2 : Nettoyage à sec

3 minutes de lecture

Commissariat de Police du 16ème arrondissement

62, avenue Mozart

Paris (75)

mars 2001

21:15

— Bouclez-moi tout ce beau monde, et que ça saute !

La voix tonitruante de Joseph Cash fit trembler les murs de la Brigade de Répression du Proxénétisme.

— Oettinger, tu auditionnes le travelo, et moi je m'occupe de la petite nouvelle.

Le commissaire Cash saisit sans ménagement la frêle jeune fille, lui arrachant un cri strident. Acariâtre et de carrure imposante, le quinquagénaire ne sentait pas sa force.

— Commissaire, se hasarda l’inspecteur novice, c'est une mineure. Croyez-vous que cela relève vraiment de notre brigade ?

— J'en fais mon affaire, Oettinger. Auditionnez le trav', c'est un ordre !

La brute épaisse jeta la maigre prostituée dans son bureau et s'y enferma à clé. L'inspecteur Oettinger enjoignit le travesti de le suivre dans son box, coincé entre deux cloisons amovibles.

Waldeck Sdresvic, alias Katia, s'assit sur la chaise qui lui était désignée. Grimé en femme fatale blonde peroxydée, maquillée à outrance, drapée dans une longue robe fendue et perchée sur des talons de dix centimètres de haut, Katia faisait parfaitement illusion. Face à elle, Marc Oettinger arborait le look d’un jeune cadre dynamique provincial, très loin des codes en vogue dans la capitale. La trentaine passée, le costume Armand Thiery tombant parfaitement, l'inspecteur faisait un brin décalé dans l'atmosphère des commissariats d'arrondissement. A cette heure-ci, il aurait dû se trouver chez lui, à s'occuper de sa charmante épouse, à pouponner le fruit de leur amour. Un fruit qu'ils avaient choisi de baptiser Jenny, en hommage aux origines anglaises de sa femme Joyce. Mais Cash en avait décidé autrement. Une fois de plus, il avait organisé au dernier moment cette descente de police au bois de Boulogne pour « faire un peu de ménage » selon son expression. Marc était affecté dans cette brigade depuis trois mois. Et ça faisait trois mois qu'il avait l'impression que son quotidien était immuable, loin des idéaux qu'il avait en rêvant d'une carrière de flic exemplaire.

— Waldeck Sdresvic...

— Katia s'il vous plaît, rectifia la blonde plantureuse d'une voix grave, suave et sexy, mâtinée d'un accent slave.

— Si vous voulez. Date et lieu de naissance ?

— Il va la violer.

— Quoi ? Qu'est-ce que vous me chantez là ? Qui va violer qui ? Bon, ma grande, on va éviter les digressions inutiles, je suis fatigué et j'ai pas l'intention d'y passer la nuit...

— Votre commissaire, il va violer Lydia, la petite nouvelle. C'est une habitude chez lui, pour marquer son territoire.

— Qu'est-ce que c'est que ces conneries ? Vous délirez complètement…

Comme pour corroborer les dires du travesti, des hurlements déchirants de supplications dans une langue étrangère emplirent le commissariat.

— Vous m'avez l'air d'être un flic honnête et droit, Monsieur l'Inspecteur, alors pourquoi laissez-vous faire ? On est des êtres humains, on a le droit au respect et à la dignité.

Les vociférations redoublèrent.

— Je... Je vais voir ce qui se passe, ne bougez pas.

Marc se dirigea, hésitant, vers le bureau de son boss. Il frappa timidement à la porte.

Noooo, Mister Officer, please, noooo…

Le jeune inspecteur prit son courage à deux mains et enfonça la porte en mélaminé qui céda facilement. Le pantalon et le caleçon sur les chevilles, Joseph Cash tentait de prendre en levrette la malheureuse. A la vue de son collègue, il relâcha son emprise. La fille de joie se dégagea et courut se réfugier vers son sauveur en le suppliant.

Help me please ! Help...

Elle ne put terminer sa phrase et s'écroula dans les bras de Marc, exécutée par une balle de neuf millimètres logée dans la nuque. Cash reposa son arme sur son plan de travail et se reculotta. Devant l'incompréhension du jeune inspecteur qui voyait pour la première fois la mort d'aussi près, le commissaire se justifia.

— Vous êtes témoin, Oettinger, elle essayait de s'enfuir.

— Vous êtes complètement malade, Monsieur ! C'était une gamine sans défense. Évidemment qu'elle voulait échapper à vos griffes de gros dégueulasse. Vous me dégoûtez !

— C'était une putain, rien qu'une putain ! Et les putains, ça ne sert qu'à ça, baiser...

— Je ne vous laisserai pas vous en tirer comme ça !

Marc confia le corps inerte à un agent alerté par le coup de feu et dégaina son revolver pour le braquer sur son supérieur.

— C'est ma parole contre la vôtre, Oettinger. Et vous ne pesez pas lourd dans le service...

— Je vais nettoyer la police de votre présence malsaine. Avec l'appui des prostituées de Boulogne, je vais dénoncer vos pratiques à l'IGS (3). Elle appréciera. Brigadiers, coffrez-moi ce porc, qu'on en finisse !

— Vous le regretterez, Oettinger, je vous le garantis. Parole de flic.

— La vôtre ne vaut pas grand-chose, Monsieur. Vraiment pas grand-chose...

On menotta l'éminent commissaire et l'enferma en cellule. Marc revint vers son box.

— Katia, je vais avoir besoin de votre aide. Lydia est morte...

(3) : Inspection Générale des Services

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