56 : Un trop gênant petit soldat

2 minutes de lecture

Île Seguin

Boulogne-Billancourt (92)

Fin janvier 2011

Le troisième jour

14:30

Une Peugeot 607 s’arrêta à hauteur du SUV Mercedes stationné sur le terrain vague, non loin du squelette calciné d'un Hummer H2. Un homme à l’imposante carrure était adossé au véhicule de marque allemande. Le faciès buriné barré de Ray-Ban et vêtu d’une gabardine marine sur un complet veston gris souris, il jeta sa clope à peine consumée et l’écrasa de sa derby. Il contourna la berline statutaire, ouvrit la portière avant côté passager et s’assit dans le confortable siège en cuir crème avant de la refermer.

— Revon, je n’aime pas ces rendez-vous improvisés en plein jour, attaqua l’homme en gabardine. Tu as tout intérêt à ce que je ne me sois pas déplacé pour rien.

— C’est infiniment plus risqué pour moi que pour vous, Maître. Un avocat véreux, ça ne choque plus personne, tandis qu’un flic se doit de représenter une certaine respectabilité.

— Arrête ton baratin ! Dis-moi plutôt ce que tu veux.

— J’ai bien peur de ne plus pouvoir maîtriser mon petit soldat. Elle va s’attaquer à votre client, bille en tête.

— Qui ça ? Marquance ? Glisse-lui des peaux de bananes sous ses escarpins, on te paie pour ça, non ?

— Ma fonction a ses limites, Roncourt. Marina devient un électron aussi libre qu’Oettinger. Seulement, contrairement à lui, elle est exemplaire à plus d’un titre. Je n’ai aucune emprise disciplinaire sur elle.

— Il va pourtant falloir que tu te débrouilles pour la faire plonger, pour lui foutre l’IGS au cul.

— Mais comment voulez-vous que je fasse ?

— Des preuves, ça se fabrique. De toute façon, tu n’as pas le choix. Il te faut agir si tu ne veux pas que mon client liquide son fils.

— Bon sang, Roncourt, on avait dit qu’on ne touchait pas aux enfants !

— Ferme-la, Revon ! Le Caïd est obligé d’avoir un moyen de pression supplémentaire, au cas où tu échoues.

L’avocat sortit de la poche intérieure de sa gabardine un sachet en plastique transparent contenant plusieurs liasses de billets. Il le tendit au divisionnaire.

— Une petite avance à titre d’encouragement.

— Je ne peux pas faire ça ! s’offusqua le fonctionnaire en s'en saisissant.

— Tu oublies un peu vite à qui tu dois tes débuts dans la Police. Sans les relations de Joseph à une époque où il n’avait pas encore été mis au ban de la société, tu ne serais rien. Tout au plus un gardien de la paix de piètre envergure. Avec un salaire insuffisant pour financer les études supérieures de tes gosses. Si tu songeais ne serait-ce qu’un seul instant à retourner ta veste, Eagle n’aurait pas d’état d’âme à supprimer les tiens.

Le divisionnaire blêmit sous la menace pendant que son interlocuteur quittait l’habitacle de sa voiture de service.

— Tu as choisi ton camp depuis longtemps, Revon. Tu ne peux plus faire machine arrière. Je te rappelle qu’on se voit dimanche chez le Ministre pour l’anniversaire de sa bourgeoise. D’ici là, pense à mon client, au Colt 45, au couteau de chasse et au poing américain que ses sbires ou lui-même pourraient utiliser si tu nous faisais défaut.

La portière se referma dans un bruit mat. L’avocat disparut derrière les vitres fumées de son 4x4 pour démarrer en trombe et disparaître dans un halo de lumière solaire.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Aventador ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0