Deposition et suspicion...
L’inspecteur principal Manasse, regard gris, calvitie bien avancée, barbe pas rasée depuis plusieurs jours, la cinquantaine bedonnante, n’avait pas envie de se montrer conciliant face à cet importun visiteur venu déclarer la présence d’un charnier dans les bois environnant la ville.
- Vous avez trouvé des ossements humains en forêt d’Anet ! comment cela ? J’ai du mal à comprendre Monsieur …
- Lequémeneur Adrien.
- Lequémeneur !... Comme dans l’affaire Seznec ?... C’est peut-être ses ossements que vous avez trouvés… depuis le temps qu’on cherche sa dépouille… Il avait disparu dans la région, je crois que c’était au début des années 20…
Adrien pensa qu’il était tombé sur un officier de police quelque peu jobard qui se fichait totalement de sa tronche et semblait décidé à ne rien croire de ce qu’il venait de lui rapporter …
- Lui, c’était Quéméneur disparu dans les environs de Houdan, moi je m’appelle Lequémeneur et les ossements que nous avons trouvés sont en forêt d’Anet…
- Ah ! Ah ! monsieur veut faire le malin et ramène sa science…. Je peux voir vos papiers Monsieur LEquémeneur ?
Adrien lui tendit sa carte d’identité…
- Vous demeurez à Gisors dans l’Eure, autre localité à mystères… Vous voyez, comme vous, j’aime l’Histoire mais beaucoup moins les histoires… ricana l’inspecteur… Vous pouvez m’indiquer votre profession Monsieur LEquémeneur…
Adrien n’appréciait nullement le ton ironique de cet officier de police goguenard…
- Je suis directeur de la concession automobile d'une marque du groupe PSA à Gisors…
- Parfait ! … donc vous allez m’expliquer comment, circulant dans la région vous en êtes venus à découvrir non loin d’ici, un charnier. Voyez-vous, j’ai du mal à faire le rapprochement entre le fait que vous circulez effectuant une longue route à destination de Bordeaux et celui d’aller gambader en forêt, non loin d’ici, où vous tombez sur des ossements enterrés.
Adrien songea qu’il n’allait pas s’en sortir avec des explications que l’inspecteur Manasse recevrait avec beaucoup de suspicion tant il y mettait de mauvaise volonté.
- C’est une envie urgente de ma femme…
- Une envie urgente de votre femme ?
- Elle voulait uriner si vous préférez … on s’est donc arrêté à un emplacement aménagé en bordure de route. Ma femme est descendue de voiture et s’est posée juste à côté pour se soulager…
- Ah bon à côté !... Souriait narquois Manasse. Effectivement ça urgeait…
Cette désinvolture exaspérait Adrien.
- Oui ! c’est pour cette raison que j’ai ouvert la porte arrière droite de la voiture…
- la porte arrière droite ?...
Il faisait exprès de ne pas comprendre ce bougre d’inspecteur, décidé à faire perdre patience à son vis-à-vis. Adrien retint sa rage …
- La porte arrière droite pour l’isoler des regards, mon épouse étant accroupie entre les deux portières ; ça vous va comme explication…
- On ne peut mieux, ironisa Manasse. Mais je ne saisis toujours pas ce qui a valu votre promenade découverte dans les bois.
- Ayant ouvert la portière arrière, notre chienne Cloé s’est aussitôt échappée fonçant dans la forêt…
- Cloé, c’est le nom de votre chienne… Ah ! c’est original …
- Bien ! c’est en allant la récupérer, après plusieurs minutes à parcourir la futaie, que l’entendant aboyer, je l’ai retrouvée auprès du premier charnier dont elle a extirpé un fémur…
- Un fémur !
Il va répéter comme ça toute mes fins de phrases, s’énerva Adrien…
- Oui, un fémur qu’elle a pris aussitôt dans sa gueule …
- C’e n’est vraiment pas une histoire ordinaire que vous nous contez là Monsieur LEquémeneur … j’ai du mal à vous croire, voyez-vous… Mais au fait, votre épouse où est-elle ? Vous ne l’avez tout de même pas laissée sur place…
- Elle est restée dans la voiture garée sur la place devant le commissariat.
- J’aimerai bien l’entendre si vous êtes d’accord, je vais envoyer un de nos agents la chercher. Vous, restez ici, et montrez-moi les papiers de votre véhicule s’il vous plaît…
Décidément, pensa Adrien ce jour commencé dans la bonne humeur allait se terminer sur une suite d’emmerdements en cascades … une ténébreuse affaire en sacs d’os ….
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