Léon

8 minutes de lecture

13 Mars 2121, Sofrenne, secteur Ouest, 03h12, Léon

  •   Réveilles-toi pochtron !

J'ouvris difficilement les yeux. J'avais mal à la tête et ne savais plus trop ce qui s'était passé pour que je me retrouve là. Je relevai la tête malgré le fait qu'elle semblait peser une tonne, j'étais couché sur un vieux comptoir en bois qui puait la bière. Je tombai nez à nez avec un barman d'une trentaine d'années, il avait l'air assez énervé, je le voyais à son faciès qui avait pris un teint écarlate. Je regardai autour de moi, j'étais dans un vieux bar miteux, très certainement dans les bas quartiers... vu l'état des lieux... La plupart des tables avaient été bricolées et tenaient à peine debout, le plancher était garni de trou et de nombreux rats devaient se terrer dans ce fromage... L'endroit était vide, il y avait juste un autre homme endormi sur une table, une chope de bière vide dans sa main. Je fus sorti de mes pensées quand le barman hurla avec un ton assez énervé :

  •   Le bar est fermé ! Sortez de mon établissement !

Je ne dis rien, me levai et me retournai pour me diriger vers la porte de l'établissement que j'ouvris avant de sortir dans les rues de la ville... Je pouvais entendre le barman crier sur le pauvre homme qui s'était endormi sur l'autre table. Je pris une bonne inspiration, la bonne odeur des bas-fonds, mélange de pisse et de vomi, flottait dans l'air et me titillait les narines. Je n'avais jamais compris pourquoi les habitants des bas quartiers aimaient vivre dans de telles conditions, personnellement, dès que j'en ai eu l'occasion, je me suis barré. Bon, d'accord... Je revenais quand même de temps en temps, je connaissais du monde ici et les bars servaient de la bonne gnôle ! On ne quitte jamais vraiment ce quartier... En fait, même si tu arrives à le quitter, que ce soit par chance ou bien en le méritant, les gens te considèrent toujours comme un membre de ce taudis. Je partis sur ma gauche et rentrai dans la première ruelle qui croisa ma route.

  Là-bas, je trouvai une belle gouttière qui allait me permettre de monter sans problème sur les toits. Une fois là-haut, je courai sur les faîtières en direction des navettes menant aux quartiers intermédiaires. Dans ma course effrénée vers les ascenseurs, je vis au loin une route traversant ma trajectoire, je n'avais pas le temps de faire des détours, on allait bientôt devoir sortir de la ville. Je glissai sur les tuiles du pan du toit avant de sauter en direction du rebord du toit opposé. Malheureusement, je n'avais pas assez rapide et n'allais jamais atteindre ce toit... Par réflexe et pour m'empêcher de finir contre le mur, je pris appui avec mon pied gauche sur celui-ci et fis un salto arrière avant de retomber au sol, sain et sauf. J'avais un petit peu perdu la main, cela faisait 8 années que je n'avais pas vraiment pratiqué, les rues étant moins sales là-haut... Les passants me regardaient, ébahis pour la plupart, je pouvais voir les yeux admiratifs des enfants ainsi que les regards des plus vieux qui voulaient dire ah les jeunes... J'entendis une voix s'élever derrière moi, une voix familière mais tout de même lointaine :

  •   Léon!

  Je me suis retourné et je vis un visage qui m'était définitivement familier.

  •   Moris ! Ça faisait une paie... tu deviens quoi ?

Moris était un ami d'enfance. Nous faisions les quatre cents coups lui et moi avec une petite bande. Je me souviens encore de ces longues journées où nous courions à travers la ville, toujours à la recherche d'une connerie à faire... à monter sur les toits... cracher sur les passants ou à voler du pain... C'était une belle époque, car on ne le disait jamais assez, l'enfance est la meilleure partie de notre vie ! On n'avait pas encore conscience des réalités, de la dureté de la vie, c'était le temps de l'insouciance. Mais toute bonne chose a une fin, nos chemins s'étaient séparés il y a quelques années déjà quand il avait décidé de rejoindre la pègre locale. Chose que je n'avais jamais comprise. Puis, On s'étaient revu quelques années après ça, mais ça s’est très mal terminé... Surtout pour moi... Il avait pas mal changé. Sa tenue était constituée d'une vieille chemise blanche virant sur le gris, un vieux pantalon en chino noir et de vieilles chaussures en cuir. Il avait aussi quelques poils au menton.

  •   T'es dans mon quartier, mec. J'espère que t'as de quoi payer, je vais être gentil avec toi, ça ne te fera que 150 Ducats.

Ce rat, il croyait qu'il allait me faire raquer. C'était bien mal me connaître, il n'y avait que trois choses que je détestais dans la vie : Les fourmis, que l'on touche à Elizabeth et devoir me séparer de mon argent. Je lui dis calmement :

  •   Va te faire foutre, mec.

  Il haussa les sourcils et me dit en haussant le ton :

  •   Mec, t'es sur mon territoire, tu n'as pas d'armes. Je te conseille de sortir les sous très vite ou je te fais goûter le plomb de mon revolver !

Je n'ai rien dit, il fit la même. Il a sorti son revolver et tenta un tir dans ma direction. J'avais anticipé son coup et pris un appui sur mon pied droit avant de bondir dans sa direction. Pendant mon saut, je mis ma main dans l'ouverture de mon trench coat brun et sortis un petit coutelas dont le fourreau était brodé dans la doublure de l’imperméable. Arrivé à son niveau, j'ai arrêté mon arme au niveau de son cou. Son visage bouffi passa au blanc et il commença à bégayer des trucs incompréhensibles. Je lui dis :

  •   Écoute mon petit Momo, je vais te la faire courte, je n’en ai rien à foutre d'être dans ton quartier ou non. Je rentre chez moi et je ne compte pas lâcher un sou pour ça. Alors tu vas prendre tes cliques et tes claques et me laisser passer.

Il ne dit rien, il avait compris. Je rangeai mon coutelas et lui mis une petite tape sur l'épaule avant de reprendre ma route en passant par les rues, hors de question de remonter sur les toits à nouveau. L'horloge de la vieille église indiquait trois heures du mat', je n'étais pas si en retard en fait. Je passais devant l'ancien orphelinat de la vieille église, fermé à présent. Ayant vécu dans cet enfer pendant plus d'une dizaine d'années tout en supportant quelques coups de ceintures de la vieille Martin, le revoir dans cet état me réjouissait plus qu'il ne m'attristait. J'observais sur mon chemin la misère des bas quartiers : Cela faisait peu de temps qu'une petite brèche s'était ouverte dans le mur du secteur ouest. Heureusement, aucune bestiole n'a eu l'occasion de rentrer en ville mais de l'eau venant d'un lac situé à l'extérieur de la ville était passé par la fissure et s'était déversé dans les rues. Cela faisait déjà trois semaines que ça s'était passé et les quartiers supérieurs n'avaient toujours pas tenté de faire quelque chose contre ça.

  Après trente minutes de marche, j'arrivais finalement à la navette. Devant celle-ci, deux hommes montaient la garde. Je me présentai devant eux et ils me demandèrent mes papiers que je sortis. Il m'en avait fallu du temps pour pouvoir les avoir, quelques messes basses, des rotules cassées, des sales boulots... Tout ça pour pouvoir enfin m'acheter le droit de vivre dans un endroit potable ! La navette commença son ascension, je ne regardais pas en bas, au-dessus de dix mètres, c'était déjà trop pour moi. Je glissai ma main dans la poche droite de mon trench et en sortis un vieux paquet de cigarettes dont je comptai rapidement le contenu... trois... et encore quatre jours avant le prochain paquet... J'en sortis une, la mise entre mes lèvres avant de sortir mon briquet pour l'allumer.

  Je tirai une latte tout en regardant les murs protecteurs de la ville. Ils faisaient quoi, septante mètres de haut... En tout cas, de ce côté-là de la ville. Dans les quartiers intermédiaires, il ne faisait que vingt mètres de haut. C'était d'ailleurs dans ce quartier que les grandes portes se trouvaient, les seules sorties de la cage dans laquelle nous vivions tous. En tout cas, l'architecte qui nous avait pondu ce truc aurait quand même pu faire un effort ! Déjà étant mioche je les trouvais hideux... mais bon, ils étaient là pour nous protéger, pas pour faire joli... Je pouvais dorénavant apercevoir l'épaisse couche de fumée qui flottait au-dessus des bas quartiers, les machines à vapeur des usines en relâchaient en continu. La navette s'arrêta enfin, cinquante mètres de haut, je jetai ma clope dans le vide et me retournai pour rejoindre le secteur sud. Je passai à côté d'une vieille voiture ce qui me rappelait que la première fois que j'en avais vu une, j'étais tout fou, ce n'était pas le genre de trucs qu'on voyait dans les quartiers pauvres. Je n'en comprenais pas le fonctionnement, mis à part qu'il fallait de la vapeur pour les faire rouler. Après une dizaine de minutes, j'arrivai finalement à la Papco' récup', mon lieu de travail et accessoirement l'endroit où je dormais la plupart du temps, à défaut de dormir chez moi. La porte était entrouverte et comme à mon habitude, je passai entre les caisses. Il n'y avait que ce bon vieil Armand. Hugh et Starl étaient sûrement en train de dormir et Victor était certainement rentré chez lui. En m'approchant d'Armand, je vis qu'il était en train de faire des choses avec Elizabeth. Je mis ma main sur son épaule et lui dit :

  •   Je la laisse ici une soirée et tu fais déjà des modif'... t'es vraiment irrécupérable... T'as rajouté quoi cette fois ?

Il sursauta, releva ses lunettes de protection et me dit :

  •   Léon ! Oui, je me suis occupé de ton flingue ! J'ai renforcé sa garde et son canon ! j'ai rajouté une baïonnette rétractile et je te conseille d'essayer les petits boutons au niveau de ta mire ! J'ai aussi rechargé ton canon à énergie !

Je pris Elizabeth dans mes mains et pressai le premier bouton, un petit bruit se fit entendre, comme si un mécanisme s'était activé à l'intérieur de l'arme et une petite lunette sortit de l'arme, se plaçant juste devant la mire. Le concept était sympa, en appuyant sur le second bouton, la mire rentra dans l'arme. Armand était vraiment quelqu'un d'impressionnant, à chaque fois que je pensais qu'il ne pouvait pas inventer un nouveau truc, je me trompais... Je le remerciai et me dirigeai vers ma chambre pour y faire une petite sieste, la journée allait être longue...

Annotations

Vous aimez lire Cleonlat ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0