Chapitre V.7
Au pied du chien, l'ange était aussi grand qu’un humain au pied d’un immeuble. Et le chien, partie intégrante du monde végétal, leva ses pattes avant, bien haut par-dessus sa tête ; une boule de feu commença à se former dans un silence mortel. Alors l’ange s’élança et monta vers les cieux ; autour de lui les arbres grandirent aussi vite qu’il montait, pour l’empêcher de s’échapper. Mais l’ange ne cherchait pas à quitter les lieux : alors que la boule de feu allait s’abattre sur lui, il se fit plus petit ; encore plus à la merci de son adversaire mais à la taille idéale pour passer entre ses crocs redoutables.
La chaleur insoutenable de l’haleine du chien ne le fit pas hésiter un seul instant : il entra à l’intérieur de son ennemi, qui se retrouva avec une boule de feux au-dessus de sa tête, mais plus rien à détruire. Et tandis que le Réseau l’empêchait de se débarrasser de tout ce feu en le jetant par terre, sur la forêt qui risquait de brûler, l’ange se liquéfia. Il plongea dans les artères de sang et alors que le chien était paralysé par l’hésitation (que pouvait-il faire du sort qu’il avait préparé ?) l’ange occupa tout son corps, il prit possession de la moindre cellule. Immobilisé par la boule de feu destructrice dont il ne savait que faire, le chien ne put lui opposer aucune résistance, et rapidement l’ange le contrôla totalement.
Et en contrôlant le chien, l’ange profitait de sa connexion au Réseau. Enfin ! Mais les branches se retirèrent peu à peu du dos de l’animal : le Réseau s’était aperçu de la supercherie et préférait quitter les lieux en catimini.
« Halte là ! vociféra l’ange par la voix du monstre. Tu peux toujours fuir d’ici, mais crois-tu pouvoir partir assez vite pour que je n’aie même pas le temps d’écarter les bras ? Et de faire tomber une petite boule de feu plutôt ravageuse sur la forêt de tes connexions ? Je ne pense pas que tu t’en tirerais sans dommage, aussi tu ferais peut-être bien de rester encore quelques instants, juste le temps que je récupère quelques données, pour mes besoins personnels… » Les branches s’immobilisèrent.
« Tant qu’à faire, poursuivit l’ange, tu pourrais peut-être revenir complètement pour me soutenir, j’ai les bras qui commencent à fatiguer, à rester comme ça… » Les branches revinrent tout à fait. L’ange projeta alors sa conscience à travers la multitude de veines des branches qui le reliaient au Réseau, dans toutes les directions. D’innombrables extensions de son esprit s’y infiltrèrent, au-delà de la forêt, au cœur même du Réseau. C’était un monde totalement indescriptible, mais que l’ange-immeuble connaissait bien ; les extensions envahirent tout l’espace auquel elles avaient accès, ce qui correspondait à toutes les données que le Réseau pouvait éventuellement mettre à la disposition du chien. Une fois tout le territoire occupé, les extensions se divisèrent encore, à l’infini ; chaque parcelle de la conscience de l’ange se jeta sur une donnée, s’en empara et la rapporta dans le corps du chien. L’ange y regroupa tout ce qu’il avait ainsi récolté : il avait triomphé, et remporté haut la main ce pourquoi il avait combattu. Il ne lui restait plus qu’à réintégrer Médusa pour transmettre ce trophée dans les ordinateurs de son immeuble.
Il lui fallait donc quitter le corps du chien, et s’enfuir sans que ni le monstre ni le Réseau ne parviennent à le rattraper. Aussi, pour les handicaper quelque peu, juste avant de quitter le chien il lui donna un dernier ordre : s’étirer un peu les bras, sans quoi il risquait d’attraper des courbatures.
Puis il s’enfuit de la fournaise de la gueule de son « petit frère », volant à toute vitesse vers Médusa.
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