Victor

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13 Mars 2121, Sofrenne, secteur Sud, dans un appartement, 05h00, Victor

Mes yeux étaient encore fermés lorsque, d'un geste imprécis de la main gauche, mes doigts tâtèrent le terrain afin de trouver mon réveil qui faisait un bruit insoutenable et trouvèrent enfin le petit bouton qui le surplombait. Je redressai ensuite mon torse et pivotai mes jambes pour me retrouver assis sur le coté de mon lit avant de finalement ouvrir les yeux. Devant moi, une grande fenêtre entrebâillée par laquelle je pouvais apercevoir quelques passants dans la rue en contrebas. Et derrière moi, ma chérie, Barbara, elle dormait encore. Il était cinq heures du matin, je me levai avec difficulté avant de sortir de ma chambre et de me diriger vers la cuisine où je pris mon petit-déjeuner habituel : deux tartines, trois œufs, et un bête jus d'orange. Je rangeai vite fait la vaisselle dans l’évier avant de sortir de la pièce pour me diriger vers la salle de bain. Je tournai la manivelle qui fit un petit couinement, l'eau coula et je compris très rapidement qu'il n'y avait plus d'eau chaude... ce qui n'était pas si grave, rien de mieux qu'une douche froide pour se réveiller le matin... et choper un rhume ! Après être sorti, je me suis penché sur mon évier, au-dessus de celui-ci, un miroir reflétant mon corps un peu plus massif que la moyenne, des cheveux noirs coupés courts, une barbe très fine, un bras gauche orné de tatouages en tout genre ainsi que quelques cicatrices. Je me suis ensuite brossé les dents, tentant tant bien que mal à ne pas faire attention à l'un de mes derniers souvenirs du travail... Une grande cicatrice allant du bas de mon épaule gauche et se finissant au niveau de ma hanche droite. Une fois mes affaires terminées, je suis retourné dans ma chambre pour m’habiller. J’enfilai d'abord un caleçon, des chaussettes, ainsi qu'un treillis noir plutôt serrant. Je m'étirai tout en me regardant mon reflet dans le verre, j'avais perdu des bras... J'allais devoir faire mieux à la salle de sport... Je m'habillai ensuite avec une chemise noire surmontée d'un gilet en jean bleu, ma paire de bottes, en cuir qui remontait jusqu'à mes mollets.

  Je me dirigeai finalement vers la porte d'entrée et attrapai ma canne que j'avais laissé la veille dans le couloir ainsi que mon haut-de-forme avant de sortir. Je refermai derrière moi et descendis les escaliers. La porte de l'immeuble était comme à sa grande habitude grande ouverte, le propriétaire nous avait promis d'envoyer un artisan du quartier Est pour la réparer, mais bon, ça faisait déjà trois mois qu'il nous l'avait fait cette promesse. La rue était encore sombre, pour cause, les lampadaires ne fonctionnaient plus pour la plupart et le soleil n'était pas encore levé. J'entendis au loin le train arriver à la station 13. il allait partir dans une dizaine de minutes, je devais donc me dépêcher. Les routes étaient abîmées, les pavés n'ayant pas été entretenus depuis des années... Je plaignais les voitures qui devaient rouler là-dessus, mais avec un peu de recul, ce n'était pas si horrible que ça car dans les bas quartiers, c'était autre chose. Je n'y étais pas allé depuis un moment et y avais passé assez de temps. Une épaisse brume flottait de façon surnaturelle à quelques centimètres du sol... La ville était plus belle de nuit, certainement parce qu'on ne voyait pas ses défauts, et aussi car il y avait moins de monde comme dirait Léon. Ce dernier avait certainement encore passé sa nuit à boire dans les vieux quartiers car la bière y était moins chère, ce vieux radin. J'arrivais finalement à la station, une grande plateforme de pierre séparée en deux par deux rangées de rails en acier. Le train s'y trouvait, c'était une locomotive en acier elle aussi, peinte dans un rouge carmin qui rendait ma foi, assez bien. À l'avant de celle-ci se trouvait une belle cheminée par laquelle toute la vapeur allait sortir de la machinerie. À l'arrière, une vieille cabine dans laquelle un chauffeur allait alimenter la machine en charbon et en eau, je reconnaissais d'ailleurs celui-ci, c'était Vince ! Il était en train de charger des sacs de charbon, je décidai de lui offrir mon aide. Je m'approchai de lui et lui dit:

  •   Salut Vince, besoin d'aide ?

  Il tourna la tête vers moi, sourit et posa le sac qu'il portait à l'entrée de la cabine et me serra dans ses bras avant de prendre mes épaules avec ses mains et de me dire :

  •   Mon récupérateur préféré ! Un peu d'aide ne serait pas de refus ! Tu vas bien ?
  •   Ça va très bien, j'allais justement travailler. Je peux rester dans la cabine ? Les wagons sont vides à cette heure-là.
  •   Bien sûr ! On se sent bien seul dans cette cabine... Allez, prend moi ces deux sacs et je vais pouvoir démarrer. »

  J'acquiesçai d'un mouvement de la tête et pris les deux sacs dans mes bras avant de les rentrer dans la cabine et de m'asseoir sur le siège qui servait normalement aux contrôleurs ou pour les maîtres cheminots apprenant le métier de chauffeur aux nouveaux venus. Vince adorait son travail et était très vite devenu mon ami, voir comme un père pour moi... Nous avions cette chose en commun, Il avait perdu son fils et j'avais perdu mes parents étant petit. Je ne savais d'ailleurs même pas s'ils étaient encore en vie, mais il ne s'était pas lancé à ma recherche... Je ne me souvenais même pas de leurs visages, de leurs noms, je ne savais même pas où j'étais né ! J'ai dû survivre pendant des années dans les bas quartiers avant d'être par chance choisi pour participer aux jeux, une tradition d'en-bas dans laquelle un combat à mort était organisé entre deux citoyens, généralement des gens endettés jusqu'au cou... J'étais l'un d'eux. J'ai tué pour la première fois ce jour-là, la seule... le seul humain que j'ai tué. C'était d'ailleurs là-bas que j'avais reçu cette canne, ainsi que le droit de monter dans les quartiers intermédiaires, un mal pour un bien. Vince brisa le silence :

  •   Une idée de ce que vous allez faire en dehors des murs aujourd'hui ?
  •   Aucune... On va certainement aller chercher des bouts de ferrailles, on trouvera peut-être des choses plus intéressantes, mais j'en doute ! Tu cherches quelque chose ?
  •   Euh, oui, tu sais que pour l'instant, les temps sont plutôt durs pour les cheminots... Les mines ne rapportent plus assez de charbons, on est moins payés... si ça continue comme ça, je risque d'être expulsé dans les bas quartiers avec ma femme...
  •   Si je trouve quelque chose avec un peu de valeur, je te le donnerai, tu as ma parole.
  •   Merci... On ne va pas tarder à arriver à la station 7, tu vas pouvoir descendre.
  •   Super, merci pour le voyage !
  •   C'est mon boulot, fais attention là dehors.

La locomotive s'arrêta et je descendis avant de me mettre en route vers mon lieu de travail : Un entrepôt calé entre deux bâtiments sur lequel était posé une enseigne sur laquelle il était écrit "Papco récup'". La porte était entrouverte, je me suis glissé à l'intérieur du bâtiment qui était rempli de caisses en bois. La lumière était allumée, toute l'équipe était là. D'un côté, Léon était posé sur une caisse, penché sur son mousquet et ne parlant à personne, comme à son habitude. Il était habillé avec son trench-coat habituel, rafistolé de partout... Il portait aussi un treillis mais gris, il avait retiré ses bottes en cuir ce qui nous laissait apercevoir sa paire de chaussettes, chacune ayant une couleur différente, il portait aussi un vieux béret gris. Non loin de lui se trouvait Thiber qui se surnommait "Starl" pour des raisons qui nous était obscures, c'était notre pilote. Il portait le même débardeur blanc que d'habitude, un pantalon en jean, des petites bottes noires ainsi qu'une belle paire de lunettes de protections. Il avait toujours des outils accrochés à son pantalon et était en train de préparer notre voiture pour un long voyage au vu de la quantité de charbon qu'il embarquait dans le coffre. Il en prenait autant que pour une locomotive ce qui m'attristait un peu en repensant à Vince. De l'autre côté de la pièce, Armand, le frangin de Starl, était penché sur son établi. Encore en train de fabriquer je ne sais quoi... Il portait lui aussi un pantalon en jean, mais portait une chemise en flanelle verte, il portait autour du cou trois paires de lunettes de protection, de tailles différentes et adaptées à toutes les situations. Au fond de la pièce se trouvait Hugh, celui qui gérait l'équipe... et qui nous disait où aller pour faire notre travail tout en restant bien au chaud à l'intérieur de la ville ! Il était habillé dans une tenue de ville, c'est-à-dire un costume trois pièces brun, une montre de poche était accrochée à son veston et lui permettait de bien organiser nos recherches en extérieur. Armand arrêta ce qu'il faisait et s'exclama :

  •   Ha ! Victor ! Tu tombes à pic, je viens juste de la finir !
  •   Finir quoi ?
  •   Ton nouveau jouet, enfin... tu vois, ça fait maintenant cinq années que tu nous as rejoint ! Et J'ai remarqué que ta canne commençait à avoir un peu du mal sur le terrain... Du coup, je t'en ai construit une nouvelle ! En bois nacré, avec un manche en cuir pour pas qu'elle ne glisse de tes mains durant les combats, extrémité contondante, en acier trempé, bien évidemment. Je sais que tu n'aimes pas trop ça mais, tu as une arme à feu intégrée à l'intérieur... Tu vois ces petites encoches ? Tu as juste a passer tes doigts dedans et la balle part, c'est aussi simple que ça ! Tu as bien évidemment une sécurité pour que tu ne te mettes pas à tirer par inadvertance sur les gens en ville !
  •   Wow. Tu as fait du bon boulot, elle est magnifique ! Mais pitié... ne me dis pas que tu as encore passé la nuit sur ton établi...
  •   Je te demande ce que tu fais de tes nuits toi ?
  •   Non, mais merci quand même !
  •   Il n’y a pas de quoi !

Je pris ma nouvelle arme posée sur le côté de l'établi avant de poser l'ancienne sur l'établi... Armand allait bien trouver quelque chose à faire avec ! Puis je me suis dirigé vers Léon :

  •   Quoi de neuf Léon ?
  •   Pas grand-chose depuis la veille haha, j'ai été boire, j'ai fait du sport et toi ?
  •   Pareil... Du sport ?

  Je vis à son sourire que c'était ironique, il n'était pas très sportif. Je lui dis :

  •   Je constate que ton mousquet a changé depuis la veille, c'est encore...
  •   Armand, il ne sait pas passer une nuit sans chercher à bricoler tout ce qu'il trouve... Et puis c'est Elizabeth, ne la surnomme pas comme si c'était un objet de pacotille !
  •   Il faudra peut-être que tu m'expliques un jour pourquoi tu l'appelles comme ça... Je suis sûr que dans le fond, tu as un côté romantique !
  •   J'ai l'air de cueillir des fleurs et d'écrire des poèmes ?
  •   Si tu étais moins aigri, je pense que ça pourrait bien t'aller !

Nous nous regardâmes avant de nous esclaffer bruyamment. Nous avions l'habitude de nous lancer régulièrement des piques avec humour. Nous fûmes arrêtés par un raclement de gorge venant d'Hugh, nous signalant que la réunion allait commencer. Nous nous levâmes avant de nous asseoir autour de la table centrale... Plus aucun bruit ne se fit entendre pendant quelques secondes, tout le monde attendait avec concentration ce que Hugh allait nous dire et surtout quelle activité lucrative allait remplir notre journée. Hugh sortit quelques fiches et les posa sur la table, il prit de vieux jouets et les posa à côté de la grande carte représentant la région, un trésor inestimable s'élevant à quelques dizaines de milliers de ducats que nous avions trouvé il y a quelques années dans des ruines au sud de la ville et qui nous permettait d'avoir une représentation des lieux environnants. Il posa une voiture en bois au niveau de Sofrenne, puis un bloc de bois dans un lieu un peu au nord-est de la ville et un autre près d'une petite colline à l'ouest, il finit par dire :

  •   Bon, aujourd'hui, vous allez prendre la voiture et aller vers le Nord-Est. À à-peu-près une vingtaine de kilomètres après la sortie de la ville. Vvous y trouverez un vieux bâtiment ayant servi à l'époque de station radio ce qui veut dire qu'il doit y avoir pas mal de choses bien sympathiques à récupérer, ça se revend cher ! Vous allez manger sur place, j'ai déjà préparé les sandwiches, ils sont dans le sac posé sur les caisses là-bas. Comme d'habitude, vous récupérez tout ce qui peut servir, vous chargez la voiture au maximum ! Je vous assisterai par radio, des questions ?

  Léon demanda :

  •   Une vingtaine de kilomètres au Nord-est, c'est près de la forêt, non ?
  •   Exact Léon, mais on n’a pas vraiment le choix... Cette foutue forêt commence à se rapprocher dangereusement, nous ne pouvons pas perdre ce matos... Lorsque vous approcherez du bâtiment, vous vous arrêterez. Tu te chargeras de faire un état des lieux de loin, avec ton mous... Elizabeth, t'es le mieux placé pour faire ça. Victor, une fois que vous serez au niveau de la station, je veux que tu partes en éclaireur et que tu vérifies tous les locaux, on ne prend aucun risque. Starl, tu sais quoi faire, tu évites les sables mouvants et tu restes dans la voiture. Au cas où ça merde, vous rentrez directement. Armand, toi, tu aideras Léon et Victor lors de la récupération des marchandises, d'autres questions ?

  Je demandai alors :

  •   Tu as mis un bloc à l'ouest... c'est quoi ?
  •   Ah... ça... la ville manque de charbon... de beaucoup de charbon... il y a un vieil entrepôt encore debout là-bas et il se trouve qu’il y en a une bonne quantité bien à l’abri de la chaleur, de quoi tenir pendant une bonne dizaine d'années, voir plus... Si vous avez le temps, vous pouvez y passer. Vous pouvez y aller, je vais me placer dans ma cabine. Que vos récupérations soient fructueuses !

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