ALEXANDRE LE GRAND
Je me souviens.
Un jeune garçon de seize ans et un étalon fou de rage !
Alexandre était si jeune, si petit, si fragile face à la puissance de l'animal.
Et cependant, si déterminé.
Devant son père, le roi Philippe de Macédoine, le jeune prince s'avança vers le cheval insoumis.
Le roi borgne offrirait l'animal à son fils si son fils était capable de le dompter.
Alexandre cacha le soleil au cheval affolé par son ombre et l'adolescent put chevaucher Bucéphale.
Sa force !
Je me souviens.
Un jeune roi, âgé de vingt ans et une armée de plusieurs milliers d'hommes !
Alexandre était si jeune, si fier sur son étalon à la robe de nuit.
Il venait de traverser la mer pour attaquer l'empire perse.
Un roi conquérant.
Le jeune homme secouait sa chevelure d'or en prenant la tête de ses troupes.
Ses phalanges et ses hoplites étaient prêts à mourir pour lui.
Sa puissance !
Je me souviens.
Un dieu vivant et un peuple à genoux devant lui.
Alexandre était si fier, si grand, dans l'oasis de Siwa en Egypte.
Il venait d'être annoncé comme le descendant direct du dieu Amon.
Un dieu vivant.
Il devenait tout à coup Alexandre le Grand.
Ses hommes étaient devenus ses fidèles.
Sa divinité !
Je me souviens.
Un dieu cruel et une capitale livrée au pillage.
Alexandre était vainqueur, il avait pris Persépolis, la capitale de l'Empire perse.
Darius en avait fui. Il le rattraperait le lendemain.
Mais ce soir-là..
La capitale résonnait des cris d'horreur de la population martyrisée et Alexandre se taisait.
Les charpentes du palais des rois Achéménides brûlaient.
Pillage, meurtre, viol.
Un dieu cruel et un général d'armée impitoyable.
Sa faute !
Je me souviens.
Un homme et une femme.
Alexandre était subjugué par la beauté de Roxane, la fille d'Oxyartès, satrape et général perse.
Roxane, si belle, si sauvage, épousa son ennemi.
Et Alexandre songea à créer un monde où les Grecs et les Perses seraient unis dans un même coeur.
Un homme amoureux.
Une magnifique femme.
Son rêve !
Je me souviens.
Les chevaux d'Alexandre contre les éléphants de l'Indus.
Alexandre connaissait ses premières lourdes pertes.
Ce qui avait été jusque là vu comme une marche triomphale se teintait de sang et de larmes.
La bataille de l'Hydaspe brisa l'image d'un général tout-puissant et invincible.
Alexandre fut vainqueur, mais blessé.
Bucéphale mourut au cours de la bataille.
Les larmes du conquérant.
Sa prise de conscience !
Je me souviens.
Un général vainqueur et ses soldats en mutinerie.
Un roi grec devenu l'empereur d'un monde !
Alexandre voulait poursuivre !
Au-delà des montagnes !
Au-delà des mers !
Il y avait d'autres terres à conquérir, d'autres mondes à défaire !
Mais il fallut faire demi-tour.
Tout dieu qu'il était.
La colère d'Alexandre fut terrible.
Son orgueil !
Je me souviens.
Le visage d'Alexandre et les derniers instants.
Un banquet, une large assemblée, Roxane enceinte et le sourire du jeune roi conquérant.
Le sourire vite figé par la douleur.
La fièvre brisa même le dieu.
La douleur le fit délirer.
Le roi mourut, âgé de trente-deux ans.
Et surtout !
Je me souviens !
De ses derniers mots adressés à ses amis, à Perdiccas, le plus fidèle.
" A qui entends-tu léguer l'Empire ?, lui demanda Perdiccas.
- Au plus fort," répondit Alexandre.
L'empereur mourut.
Et on parla de poison.
Sa mort !
Je me souviens.
Des regards que se jetèrent les principaux généraux d'Alexandre, les Diadoques, funestes présages de longues guerres à venir.
Perdiccas, Ptolémée, Antigone, Lysimaque Séleucos, Cassandre...
Tous se combattirent et tous se partagèrent l'empire de leur défunt empereur.
Quant au fils de Roxane, il mourut peu de temps après sa naissance.
Assassiné avec sa mère.
La fin de la dynastie d'Alexandre.
Sa chute !
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