Et il aimait Bauhaus

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Je reçois un coup de fil de Marc. Du moins, je crois qu’il s’appelle Marc… Peu importe, en vérité, il ne s’agit que d’une vague connaissance, un type que j’ai connu en boite il y a quelques mois et qui a tenté de me draguer. J’ai quand même passé la nuit avec lui, une nuit plutôt décevante pour être honnête. Jamais revu depuis. Et maintenant, il se décide à m’appeler.

Il est parvenu à me convaincre, non sans mal, d’aller à une petite fête chez lui ce soir. Il m’a assuré que ça serait une soirée géniale, avec beaucoup de monde présent, et beaucoup de mecs, bien sûr. Je n’étais franchement pas emballé par cette invitation, mais je me suis dit que je n’avais rien de mieux à faire, J’ai fini par accepter.

C’est pourquoi, me voilà à cette fameuse fiesta, où l’alcool manquerait presque, où aucun mec ne semble à mon goût, et où, visiblement, on se fait royalement chier. Marc m'accueille avec un grand sourire, tâchant de paraître détendu et serein, il cherche clairement à me charmer, je réalise qu’il m’a fait venir en espérant coucher avec moi plus tard. De mon côté je ne fais aucun effort, je ne montre aucun enthousiasme à être ici. Je discute un instant avec mon hôte et les personnes qui l’entourent. Tous me paraissent ennuyeux, dénués de tout intérêt. Je décide donc d'aller me servir un verre rapidement. J’en ai méchamment besoin.

J’observe la pièce, un salon minuscule et plutôt vide en matière de décoration. Dans un coin siège un vieux canapé sur lequel j’ai taillé une pipe à Marc la dernière fois. A présent il y a des mecs pas trop moches assis dessus, et j’en repère un qui me regarde intensément, je suis sur qu’il est homo, mais il ne me branche pas trop. D’un coup je me rends compte de la musique qui passe en fond sonore, c’est “Love Buzz” de Nirvana. Le genre de titre ou il faudrait monter le son à fond pour bien en profiter, malheureusement, on entend à peine la voix du chanteur et ce détail la m’emmerde particulièrement. Toutes les personnes présentes dans cet appartement sont trop sages, trop propres sur elles, trop “parfaites” ou du moins essaient de le paraître.

Je vraiment du mal à savoir ce que je fais ici, alors je prend la décision de me casser, je m’allume une clope, me dirige vers Marc, il me tourne le dos, je me penche vers sa joue, et y dépose un baiser et lui dis « Tchao chéri je me casse ! ». Il n’a pas le temps de répondre je suis déjà loin, mais je me marre en imaginant sa tête. Finalement je ne serai pas resté plus de vingt minutes chez ce mec. Tout comme la dernière fois, quand j’avais baisé avec lui, et cette idée me fait sourire.

Dehors il fait froid. Je ne sais pas quoi faire, je pourrai rentrer chez moi, me branler, et me coucher. Mais j’ai envie de m’amuser. Et je décide d’aller en boite, je trouverai forcément quelqu’un là-bas, et au moins je pourrai boire.

__________

Et je suis dans cette boite vétuste. C’est l’une des plus vieilles de la ville, et il y fait un froid glacial. Du coup obligé de danser et de boire pour se réchauffer. L’endroit est tellement miteux, certaines fenêtres sont même cassées, le bar est délabré, la moitié des lumières ne fonctionnent même plus, sans parler de l’état des chiottes.

Mais malgré ça on voit beaucoup de personne ici. il y a toujours un monde impressionnant. Sûrement que le côté dépravé de l’endroit en attire certains, mais c’est aussi la seule boîte où on peut entendre et se bouger sur cette musique. The Cure, New Order, the Smiths, et la musique qui passe la c’est Dark Entries de Bauhaus. Et déjà je suis électrisé. J’ai les cheveux complètement en pétard ce soir, on pourrait me prendre pour Robert Smith. Je porte que des fringues noires, converse, jean, et un t-shirt un peu trop petit pour moi déchiré au niveau du col. Je suis sûr de faire forte impression.

Quand j’arrive dans l’établissement je repère direct un jeune mec androgyne très mince. Faut dire j'aurais eu du mal à ne pas le voir, on ne remarque que lui au milieux des autres, tous tellement insignifiants. Mais lui… Lui il danse comme un fou au milieu de la piste, il porte un jean déchiré, des converses bleu électrique toutes trouées et ses long cheveux virevoltent dans tous les sens au rythme de la musique.

Il y a un côté magique et mystique chez ce mec, il a tellement l’air concentré sur sa danse, les yeux fermés sans tenir compte de ceux qui l’entoure, uniquement focalisé sur ses mouvements et sur la musique.

Je mentirais si je disais qu’il n’y avait rien d’excitant chez lui, pourtant tellement loin des stéréotypes que j’apprécie habituellement.

Je suis resté comme un con plusieurs minutes à l’observer, comme hypnotisé par son envoûtant déhanché. J’ai tout de même réussi à reprendre mes esprits, avec une envie imminente d’aller lui parler, de bouger avec lui, de le toucher, mais dans le doute j’ai préféré aller commander au bar.

Le mec qui servait à boire ne m’a même pas fait payer ma consommation et je ne saurai jamais si c’est parce qu’il était débordé, complètement bourré, ou quoi... Mais je ne lui ai pas fait remarquer et je me suis éloigné mon verre à la main. De plus le type m’avait servi un whisky coca immense avec beaucoup d’alcool, plutôt sympa, peut-être qu’il voulait me faire plaisir après tout. Oui c’est certainement ça.

J’ai un peu fait le tour de la boîte jetant un œil par ci par là, tachant de me laissant pénétrer par l’ambiance, observant les différentes personnes présente ici sans être particulièrement impressionné, ni intéressé. Non le seul vers lequel mon regard se tourne sans que je ne puisse me contrôler c’est toujours ce même mec. Maintenant la musique qui passe c’est “Bela lugosi is dead” et je ne savais même pas qu’on pouvait danser là dessus, et lui il est lancé dans une chorégraphie lascive et envoûtante tellement sexy que de nouveau je ne peux que l’admirer sans me préoccuper de rien, que de lui, de ses gestes, et de l’attraction qu’il exerce sur moi, d’une façon que je m’explique même pas.

Plusieurs minutes s’écoulent et la musique s’arrête soudainement. Un blanc, un silence assourdissant subitement. Il est face à moi et ouvre les yeux, semblant sortir d’une transe qu’il pensait devoir durer une éternité. La musique reprend, “So Alive”, et il lâche un sourire plus que désarmant qui finit de me faire perdre complètement la tête.

Je le suis du regard alors qu’il quitte la piste de danse d’un pas assuré au début, mais il se heurte sans le vouloir à un type immense à côté duquel il paraît bien frêle et minuscule, l’ignorant alors totalement avant que le type commence à l’invectiver alors il se retourne tout sourire et dresse son majeur en direction du gars un immense sourire plaqué sur le visage. Le type en reste bouche bée et n’a même pas la présence d’esprit de réagir.

Mon petit brun lui continue son chemin en direction du fumoir et j’ai soudain pleinement conscience de mon envie de fumer et je me précipite à sa suite.

Le fumoir, si j’ose l’appeler ainsi, c’est juste une pièce fermée avec des vitres en plexiglass dégueulasse donnant sur le reste de la salle. La fumée s’y accumule si bien qu’on se croirait en plein brouillard. Je repère cependant vite mon petit danseur, une clope au bout du bec, tâchant tant bien que mal de faire fonctionner son briquet mais sans grande réussite. Je me dis que c’est un signe, et je commence à le rejoindre prêt à « l’allumer » mais une meuf ultra sexy le fait à ma place, et j'en viens à la détester pour ça. Et le voilà tirant sur sa clope tout sourire pour cette gonzesse, cette dernière semblant parfaitement ravi de l’avoir harponné.

J’allume ma Camel et l’observe de loin, il fume calmement, lentement, aspirant et recrachant la fumée avec grâce et savoir faire. Il passe une mèche de ses longs cheveux noire derrière son oreille droite et j’y distingue alors deux, non, trois anneaux argentés fixé dans l'hélix.

J'ai un regain d’espoir quand je vois qu’il semble ne porter aucun réel intérêt à cette fille, et il s’éloigne d’elle subitement alors qu’elle était en train de lui raconter je ne sais quelle connerie, et il s’approche, s'adosse au mur à moins d’un mètre de moi continuant de tirer sur sa cigarette faisant comme s’il n’était pas le mec le plus sexy a des kilomètres à la ronde.

​Il n’a jamais été aussi proche de moi, je le dévore littéralement des yeux, et je remarque le tatouage sur son avant-bras, vers son poignet, un symbole que je n’arrive pas à identifier, se terminant par une fine ligne noire qui remonte le long de son avant-bras puis de son bras disparaissant ensuite sous son t-shirt. Et je suis soudain très curieux de savoir jusqu'où va ce mince trait sombre, contraste sublime sur sa peau si claire.

Je tâche de rester discret dans ma contemplation de cet étrange garçon. J’ai un peu de mal à réaliser que je suis en train de reluquer un mec comme lui, mais il exerce un magnétisme plutôt incroyable, il est juste terriblement beau, à l’image d’une créature fantastique capable de séduire n’importe quel être vivant et moi je suis tombé sous son charme.

Cette fois lui aussi m’observe, ses yeux se fixe sur moi. Ce sont deux billes absolument sublimes et brillant d’un éclat vert. Son regard est intense et profond, et un sourire taquin se forme à la commissure de ses lèvres.

-Tu peux me parler si t’en a envie…

Il lâche ça en se rapprochant encore de moi. Et nous sommes maintenant côte à côte, et je me dis qu’il ne manque vraiment pas de culot, comme si j’avais besoin de sa permission pour lui adresser la parole.

Mais quand je vois sa frimousse illuminée d’un charmant sourire, de ses yeux rieurs et cet air tellement attendrissant, je me rend compte qu’il cherche juste à engager la conversation alors je souris moi aussi et je lui demande pourquoi j’aurais envie de lui parler.

Son sourire s’élargit encore.

-Moi j’aimerais bien que tu ai envie de me parler.

Il est clairement trop mignon et trop attirant pour que je ne tombe pas directement sous son charme. Il enchaîne en me demandant ce que je bois et quand je lui répond il me confisque mon verre et commence à en boire le contenu aspirant le liquide sombre grâce à la paille jaune fluo.

Il fait une petite grimace de surprise avant d’avaler, et il me rend le verre maintenant à moitié vide en me remerciant.

-Tu sais que tu danses particulièrement bien ?

-Vraiment ? Tu crois pas plutôt que c’est que je te plais ?

-Non je trouve vraiment que tu danses super bien, tu dégages un truc extraordinaire quand tu bouges sur la piste.

Et là je suis très emmerdé parce qu’il me remercie en rougissant légèrement et en regardant ses pompes d’un air un peu gêné et il ne pourrait pas être plus désirable, et je me dis que ce mec ne peut pas être réel.

-J’aime beaucoup danser… Je me laisse emporter et… Voilà. Et franchement je kiff la musique ici. T’aimes danser toi ?

-En règle général je ne danse que quand je suis bourré.

-Et tu accepterais de danser avec moi la ? Même si tu semble pas vraiment bourré. Il dit en riant.

Et pourquoi pas ? après tout…

-Ok pourquoi pas…Je réponds en vidant mon verre d’une traite.

Un sourire merveilleux qui me semble quelque peu surnaturel apparaît sur son doux visage. Il me dit de le suivre et je le fais. Nous dansons ce qui me semble des heures tous les deux, mais quand je tente de m’approcher pour le coller un peu, il semble gêné et je n’insiste pas plus. Et finalement il me propose de venir chez lui, et encore une fois j’accepte de le suivre, envouté par sa grâce.

__________

-Moi c’est Camille.

Il se présente en prenant une cigarette dans mon paquet. Nous sommes tout les deux devant la boîte, il doit être cinq ou six heures du matin maintenant. Il fait froid à l'extérieur et alors que j’allume sa clope grâce à mon briquet tout en lui donnant mon prénom, il ressert une écharpe autour de son cou en frissonnant. Il me fait un léger signe de tête pour m’inviter à le suivre et c’est ce que je fais, ravi de continuer la soirée avec lui.

Et heureusement son appartement n’est pas très loin de la boîte. A peine la porte franchie on retire rapidement nos vestes qui finissent toutes les deux au sol et le voilà enfin qui se serre contre moi, il y a de la lubricité dans son regard et ça n’est pas pour me déplaire. Et ses mains se glissent derrière ma tête tout doucement et tendrement. Il est plus petit que moi, voire même carrément plus petit, et je crois qu’il est obligé de se mettre sur la pointe des pieds pour enfin coller ses lèvres aux miennes, et je suis trop heureux de lui rendre son baiser, nos langues entrant rapidement en contact. C’est d’abord un baiser très tendre, doux, presque trop sage, à des années-lumière de la ferveur qui nous animait pendant que nous dansions ensemble un peu plus tôt. Et puis, comme si nous commencions déjà doucement à nous apprivoiser, ça devient petit à petit plus sauvage, je glisse moi aussi mes mains sur lui, sur son corps si svelte, dans ses cheveux si longs et fins. Il pousse le vice à me mordiller la lèvre inférieure, et ça m’électrise direct alors de mon côté je glisse une main le long de son dos, terminant sa course au niveau de ses fesses que je sens rondes et fermes à travers son jeans.

-T’as l’air de savoir ce que tu veux. Il susurre doucement à mon oreille.

-Pas toi ?

-Oh si.

Et soudain il s’éloigne doucement de moi, fait quelques pas à l’intérieur de l’appartement et ce n’est qu’à cet instant que je réalise que nous n’avions même pas encore dépassé le hall d’entrée. Alors je marche dans sa direction, et il me dit de m’installer sur le canapé et c’est ce que je fais après avoir jeté un coup d’œil autour de moi. L’endroit est sympathique, chaleureux, même si plutôt petit. Il y a un sapin de Noël artificiel dans un coin de la pièce, ca me déprime un peu surtout que ça fait déjà deux semaines qu’on a fêté la nouvelle année, et je ne comprendrai jamais pourquoi certains garde ce genre de chose aussi longtemps au milieu de leur salon.

Je m’installe sur un vieux canapé plutôt défoncé qui contre toute attente se révèle être très confortable et en patientant j’inspecte une affiche d’un film que je crois je n’ai jamais qui se trouve là, accrochée au mur, et dessus on y voit une femme partiellement dénudée dans une posture lascive et sexy. Une musique que je connais bien se lance, et immédiatement je reconnais la voix de Julian Casablancas et je sais qu’il n’y a aucun autre endroit ou je voudrais être en ce moment, et ce sentiment se renforce en voyant arriver ce petit mec, maintenant torse nu une bière dans chaque main.

-Ca te va ? Il demande en me rendant une bouteille déjà décapsulée.

Et je ne répond pas immédiatement parce que je me perd dans la contemplation de son corps, il est si fin, musclé juste ce qu’il faut pour donner à son ventre et son torse le relief nécessaire. Je prend la boisson qu’il me tend, je le remercie, et lui demande de venir s’assoir à mes côtés ce qu’il fait bien évidemment. J’attrape son bras, repère le tatouage dessiné là, à l’intersection de sa main et de son poignet, à proximité du pouce. Et je me rend compte qu’il s’agit d’un petit serpent qui se mord la queue, et comme je l’avais vu plus tôt dans la boîte de nuit, un fin trait noir se détache du dessin pour poursuivre sa course le long de son avant-bras gauche, suit la courbure de son coude, continue sur son bras pour finir par passer derrière son épaule. Et je suis piqué par la curiosité, j’ai très envie de voir jusqu’où va cette œuvre corporelle, et je commence à la suivre d’une caresse du bout du doigts, ce qui le fait frissonner un peu, et quand mon regard se pose sur son visage, je décèle une pointe d’amusement dans ses yeux, ses yeux verts. Le poison de Charles Baudelaire soudain me vient à l’esprit.

-Tu veux voir jusqu’où ça va ? Il me demande espiègle.

-Ouais. Carrément.

-Alors il va falloir me déshabiller pour ça parce que… ça continue plus bas après.

Il répond ça en rougissant légèrement et je ne vois pas comment il pourrait être plus attachant, plus mignon, plus sensuel. Je l’embrasse à nouveau, posant ma bière sur la table basse devant nous, et je constate qu’il a fait de même avec la sienne. Je l’embrasse à nouveau, ses longs cheveux s’accrochent un instant aux miens.

-Retourne-toi. Je lui demande de la façon la plus sensuelle dont je me sens capable.

Et il le fait comprenant immédiatement ce que j’ai en tête puisque déjà il dégage sa longue chevelure de sa nuque et je peux ainsi y découvrir la suite de son tatouage. Il y a là un nouveau symbole relié par ce trait noir jusqu’à son poignet. Ce dessin-là représente un oiseau, à première vue on dirait une sorte de colombe les ailes déployées. Puis finalement je réalise qu’il doit s’agir d’un phoenix.

Et même si nous ne faisons aucun effort particulier pour le moment, nos deux respirations sont un peu accélérées maintenant, sûrement à cause de l’excitation et la fièvre qui nous anime tous les deux. De nouveau je le prends dans mes bras et là il s’abandonne complètement je lui mordille le lobe de l’oreille ce qui le fait gémir et frissonner tout contre moi. Et quand je le vois collé à moi je le trouve vraiment beau, et tout ce moment passé en sa compagnie est si sensuel que je réalise que je ne me souviens pas quand c’était la dernière fois où j’étais avec un mec et que je me suis senti aussi bien. Et déjà j’ai hâte de poursuivre mes investigations avec lui, Camille.

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