Chapitre 1 - Naissance d'une sorcière
Toute à sa joie de vivre d'enfant de six ans, Amélie Lapuce passait des jours heureux avec ses parents et son lapin nain répondant au doux nom (trouvé par son papa) de Fluffy-pétard-de-lapin-de-mes-couilles-qui-a-encore-bouffé-les-câbles-électriques. La fillette ne comprenait pas bien pourquoi Papa l'appelait comme ça. Elle, elle préférait Fluffy. Tout simplement Fluffy. Bon, cest vrai, quand il faisait sa crotte dans son cahier de Poésie, son nom devenait à quelques parties masculines près celui que lui donnait son Papa.
Le premier jour de grande école ("le CP c'est pas rien, on joue dans la cour des grands, on se fait des copains, tu vas adorer, ma chérie" lui avait répété mille fois sa maman pendant l'été), un petit garçon lui a tapé dans l’œil...Au sens propre... Pendant une partie endiablée de balle en or, ladite balle est venue embrasser amoureusement l’œil d'Amélie. Les yeux mouillés de larmes, son regard douloureux s'est alors porté sur l'auteur du méfait : Matthéau. Il apparut comme un sauveur dans son magnifique pull Spider-man. Il courrait vers elle, tel le prince charmant Philippe affrontant le terrible dragon dans la Belle au bois dormant, il allait la prendre dans ses bras, son imagination de fillette fleur bleue s’emballait, elle se voyait telle la princesse Aurore endor...
— Hey !! La passe ! La passe !! Vire de là, toi, t'es plus dans le jeu, je t'ai touchée !
Exit le prince charmant et bonjour l’œil au beurre noir.
Qu'importe, Matthéau venait de lui voler son cœur. Pendant deux ans, elle soupira langoureusement durant des heures à le regarder en classe ou au square, à dessiner des cœurs avec leurs noms dedans et des petits papillons autour. Elle en était sûre, sous ses airs de terreur des bacs à sable, Matthéau l'aimait aussi. S'il l'ignorait à l'école c'était juste pour mieux la séduire et lui prendre un jour la main. Haaaa...Matthéau...il est si beau, si...
— Pssst ! T'es sourde ou quoi ? Ça fait trois fois que la maitresse t'appelle.
Interrompue dans sa rêverie par sa meilleure copine, Léa, Amélie ne fut pas longue à tout lui raconter à la récrée suivante.
Léa, étant arrivée depuis peu dans l'école, ne savait pas encore que Cupidon avait tiré une flèche sur sa copine deux ans plus tôt. Elle l'avait bien surprise une fois ou deux, les yeux dans le vague, en regardant les garçons faire un foot au square mais avait mis cette attitude sur l'ennui prodigieux que ce sport provoque chez certaines petites filles. Alors, ce jour-là, sous le préau à côté des toilettes pour filles sentant la javel, Amélie confia son tendre et précieux secret à son amie :
— Alors, quand le ballon a touché ma tête, son beau visage est apparu entouré de chandelles virevoltantes.
— Attends, Mélie. On parle bien de Matthéau ?
— Oui, il est trop beauuuuu ! Ses yeux de braise, son allure toujours sûr de lui.
— Matthéau ? Celui qui triche en Histoire ? Qui met toujours la maitresse en colère ? Ce Matthéau ?
— Qu'est-ce que l'Histoire sinon une suite de dates ? Matthéau...haaaa...Ho ! Regarde-le ! Non ! Le regarde pas, il va nous voir !
— Ouais, ben moi, j'aurai préféré ne pas le voir : il vient de manger sa crotte de nez !
Malgré le peu d'atomes crochus qu'elle entretenait avec Matthéau, Léa décida d'aider son amie à avouer ses sentiments à l'élu de son cœur. Son anniversaire approchant, elle l'obtint l'autorisation de ses parents pour organiser son goûter à la maison. Une fois résolu le problème crucial et parental "thème princesse ? Thème licorne ?", il fut décidé que le thème serait celui plus mixte de "Harry Potter". Les invitations furent donc créées et distribuées aux camarades triés sur le volet (plus Matthéau, histoire d'aider Amélie).
Les jours défilèrent à une vitesse monstrueuse. Excitation des uns, recherche effrénée du cadeau idéal des autres, le grand jour arriva enfin. Au milieu du salon transformé au prix d'importants efforts maternels en parfaite réplique de la grande salle de Poudlard, les petits invités, répartis dans les différentes maisons à leur arrivée, couraient dans tous les sens en criant des "Avada kedavra" et des "Expelliarmus" à qui mieux-mieux. Sur la table étaient disposés d'innombrables gâteaux, bonbons de Berthie Crochu et autres boissons dont des petites bouteilles de jus d'orange estampillées "Elixir de Felix Felicis" que les enfants pouvaient gagner en remportant des défis de sorciers.
Bien entendu, Léa s'assura qu'Amélie en gagne au moins une pour lui donner l'audace de se déclarer auprès de Matthéau. Elle réussit à grand peine à isoler l'élu du cœur de son amie de sa bande de serpentards qui s'échinaient à pourchasser le chat en hurlant à plein poumons "Endoloris!!!". Une fois coincé dans le couloir, Léa força son amie à s'y rendre.
Aussi rouge que peut l'être une tomate, Amélie se dandinait d'un pied sur l'autre en se disant qu'avec les quatre bouteilles de potions qu'elle avait bu tout ne pouvait que bien se passer à moins que sa vessie ne la lâche avant.
— Matthéau...
— Ouais ?
— Euh...tu sais...euh...je...comment dire...
— Quoi ? T'as les réponses du contrôle de maths de mardi ?
— Non, je...ohlala...ohlala...je...
— T'es lourde, tu veux quoi à la fin ?
— Est-ce que tu veux bien sortir avec moi ? murmura Amélie dans un souffle à peine perceptible dans le brouhaha de la fête.
— J'ai pas entendu. T'as dit quoi ?
— Est-ce que tu veux bien sortir avec moi ? répéta t-elle plus fort cette fois.
— Non mais tu t'es regardée !? Moi sortir avec toi ? Le sportif de haut niveau avec la binoclarde de bas étage ? Hey ! Anthony ! T'as entendu ? La binoclarde veut un rencard avec moi ! J'suis trop mort de rire ! Dégage, vilaine !
Amélie, sentant ses larmes monter, partit se réfugier en courant dans la chambre de Léa tandis que cette dernière s'en voulait affreusement d'avoir blessée son amie. Tentant tant bien que mal de consoler sa copine, Léa savait qu'Amélie en sortirait blessée à jamais, qu'il faudrait du temps à son cœur de midinette pour s'ouvrir à nouveau. Quand la fête fut finie et que la maman d'Amélie arriva, Léa lui raconta pourquoi Amélie était si triste, cette dernière ne pouvant articuler plus de deux sans éclater en pleurs.
Sa maman prit alors les choses en mains et pour changer les idées de sa fille et la sortir de sa chambre où elle pleurait toute la journée contre Fluffy, l'inscrivit à la bibliothèque municipale. C'est dans cet espace calme et feutré qu'Amélie troqua ses histoires de princesses et de princes charmants contre des histoires de magiciennes et de chevaliers malmenés, de sorcières qui vivent dans des placards à balais ou encore de petite fille au nom de couleur qui se découvrait un jour sorcière. Elle se mit à rêver qu'un jour, elle aussi, elle serait une puissante sorcière et décida d'étudier de suite pour y arriver.
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