L'art de flairs...
- Alors ça, je ne l’aurai jamais imaginé, s’exclama Adrien : en éclaireur, précéder sur la route, un bataillon de véhicules de police toutes sirènes hurlantes pour conduire un peloton de flics sur une supposée scène de crime en pleine forêt.
- Je me serai volontiers passé d’un tel privilège mon chéri, vois-tu nous sommes maintenant retenus comme témoins clef d’un ensemble de crimes de sang perpétrés dans cette forêt, ceci mettant fin à notre escapade du week-end. Il va falloir téléphoner aux Quérian pour les prévenir que nous ajournons notre visite bien à regret compte tenu de ce contre-temps judiciaire.
Ils arrivaient au niveau de la rotonde octogonale au centre du carrefour des routes D925 et des chemins vicinaux s’enfonçant de part et d’autre dans la forêt. Adrien en fit le tour complet suivi par le convoi de 6 voitures de police dont celle du commissaire Lavigne lequel se demandait pourquoi on revenait sur ses pas. A peine 1 km plus loin, Adrien se gara à l’endroit où il s’était arrêté le matin, quelques deux heures plus tôt. Derrière eux, stationnèrent les autres véhicules. Toute la flicaille descendit aussitôt de voiture, et parmi eux, deux représentants de la brigade cynophile avec leurs bergers malinois. La présence de ces hommes, pour la plupart en uniforme, eut un effet immédiat sur le comportement des usagers de passage sur cette route à grande circulation. Tous, instinctivement relevèrent le pied de l’accélérateur…
Adrien prit Cloé en laisse, accompagné d’Arlette ils allèrent au-devant du commissaire Lavigne.
- C’est ici que nous nous sommes arrêtés ce matin. Maintenant, pour retrouver les charniers il faut s’enfoncer dans la forêt, je pense que notre chienne va nous y mener comme elle l’a fait ce matin.
- Parfait ! répondit le commissaire pressé de découvrir les lieux de ce que l’on supposait être ceux de crimes. Nous avons aussi deux chiens policiers pour y parvenir et peut-être en trouver d’autres.
Tous s’engagèrent dans la forêt. Cloé n’avait plus le même entrain à fureter dans les bois et c’est tout juste si Adrien n’était pas obligé de la tirer. La chienne avait repéré les deux malinois et était plus intéressée par eux que par la recherche d’éventuels ossements. Elle voulait maintenant rejoindre les deux canidés limiers lesquels ne savaient pas exactement ce qu’ils devaient chercher. Adrien faisait son maximum pour retenir Cloé, redoutant un pugilat entre chiens. A Manasse, juste derrière lui, il exprima son inquiétude. Bien aimablement l’inspecteur le rassura :
- Ne redoutez rien, ces malinois sont bien éduqués. Vous pouvez laisser votre chienne les approcher, ils feront équipe pour retrouver le charnier.
Il n’y eut aucun aboiement ni bagarre quand Les chiens furent mis en présence. Selon le rituel, ils se reniflèrent puis furent aussitôt amis. Le problème c’est que Cloé envisageait de jouer avec les deux compères. Leurs flairs mis entre parenthèse devenaient un obstacle pour retrouver les charniers. Le commissaire Lavigne s’impatienta.
- Dites Monsieur Lequéméneur, nous ne sommes pas venus jusqu’ici pour jouer à la baballe avec nos chiens.
- Désolé Monsieur le commissaire, mais la présence des deux malinois a perturbé notre chienne. J’en suis le premier navré car, elle seule peut retrouver le charnier, moi, j’ai du mal à me repérer dans les bois et je n’ai pas bien mémorisé le chemin à suivre sous la futaie.
- IL va pourtant falloir remédier à cette situation, Monsieur Lequéméneur, nous avons déplacé la moitié du personnel de notre brigade et ce n’est pas pour faire chou-blanc. Répliqua Lavigne quelque peu contrarié. Arlette qui les suivait, silencieuse, à quelques pas intervint.
- Il faut faire renifler l’os aux chiens qui, pour l’instant, semble-t-il, ne savent pas ce qu’ils doivent pister.
- Quel os ? s’exclama Lavigne.
- Le fémur que nous avons dans le coffre de notre voiture. Adrien tu aurais dû y penser avant de nous mettre en chemin.
- Vous avez un fémur dans le coffre de votre voiture s’écria Manasse soudainement redevenu désagréable. Vous n’auriez jamais dû le prendre et le laisser en place. C’est une pièce à conviction sur une scène de crime.
Adrien rétorqua sèchement
- Écoutez inspecteur ce monstrueux os, par deux fois, j’ai été obligé de l’extraire de la gueule de ma chienne risquant de me faire mordre. J’ai aussi décidé de la garder comme preuve de ce que j’allais devoir déclarer en commissariat.
- Bon ça suffit intervint Lavigne, Monsieur Quéméneur, allez nous chercher ce fémur dans le coffre de votre voiture afin que nous le fassions flairer par les chiens. On vous attend ici.
- C’est moi qui vais y aller coupa Arlette, je saurai vous retrouver, plus facilement que mon époux. Je n’en n’ai pas pour longtemps…
Dix minutes plus tard, Arlette revenait avec le fémur qu’elle tenait fermement dans sa main droite comme si se promener avec cet os était devenu pour elle, une habitude. On le soumit aussitôt au flair des chiens tenus séparément… C’est alors qu’à la surprise de tous, les trois chiens tirant brusquement leurs maîtres respectifs, s’élancèrent non à l’intérieur du bois mais vers la route qu’ils traversèrent sans qu’on pût crier gare, pour s’enfoncer dans la forêt, en rive, à l’opposé…
Pour Adrien, au pas de course dans le sillage de Cloé, et Arlette qui, décidément, ne se séparait plus de l’incongru fémur, s’essoufflant à suivre la troupe des policiers, cet aussi invraisemblable qu'imprévisible revirement de situation tournait au cauchemar…
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