours, bravant le climat injurieux, la faim et la soif.
Au bord de mes limites, un soir particulièrement frigorifique, j’ai senti mes ultimes forces me quitter. Simplement l’espace d’un instant. Juste avant qu’un couple de retraités venu en vacances pour la semaine ne m’aperçoive en pleine promenade de santé.
Couché au pied d’un de mes troncs préférés, la vie m’a envoyé un pic d’énergie indéfinissable. Pourquoi m’a-t-on secouru, caché dans la forêt, à l’ombre du moindre être humain, alors que je m’apprêtais à entrer dans le sommeil éternel ?
Jamais la réponse ne viendra, mais la vie, elle, en a décidé autrement.
Il faut croire que mon histoire a bercé les nuages et touché les cieux !
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