Chapitre XII.3

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Le sous-sol dans lequel ils venaient d’atterrir, outre qu’il était tout aussi plein de robots que les précédents, paraissait étonnamment vaste. Io pensait que tous les sous-sols devaient avoir à peu près la même superficie, du moins cela lui semblait-il logique ; mais là, ils avaient beau courir dans toutes les directions en suivant des couloirs interminables, ils ne trouvaient rien qu’une étendue de murs et de lumières à perte de vue.

Décidément, ce niveau était étrange. Il y avait toujours un tumulte lointain annonçant la poursuite des policiers, et des robots continuaient à surgir de toutes parts, mais normalement quand on court de toute la vitesse rendue possible par des moyens aussi puissants que ceux fournis par l'armure de Io, quand on court aussi vite le long d’un couloir rectiligne, normalement il arrive un moment où la fin du couloir se distingue à l’horizon, ensuite elle se rapproche de plus en plus vite et le couloir s’arrête. Ici, non.

Imalbo courait derrière Io à reculons. Cela ne semblait pas le gêner, et il en profitait pour déchiqueter de sa sulfateuse tout ce qui se présentait à ses yeux. Beaucoup des robots étaient maintenant de petites sphères qui roulaient vers eux à toute allure en leur envoyant des décharges électriques ; mais Imalbo les descendait à vue. Il devait aussi faire attention au plafond, où étaient aménagés des rails qu’empruntaient des sortes de grandes scies circulaires dont il fallait viser précisément le point d’attache afin de les faire tomber. Et tout ça en courant à reculons.

Mais à force de reculer, Imalbo se cogna à Io qui s’était brusquement arrêté, et il se fit mal, simplement parce qu’un mur empêchait l’humain d’aller plus loin. En fait, depuis un certain temps déjà Io n’avait plus vu d’intersections au couloir qu’il suivait, et voilà qu’ils finissaient par tomber dans un cul-de-sac ! Enfin, ils avaient quand même fini par trouver le bout de ce satané couloir, mais il allait leur falloir rebrousser chemin, et vite !

Trop tard. Ils apercevaient l’intersection qu’ils auraient dû prendre au loin, et des robots l’envahissaient. Ils étaient coincés ! Mais les robots ne s’approchèrent pas, ils se contentèrent de rester à l’intersection pour leur faire comprendre qu’ils ne devaient pas revenir en arrière ; et en effet ils étaient si nombreux qu’il valait mieux rester dans ce trou plutôt que de foncer dans la gueule du loup, là où les robots pourraient les attaquer sur trois fronts à la fois. Ici au moins, quand ils se décideraient à venir, ils seraient devant eux, et ce serait tout.

Mais les robots n’attaquèrent pas. Ils laissèrent ce soin aux policiers, qui passèrent devant eux au pas, l’arme braquée vers les deux fugitifs, et sûrs d’eux. Il y avait d’ailleurs de quoi, ils étaient tellement nombreux ; tout ça rien que pour eux ! Mais Imalbo et Io se mirent à tirer sitôt qu’ils s'approchèrent ; et comme la portée de leurs armes, tout comme celle de leurs adversaires, était très longue, il s’ensuivit une étrange bataille dans ce couloir immense, une bataille où chacun ne voyait son ennemi que comme une forme vague qui se mouvait au loin. Cependant, comme la forme vague des policiers était bien plus compacte que les deux petites silhouettes qui s’agitaient dns tous les sens pour éviter les tirs ennemis, les rangs des forces armées s’ébréchèrent rapidement, et bientôt les policiers se décidèrent à cesser leur progression pour se concentrer sur la bataille à distance.

Imalbo avait un grand nombre de munitions, et l’arme de Io se rechargeait d’elle-même presque infiniment : aussi les choses risquaient-elles de s’éterniser. En effet, les deux groupes étaient si éloignés l’un de l’autre qu’on pouvait voir venir les tirs adverses longtemps à l’avance ; il était assez facile de les esquiver. Au début, le nombre important de policiers en présence génèrent ces derniers, et ils se cognaient en voulant éviter les tirs, beaucoup tombaient au sol, grièvement blessés et hors de combat ; surtout depuis que Io avait reconnu que devant des adversaires qui voulaient votre peau à ce point, et dans une telle situation où la mort se rapprochait à grands pas, on ne pouvait plus vraiment se permettre d’utiliser uniquement des décharges étourdissantes. D’ailleurs, celles-ci avaient une portée trop réduite ; Io espérait juste que les armures des hommes empêcheraient leur mort, mais il n’en tirait pas moins avec une frénésie redoutable.

« Bon, pour le moment, tout va bien, lui cria Imalbo. On ne risque pas de se faire toucher avant longtemps. Seulement, si on ne fait rien, vu qu’ils sont plus nombreux et qu’ils peuvent appeler autant de renforts qu’ils le veulent, autant se rendre tout de suite : ils ne peuvent que gagner !

— D’accord pour tenter quelque chose, lança Io en retour. Mais quoi ? »

Imalbo ne savait pas. Il était vrai qu’ils étaient plutôt coincés ; tout ce qu’ils pouvaient faire, c’était tirer sur les policiers pour retarder au plus possible l’échéance du combat. Mais l’issue en serait la même.

Et ils ne pourraient peut-être plus rien retarder : les policiers reprenaient leur marche implacable, ignorant tout des blessés ou des morts. Ils marchaient lentement, en appuyant lourdement sur le sol pour donner la meilleure précision à leurs armes, et ils tiraient droit devant eux, et certains tombaient, et les autres tiraient, avançaient.

Puis ils s’arrêtèrent à nouveau ; la mort s’était avancée, et maintenant elle les contemplait, immobile. Enfin, pas vraiment immobile : les premiers rangs ne bougeaient pas, si on ignorait les pressions des index sur les gâchettes ; mais derrière eux, à l’arrière, protégés, d’autres hommes se mouvaient, ils ne tiraient pas et semblaient s’occuper d’autre chose, mais de quoi ?

« On va mourir, prépare-toi. »

Les premiers rangs s’écartèrent… Ou plutôt, ils cessèrent d’être remplacés et finirent par s’effondrer. Un canon.

« Accroche-toi ! » hurla Io, sans d’ailleurs lui laisser le choix.

La mort se ruait vers eux sous la forme d’un immense obus ; mais Imalbo fut saisi par le bras, jeté contre un mur, puis projeté au plafond. Tout cela par Io, qui avait vu la trajectoire de l’obus dirigée vers leurs pieds ; aussi avait-il attrapé son ami puis, prenant appui sur le mur, il l’avait plaqué au plafond, se collant derrière lui. En même temps vint l’explosion, et le souffle torride les maintint là, en l’air. L’onde de choc fut assez bien absorbée par l’armure de Io, mais la douleur qu’il ressentit en retombant sur le sol calciné lui fit comprendre combien il était passé près d’être brûlé vif, son armure le protégeant maintenant à peine mieux que n’importe quel morceau de coton.

Plus d’armure, cela ne signifiait qu’une chose : la mort savait être patiente, et elle s’y prendrait à deux fois. Le canon était réarmé. Dans un dernier sursaut d’énergie, Io rouvrit le feu sur ses bourreaux, mais trop tard, un nouvel obus fendaient les airs. Il explosa comme le précédent, et Io sentit l’explosion au loin, en tombant dans le noir royaume des ombres.

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