Lorsque je reprends conscience, je ne sais pas où je suis. Une dame blanche me dévisage derrière un masque chirurgical. Elle porte des gants. Si c’est ça, le Paradis, j’avoue que je suis surprise.

— This one is saved. This one is awake !

Elle se met à crier dans une langue que je ne connais pas et j’ai peur. J’ai envie d’appeler Jojo à mon secours mais mon cœur se serre quand je me souviens qu’il a disparu quelque part au milieu de la Méditerranée.

— Où sommes-nous ? demandé-je. Où nous emmenez-vous ?

— Oh my dear child, I don’t speak your language. Do you speak some French ? Français ? English ?

Je comprends qu’elle souhaite que je parle en Français mais c’est une langue que je maîtrise très peu.

— Où partir ? demandé-je finalement en essayant de me souvenir des bribes de mots que j’ai appris à l’école.

— Oh, you want to know where we are going? We are going to Italy. You will be fine. Don't worry, we’ll take care of you.

Je n’ai pas compris ce qu’elle me disait, mais son ton est rassurant. Et je pense avoir saisi le mot “Italie” dans sa phrase. Je crois que j’ai réussi. La fatigue est immense mais je vais arriver en Europe. Jojo n’est pas mort pour rien, je vais atteindre le bout du voyage que j’ai entrepris. Suis-je heureuse ? Une partie de moi l’est assurément. Cela veut dire que les galères sont terminées, que tout va bien se passer, que des gens comme cette dame vont s’occuper de moi. Mais chez moi, quelque chose est brisé. Je ne suis plus la même qu’il y a quelques semaines. Plus aucune innocence en moi. J’ai rompu avec mes racines, entraîné un ami à la mort. Est-ce que je n’aurais pas mieux fait de rester et accepter mon mariage ?