Les souvenirs refont surface et accentuent un stress que je sens poindre.

Lors d'une soirée étudiante, dans une boite, nous la repérames en même temps.

Taille normale, environ 1,70 m. Un charme à faire fondre un glaçon. Et nous n'étions pas des glaçons. Des yeux rieurs éclairaient sa peau noire. Des cheveux tressés encadraient son visage et lui conféraient une beauté troublante.

Et nous fûmes troublés.

Elle était gaie, entourée des ses amies et amis.

Elle avait un copain qui faisait des aller-retours entre son verre de bière et ses lèvres à elle. Elle ne paraissait pas s'offusquer de partager son ami avec du houblon. Au contraire elle semblait s'en amuser.

Déjà un regard enjoué.

Romain et moi nous nous comprîmes. Lequel la lèverait ? Oui, ce n'est pas trop classe comme expression mais à cette époque nous pouvions être à ce niveau de réflexion en parlant des filles.

Je crus avoir la baraka avec moi. Alors qu'elle dansait, se déhanchait plutôt, sans son copain sur la piste de danse je devançai Romain et tentant le tout pour le tout, j'allai directement l'inviter à danser. L'inviter est un grand mot. je lui pris autoritairement la main pour un rock d'enfer.
Elle tenta de résister mais je la cramponnai. Je ne voulais surtout pas lui donner le temps de penser que j'étais le lourdingue de service.

Un rock ne peut être qu'endiablé, vous le savez bien. Et il le fut. Après ces quelques secondes d'hésitation elle se donna à fond, sans retenue.

Elle était venue à cette soirée pour s'amuser.

J'ai la réputation d'être un bon danseur. Ca aide, pas la réputation mais d'être réellement un bon danseur.

Ha ! ses yeux ! Des éclats de malice brillèrent dans ses prunelles et mon coeur s'est emballé.

Comme un vol de papillons
Comme un air de chanson
Sans paroles
Sur l'aile de mes pensées
Soudain d'un pied léger
Libéré je m'envole
Sortant de l'obscurité
Mes yeux comme aveuglés
Par la chance
Découvrent un monde irréel
Où sur un arc-en-ciel
Je m'élance
Piétinant mes mauvais jours

Je danse avec l'amour

Fut-elle contente de faire ainsi la nique à son copain ? Elle m'avoua bien plus tard que ce soir là, elle en avait assez de faire banquette.

Nous étions en harmonie. Je pensais avoir fait le principal.

Romain nous observait et se réjouissait de mon succès et mon culot l'avait amusé.

Mais au moment d'enchainer un deuxième rock, son copain voulut la récupérer. Quoi de plus normal.
Bintou parut hésitante et malgrè tout Je m'apprêtais à céder la place, la mort dans l'âme.

Romain joua alors le grand frère et il intervint, solidaire de son pote.

— Tout doux mon gars, tu as vu comme ils sont faits pour danser ensemble.

— Mais c'est ma copine.

— Tu m'en diras tant.

Romain prit le gars par l'épaule pour l'éloigner de la piste, mais celui-ci insista.

— J'ai bien le droit de danser avec ma copine.

— Tu peux bien la prêter cinq minutes. Et puis les copines ça va ça vient...

— ...

Romain n'est pas le genre à envenimer une situation et il proposa alors une voie de conciliation à laquelle le gars pouvait s'accrocher.

— Je t'offre un verre pour patienter.

Bintou et moi commençames un deuxième rock avec un peu d'appréhension et nous jetions un œil pour voir la suite des événements.
Romain accompagna le gars au bar. Ce dernier nous guetta l'air inquiet mais il ne broncha plus. Il faut dire que Romain joue au rugby. Troisième ligne. C'est un beau bébé comme on dit. Il n'a pas peur des coups. En recevoir comme en donner.

Nous partageons l'amour du rugby, mais moi en tribunes lui sur le terrain. Le gars sentit qu'il avait tout intérêt à prêter sa copine.

Voire plus.

Et ce fut plus. Mais pas avec moi.

Comme la p'tite boule bleue
Qui nuit et jour
Tourne autour du soleil
Jour et nuit moi je veille
Sur les étoiles qui brillent dans tes yeux