Cloé !

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Mai 1995, sur la route entre Anet et Dreux...

- Chéri, je t'en supplie, roule moins vite !...

Adrien jeta un œil sur le compteur... 125 … une vitesse de croisière pour la 605 dont il louait les qualités de tenues de route... et puis, il y avait ce connard avec son Audi qui lui taillait des croupières. Ça, Adrien ne pouvait le supporter … Mais qu'avaient-ils donc dans le chou ces bourgeois friqués de notre douce France pour préférer les grosses berlines d'outre-Rhin à notre production nationale. Nous aussi Français produisons d'excellentes voitures non mais ! Pourquoi serions-nous complexés. La preuve : avec ses 130 CV, notre 605 2 .5 TD avait distancé une de ces arrogantes BMW série 5 dans les courbes de la fastueuse montée de l'A13 au niveau de Pont-l’Évêque. Une cavalcade à 170/180 sur la file de gauche accomplie un de ces samedi soir au retour de Deauville... semée la « Béhème » semée !..

- Mais Arlette, on roule peinard, je t'assure, on est tout juste au niveau de la vitesse de croisière...

- Sur autoroute, je veux bien, mais là, sur la nationale tu roules à plus de 30 km/H que la vitesse autorisée.

- Mais la route est droite, et il y a encore peu de circulation à cette heure matinale... et puis les pandores ne sont pas aux aguets si tôt...

- Adrien ! Ralenti !...

Bien à regret il releva le pied … « eh bien voilà l'Audi me dépasse, il n'attendait que cela le bougre ! »

- Ah je vois, tu faisais encore la course, avec une allemande hein ! Triompha Arlette.

Souriant malicieusement il la regarda un instant. A 45 ans elle était encore une très belle femme, plus que séduisante, et dans ce tailleur bleu, plus sexy encore. Il adorait son profil de vestale, ses cheveux auburn tombant en douce cascade bouclée, autour de son long cou de biche... Il était fou de ses grands yeux noisettes rieurs, de ses douces pommettes et de ses lèvres juste pulpeuses. Il posa sa main sur sa cuisse gauche... mais elle la repoussa doucement...

- Regarde donc la route, chéri nous avons encore pas mal de chemin à faire !…

Ils allaient à Bordeaux rendre visite à leurs vieux amis Querian. Bien sûr, dès ce soir au dîner ils reparleraient du bon temps du lycée, de ces vacances inoubliables à Arcachon, des frasques de Jérôme pour aller retrouver sa Marinette, ces incontournables ressassages de leurs aventures de potache ou de bidasse en goguette... c'était cela les amis, un prétexte pour revivre le meilleur de son passé et oublier, un temps, toutes les préoccupations du présent...

Les kilomètres défilaient … « Voyage voyage !» Desireless roucoulait ces paroles qui accompagnaient à merveille le ruban d'asphalte défilant au-devant …

- Quelle idée ces cheveux en brosse haute tu parles d'un look pour une femme ! Commenta Adrien en faisant la moue.

- Ça ne te plaît pas à toi mais à elle ça lui plaît certainement, personnellement je trouve qu'elle est classe ainsi et j'admire son audace d'avoir adopté cette coiffure qui la distingue de beaucoup d'autres femmes.

- Ah pour ça, elle est vraiment unique question originalité elle a fait fort... un champ de blé érigé sur le crâne...

- Adrien, il va falloir s'arrêter j'ai envie …

- ...de pisser … déjà !... Ça fait à peine une heure que nous sommes partis !...

- Oui, mais là, ça urge...

C'est bien ça les femmes, elles sont incapables de faire un trajet d'une seule traite... ce n'est pas pour rien qu'on les appelle des pisseuses pensa Adrien… Ah oui alors, le « Paris-Berlin sans pisser » lu dans un très ancien numéro d'un Hara Kiri des années 60 c'est déjà loin tout ça !...

A cet instant d'envie pressée, ils traversaient la forêt d'Anet, Adrien repéra une bande d'arrêt parking où ils se garèrent en douceur. Il n'y avait personne d'autre. A peine stoppée, Arlette s'étant débarrassée à la hâte de sa ceinture de sécurité, ouvrit la portière pour, retroussant sa jupe et baissant nerveusement collants et culotte, s'accroupir aussitôt tout à côté de la voiture. Adrien descendit de son côté puis, faisant le tour, ouvrit la portière arrière droite ....

- Enfin Arlette tu n'as pas peur qu'on te voit !

- Et alors, que veux-tu qu'on voit en passant à 90 ?...

- Cloé ! M.... ! la chienne s'est échappée... ah la saloperie, la voilà partie dans la futaie.. Cloé ! Cloé reviens ! Allez Cloé ici !Aux pieds !… Il ne manquait plus que cela ! ...

Cloé, leur bassette Normande-Artésienne c'était un de ses coups de cœur comme il en arrive à tous ceux qui se mettent soudainement en tête d'avoir le toutou adorable pour égayer sa maison en l'absence des enfants que l'on a pas eu... Adrien et Arlette avait craqué pour cette petite chienne tout juste sevrée, récupérée au chenil d'un éleveur à Boos. Sauf que le choix d'un basset artésien n'avait rien de judicieux ; cette race sportive de chien courant est taillée pour la chasse sur les grands espaces. Le hic, c'est qu'Adrien n'est pas chasseur tandis que Cloé n'a rien perdu de son instinct pour fureter dans les taillis, la truffe au sol en filant au trot infatigable, de place en place...

- Adrien, ceci c'est bien de ta faute, tu n'étais pas obligé d'ouvrir la portière derrière moi, si tu n'étais pas descendu de voiture la chienne serait restée à sa place...

- Ah !... les reproches en plus... ça va, j'ai compris !...

Tandis qu'Arlette rajustait sa jupe, Adrien fila dans le bois à la recherche de Cloé tout en s'égosillant à l'appeler... « Et bien sûr, comme à l'accoutumée quand on la lâche dans la nature, cette maudite bête ne répond pas aux ordres, ne suivant que son flair pour débusquer quelque gibier... Ah la garce ! Où vais-je la récupérer dans cette forêt ?...

Il marcha plusieurs minutes qui lui parurent interminables crapahutant de fourré en fourré, enjambant des ronces accrocheuses tout en appelant désespérément la fugueuse …

Tout à coup il l'entend aboyer à plusieurs reprises comme elle le fait lorsqu’elle a senti l'odeur d'une proie éventuelle. Puis en continue... le bois vibre des échos de la gueularde. Elle doit être à une centaine de mètres... Adrien se met à courir, il va enfin pouvoir l'attraper par le collet cet énergumène de chienne !...

Il n'est plus très loin de Cloé qui jappe toujours furieusement... elle gratte le sol sous le couvert de fougères. Adrien perçoit aussitôt une forte odeur de décomposition. Parvenu auprès de sa chienne, il a un « haut-le-cœur » inévitable.

- Bon Dieu Cloé ! Mais qu'est-ce que tu viens de trouver ! ... Alors là, tel que ça se présente, nous ne serons sûrement pas à Bordeaux ce soir !...

à suivre...

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